Soulèvement populaire : 58 ans après, quels enseignements ?

3 janvier 1966 – 3 janvier 2024. Il y a 58 ans, la paisible Haute-Volta, la Terre des Hommes comme le disait le général Charles de Gaule, vivait une Révolution, sinon, une révolte entamant la confiance entre le peuple et les autorités. Près de soixante ans après, cette brèche ouverte dans la gouvernance qui mena l’armée au pouvoir, a du mal à s’éteindre. Le pays, à quelque nuance près, a connu il y a deux ans, la même ambiance. La rupture de confiance entre le peuple et les dirigeants qui aboutit à la même scène de l’armée au pouvoir. Le 3 janvier restera comme un symbole fort dans l’histoire de notre pays.

Au-delà de tout, il y a comme une halte générationnelle qui accompagne le Burkina. Il faut donc savoir tirer les leçons de ce qui aura eu ses exemples dans plusieurs pays sur le continent avec le même résultat, la révolte du pain par exemple qui a bouffé bien de gouvernements en Tunisie et fait chuter le président Ben Ali. Qu’est-ce que les Burkinabè d’aujourd’hui empêtrés dans une crise sécuritaire aigue peuvent tirer comme enseignement pour ne plus connaitre un 3 janvier ? La réponse n’est pas évidente, mais à scruter de près, il y a comme un trait dominant.

Les enfants qui regardaient leurs papas et mamans affronter le gouvernement de Maurice Yaméogo, ont, moins de 20 ans après, pris leur responsabilité pour donner leur vision pour une Haute-Volta plus stable, plus solidaire tournée vers son développement en comptant sur ses propres forces. On s’en doute en janvier 1966, âgé de 17 ans, un jeune homme qui suivait cette Révolution, allait conduire lui-même sa révolution, le 4 aout 1983. Dix-sept ans, sept mois plus tard le bien nommé Sankara anonyme parmi les anonymes sortait de l’ornière pour imprimer un rythme, un style de gouvernance qui allait séduire par endroit avec surtout la prise en compte par le peuple de la possibilité de se prendre en charge.

Entre 83 et 2024, il y a eu d’autres haltes avec l’armée comme moteur de la gouvernance. Un challenge ardu ? Pas vraiment quand on considère les acquis. En tous les cas, il faut scruter ce 3 janvier 1966 qui n’a pas encore donné tous les contours de cette Révolution alors que le pays venait d’entamer le sixième anniversaire de son accession à la souveraineté nationale et internationale. Il faut donc interroger les faits de l’époque. Il y a toujours des témoins vivants de l’histoire. Soit en tant qu’acteurs premiers qui ont pris le risque ce jour-là et qui s’en sont sortis parce qu’en face, l’armée nationale avait refusé de tirer sur la population.

Soit en témoins anonymes et curieux qui voulaient comprendre. Depuis donc, la Haute-Volta devenue Burkina Faso mène son combat porté par des filles et fils qui apportent leur pierre à la pierre pour l’édification d’un pays stable, de paix dans le concert des Nations. Parviendront-ils à bouter de la gouvernance ce qui peut s’apparenter à un signe indien qui fait que chaque génération fait son 3 janvier ? Oui cela est possible.

Une fois de plus, il s’agira de savoir et surtout de pouvoir faire bloc ensemble comme les porcs épics pour affronter l’ennemi commun dans une conjoncture sociale donnée. Après, on se marchera sur les pieds, jusqu’à comprendre que tout ce qui vient de l’extérieur n’est pas forcément une panacée. Les autres ne peuvent pas toujours réfléchir pour nous et nous, en consommateurs silencieux, dociles, nous le consommons sans modération.

Jean Philippe TOUGOUMA

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