Le président de la Commission nationale des droits humains (CNDH), Kalifa Yemboado Rodrigue Namoano, poursuivi pour fraude en matière de commande publique, complicité d’usage de faux et de blanchiment d’argent, a comparu, le jeudi 1er décembre 2022 au Tribunal de grande instance Ouaga 1. A ses côtés, sept autres personnes sont également poursuivies dans le cadre de ce dossier.
Le Tribunal de grande instance Ouaga 1 veut faire la lumière sur les accusations de fraude en matière de commande publique, de complicité d’usage de faux et de faux en écriture et de blanchiment de capitaux d’un montant de plus de 65 millions FCFA qui pèsent sur le président de la Commission nationale des droits humains (CNDH), Kalifa Yemboado Rodrigue Namoano. Le prévenu a comparu, le jeudi 1er décembre 2022 à Ouagadougou, avec sept autres accusés dans le cadre de cette affaire. M. Namoano a plaidé non coupable pour les trois faits à lui reprochés. Concernant le cas de fraude, l’accusé a nié sa responsabilité dans l’attribution des marchés incriminés. Il s’agit des marchés attribués à des entreprises selon la procédure de cotation.
« Je ne pilotais pas les marchés. Il m’est arrivé de donner des orientations pour le choix de certains prestataires mais je n’ai jamais donné des instructions », a-t-il confié à la barre. Pour lui, le Directeur des affaires financières (DAF) avait le dernier mot dans l’attribution desdits marchés. Mais pourquoi alors donner une orientation pour le choix d’une société ? A cette question du parquet, le prévenu s’est défendu par le fait que sa structure dispose d’une base de données de sociétés qui peuvent être contactées pour des appels à candidature, selon la procédure de cotation. « Je suis surpris lorsque j’apprends qu’on dise que j’ai peur que le président me tape », a-t-il relevé. Une position que ne partage pas l’ancien DAF de la CNDH, Thierry Roland Zida, accusé également pour les mêmes motifs. Pour lui, dans plusieurs cas d’attribution de marchés par cotation, son rôle se limite à définir les besoins qu’il soumet au président de la CNDH. A son avis, c’est M. Namoano qui est chargé de la désignation des prestataires. La nouvelle directrice des affaires financières, Aïcha Soabo/Yé, a abondé dans le même sens que M. Zida. « Il est difficile pour moi d’aller à l’encontre des recommandations de mon supérieur hiérarchique », a-t-elle soutenu.
Les factures pro forma à problème
Toutefois, les deux DAF ont reconnu partiellement leur coresponsabilité avec certains chefs d’entreprise dans la fourniture des factures pro forma exigées pour les marchés, selon la procédure de cotation. Aïssa Kaboré/Sankara est responsable d’une entreprise bénéficiaire d’un marché de la CNDH. Appelée à la barre pour des faits de fraude et de blanchiment de capitaux, elle a plaidé non coupable. Dans sa déclaration, elle a indiqué que son entreprise a obtenu cinq marchés avec un montant total de plus de 23 millions FCFA sur une période de trois ans de collaboration depuis 2020. Selon elle, il lui a été demandé de fournir des factures pro forma concurrentes pour l’obtention de ces marchés et c’est par naïveté qu’elle s’est exécutée. « Au moment où la DAF me demandait les factures pro forma, je n’avais pas conscience de l’acte que je posais. C’est maintenant que je me rends compte que la pratique n’est pas correcte et je demande pardon », a- t-elle avoué.
Concernant le blanchiment, Mme Kaboré a relevé que sur la somme totale perçue, son bénéfice tourne autour de 2 millions FCFA. A son avis, ce montant ne permet pas de blanchir des capitaux. Les chefs d’entreprise, Marcel Sondo, Ali Sondo, Pierre Walbeogo, Marie Chantale Dipama ont également été entendus sur les faits de fraude en matière de commande publique, de complicité de faux en écriture et de blanchiment de capitaux. Tous ces accusés ont reconnu la même pratique dans l’attribution des différents marchés. Ils disent avoir complété chacun leur dossier avec deux factures pro forma de deux entreprises concurrentes. La condition pour obtenir les marchés, ont-ils précisé, était de proposer une offre inférieure à celles des autres entreprises, selon le principe du moins-disant. Débuté aux environs de 8 heures 40 minutes, l’audience a été suspendue et reprendra ce matin à 8 heures avec l’audition des accusés, des témoins et les plaidoiries des parties prenantes. Dans ce dossier, les huit accusés sont assistés par des avocats et la partie civile est représentée par l’agent judiciaire de l’Etat et le Réseau national de lutte anticorruption (REN-LAC). Le procès est présidé par trois juges assistés du parquet et du greffe.
Abdoulaye BALBONE