
La ville de Ouagadougou, selon l’environnementaliste, Josias Kaboré, produit environ 2 500 tonnes de déchets par jour. Dans cette quantité, le déchet papier compte pour environ 8 %. Ces déchets papiers ont une incidence sur l’environnement et sur la santé, car ils produisent du gaz à effet de serre, à l’origine du changement climatique. Le peintre Jérôme Ilboudo, amoureux de la nature, redonne vie à ces déchets. Il fabrique des tableaux peints et des guitares à base de papier mouillé. Découverte !
Trouver des papiers entassés pêle-mêle dans des services, des marchés, des rues et même des concessions est devenu une pratique courante dans la ville de Ouagadougou. Ces déchets papiers côtoient le quotidien des populations, polluant ainsi l’environnement. Jérôme Ilboudo, artisan de naissance et amoureux de la nature, décide de recycler ces déchets en œuvres d’art.
Tout commence en 2014 quand il était artisan au Village artisanal de Ouagadougou (VAO), sis à la Zone d’activités diverses (ZAD). « Il y a une librairie juste à côté de mon lieu de travail où j’ai constaté que le propriétaire avait du mal à se débarrasser de ses papiers usés. Ces déchets sont parfois emportés par le vent et se dispersent dans la nature. J’ai donc décidé de trouver une solution », explique-t-il en évoquant l’idée de sa création. C’est à ce moment que M. Ilboudo décide de se lancer dans la peinture.
Il collecte ces déchets papiers qu’il mouille, les transforme en pâte avec de la colle et du bois (des tableaux), puis, il fabrique l’objet désiré. Il peut s’agir de guitare, des pots de fleurs oude tableaux. Il les fait sécher. Pour les finitions, il ajoute de la couleur et du vernis pour embellir ces objets. « Il s’agit pour moi de faire de la création, de la récupération et du recyclage avec ces déchets », confie-t-il.
La matière première étant gratuite et accessible dans les librairies ou des papeteries, il suffit pour lui de mettre son imagination en marche et les déchets sont revalorisés. Ces œuvres traitent le plus souvent de la problématique liée à la femme, à la liberté, à la souveraineté des Etats et aux masques selon les ethnies, entre autres. « Le prix des guitares varie entre 7 500 F CFA et 15 000 F CFA.
Et, les tableaux peints coûtent entre 80 000 F CFA et 150 000 F CFA. Tout dépend du tableau choisi. N’eût été la crise sécuritaire, je faisais des vernissages dans différentes localités et mes œuvres étaient appréciées par la population », précise l’artiste. A l’entendre, c’est une activité rentable, car elle lui permet de prendre soin de sa famille et de subvenir à ses besoins.
Pour lui, la nature a besoin qu’on l’entretienne et qu’on pense à un lendemain meilleur. C’est pourquoi, il pense apporter sa contribution à travers le recyclage des déchets papiers.

Cependant, son activité rencontre des difficultés, notamment la mévente de ses œuvres.
« J’avais l’opportunité d’exposer mes œuvres à l’étranger ou lors des vernissages dans les localités. Mais aujourd’hui, à cause de l’insécurité, il m’est difficile de mener ces activités », déplore le peintre.
Le papier, toxique pour la santé humaine
Bien que le déchet papier se dégrade plus vite que le sachet plastique, il a lui aussi des effets néfastes sur l’environnement et sur la santé. Selon l’environnementaliste Josias Kaboré, ces derniers libèrent des matières toxiques comme le méthane et le gaz carbonique (CO2) dans l’air, l’eau et le sol. « Ils ont des nuisances olfactives et rendent inesthétique le cadre de vie, car ils sont déversés çà et là », dit-il.
Sur le plan sanitaire, l’expert en environnement relève que ces déchets créent des odeurs pouvant causer des maladies respiratoires comme la toux. « Cela est dû au fait que beaucoup continuent de brûler le papier pour s’en débarrasser. Etant fabriqué avec de la craie, du kaolin, de l’encre et d’autres produits chimiques, la fumée dégagée a un effet sur la santé et pollue l’environnement global à cause des gaz à effet de serre rejetés », renchérit-il.
A écouter M. Kaboré, recycler ces papiers usés devrait être encouragé, car cela contribue à diminuer les déchets, voire les éliminer. « Des initiatives comme celle de l’artiste sont à

encourager, car elles contribuent à réduire le déchet papier et à créer d’autres objets utilitaires et revalorisés. C’est pourquoi, je suggère qu’on promeuve toutes ces techniques, qu’on organise les acteurs de ce type de recyclage tout en les appuyant dans la modernisation par la création d’unités industrielles de recyclage.
Cela permettra de réutiliser ou de transformer tout type de déchet papier », souhaite l’environnementaliste. Mais, en attendant toutes ces initiatives, le peintre Ilboudo émet le vœu de pouvoir mener des ateliers dans des établissements scolaires pour partager son savoir-faire avec les enfants et organiser des vernissages dans toutes les régions du Burkina. Mais surtout, il souhaite créer un centre de formation où il pourra enseigner son art aux jeunes.
Fleur BIRBA