A partir du 1er février 2020, le Conseil supérieur de la communication (CSC) du Burkina Faso compte réguler la diffusion de certains feuilletons jugés « trop osés » pour les enfants, notamment les télénovélas. Dans cette interview accordée à Sidwaya, hier jeudi 9 janvier, le vice-président de l’institution, Azize Bamogo, revient sur le bien-fondé de ces mesures et le processus de sa mise en œuvre.
Sidwaya (S) : Le Conseil supérieur de la communication (CSC) compte, à partir du 1er février prochain, réguler la diffusion des télénovelas au Burkina Faso. Pourquoi cette mesure ?
Azize Bamogo (A.B.) : Le CSC doit veiller à ce que les contenus diffusés par les télévisions ne portent pas atteinte à la bonne éducation et à la croissance de nos enfants. Du reste, en tant qu’instance de régulation des médias, il nous faut établir des catégories de signaux pour lesquels, nous devons protéger les enfants. Il y a des scènes de violences, des scènes à caractère sexuel qui passent dans les télévisions et qui ne sont pas conformes à la bonne éducation des enfants. Une fois, il y a eu une scène dans une série diffusée sur la télévision nationale dans laquelle, un homme et une femme s’embrassaient. Des gens ont capturé l’image et publié sur les réseaux sociaux. Le CSC a été interpellée, de même que la Radiodiffusion télévision du Burkina (RTB). On se rappelle également de la vidéo réalisée au parc Bangr Weogo par des élèves. Nous pensons que tout cela est un effet des médias. Donc, le CSC s’est senti dans une obligation de prendre des mesures pour protéger les plus jeunes.
S : En quoi vont consister concrètement ces mesures ?
A.B. : Il s’agit essentiellement de deux mesures. La première concerne les télévisions basées au Burkina Faso. Pour elles, il s’agit de renvoyer la diffusion de ces feuilletons vers 21 heures. Habituellement, la plupart d’entre elles diffusent à 19 heures, un moment où les enfants sont encore devant les écrans. Il faut donc protéger les enfants de ces images qui ont souvent un caractère érotique ou sexuel. Nous pensons que 21 heures est le moment où les enfants sont déjà au lit. C’est la bonne heure. Pour les télévisions étrangères qui sont sur des bouquets, il est demandé aux chaines qui diffusent en continue les telenovelas, de crypter le signal de sorte qu’il faut nécessairement un code pour y accéder. L’idée, c’est de protéger les enfants, mais surtout de responsabiliser les parents. Il faut que les parents veillent à cela. Si un parent laisse son enfant à 21 heures devant la télévision, c’est sa responsabilité qui est engagée. Il suffit tout simplement de ne pas communiquer le code de décryptage aux enfants et de ne pas regarder ces films en leur présence.
S : Avez-vous échangé avec les responsables de télévisions sur le bien-fondé de ces mesures ?
A.B. : Oui. Il y a eu un cadre de concertation qui a été piloté par le président du CSC. Il y a eu également des concertations individuelles avec des responsables de télévisions. Le vice-président a eu des échanges avec les responsables de la télévision nationale et de l’organisation faîtière des télévisions privées.
S : Est-ce que ces mesures ne vont pas jouer sur l’audience de certaines télévisions ?
A.B. : Peut-être que cela peut avoir cet effet. Peut-être non aussi. Il y a un public qui suit les télénovelas à partir de 19 heures. Si on les renvoie à 21 heures, c’est bien vrai que tout ce public ne pourra pas attendre, mais ceux qui sont intéressés attendront pour regarder leur feuilleton.
S : Les nouvelles dispositions ne vont-elles pas porter un coup aux économies, au regard des ressources publicitaires que ces telenovelas apportent aux chaines de télévisions ?
A.B. : C’est vrai que les responsables de télévisions ont soulevé des préoccupations sur, notamment , la perte d’audience et de revenus publicitaires. On est dans un processus d’élaboration d’une règlementation sur ce volet. Les discussions vont se poursuivre. Il appartient également aux responsables de négocier avec leurs partenaires s’il y a déjà des engagements contractuels. C’est pourquoi, nous leur avons donné un temps qui leur permettra de discuter avec leurs partenaires. Il y a la question de la rentabilité financière pour eux, mais il y a aussi pour nous la préoccupation de protéger nos enfants. Quand on les a rencontrés, les responsables eux-mêmes étaient d’accord sur le fait qu’on doit ensemble protéger les enfants. Pour les télénovelas problématiques, si on les renvoie à 21 heures, ça peut aller. Le reste du contenu des télévisions peut être diffusé à tout moment. Dans le processus, nous allons également catégoriser les différents types de contenus pour les communiquer aux télévisions. Nos décisions vont s’appliquer aux diffuseurs reconnus par le CSC.
S : Quel est votre message à l’endroit des responsables de télévisions ?
A.B. : C’est vrai que les diffuseurs ont des soucis de perdre des ressources publicitaires. Ils ont raison. Mais en même temps, ce sont des personnes qui sont conscientes des aspects nocifs de certains contenus sur l’éducation des enfants. C’est solidairement, que nous devons travailler pour préserver nos enfants de ces dangers.
L’appel est plutôt lancé aux parents, pour qu’ils prennent à bras- le- corps leurs responsabilités pour protéger leurs propres enfants. Le CSC peut prendre des dispositions, les médias peuvent les appliquer mais si les parents ne veillent pas sur les enfants, cela ne va pas servir. Si à 21 heures, les enfants sont devant la télévision, ça ne produira pas d’effet.
Réalisée par Adama SEDGO