Un symbole fort

L’information a fait les choux gras des réseaux sociaux dans l’après-midi du mardi 26 mai 2020. L’ex-ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants, Jean Claude Bouda, informait lui-même, à la suite d’une plainte du Réseau national de lutte anticorruption (REN-LAC), qu’il s’est mis à la disposition de la justice « afin que la vérité soit manifestée » dans les affaires le concernant. Depuis avril 2019, il est accusé, entre autres, de délit d’apparence, d’enrichissement illicite, de fausses déclarations d’intérêts et de patrimoine et de délit d’acceptation de cadeaux. « La plainte du REN-LAC s’est fondée sur l’acquisition d’un patrimoine immobilier par M. Bouda dont le coût s’évaluerait à près du demi-milliard F CFA. M. Bouda n’avait que trois ans de fonction ministérielle. Dans sa déclaration d’intérêts et de patrimoine effectuée à sa prise de fonction, ce bien immobilier n’apparaissait nulle part. Et les ressources qu’il avait déclarées ne pouvaient non plus lui permettre une telle acquisition », a précisé l’association.
L’évolution du dossier Bouda, ces dernières 24 heures, a surpris plus d’un citoyen. Un dignitaire du parti au pouvoir, le MPP, de la trame du secrétaire chargé de la réforme de l’Etat du Bureau politique national (BPN), sous les verrous ? Mêmes les observateurs les plus avisés n’auraient pas cru. De toute évidence, le virevoltant Pr Laurent Bado qui a fait des pieds et des mains pour qu’enfin, le « délit d’apparence » soit introduit dans la loi anticorruption en 2015, pourra boire son petit lait. En effet, même si l’ex-ministre jouit encore de sa présomption d’innocence, sa mise aux arrêts est un symbole fort que les choses commencent à changer. Elle sonne comme l’aboutissement du combat du Pr Bado, si l’on sait que sous nos tropiques, plusieurs lois ont été adoptées sans jamais être appliquées. En sa qualité d’ex-ministre, sa mise en accusation ou non doit encore être votée par l’Assemblée où le MPP dispose de la majorité, pour éventuellement être jugé par la Haute cour de justice. Mais jusque-là, l’impression qu’on a, c’est que c’est à la chute d’un régime que la justice met le grappin sur des caciques impliqués dans des affaires. Maintenant qu’on peut répondre des accusations de tous ordres même étant du parti au pouvoir, la déclaration des biens des membres du gouvernement à leur prise de fonction commence à avoir tout son sens. Cette affaire aura au moins le mérite de mettre en garde ceux qui ont en charge la gestion des fonds publics. Sur ce plan, le procureur du Faso a du pain sur la planche, au regard des investissements et biens de certains « simples » agents de la Fonction publique.
Une seule hirondelle ne fait pas le printemps et la justice gagnerait à vider ses casiers qui fourmillent de dossiers de crimes économiques et de sang pour convaincre les Burkinabè que son indépendance chèrement acquise ne se résume pas aux salaires mirobolants des magistrats. En tous les cas, ce dossier est à mettre à l’actif du REN-LAC, mais constitue en soi un antécédent que la justice crée. A moins que Jean Claude Bouda n’ait été victime du bras de fer qui oppose, depuis peu, le gouvernement aux magistrats. A six mois des prochaines consultations électorales où le président du Faso remet en jeu son fauteuil, l’ex-ministre peut également avoir été sacrifié sur l’autel de la lutte contre la corruption. Quitte à l’homme fort de Manga de justifier l’origine de sa fortune, si sa mise en accusation est votée par l’Assemblée nationale.

Jean-Marie TOE

Laisser un commentaire

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.