Le président tunisien, Kaïs Saïed, a incontestablement embarqué son pays dans une sale aventure. En attribuant aux migrants d’Afrique subsaharienne en transit pour l’Europe, tous les malheurs de la Tunisie, il a franchi le rubicond. Aussi scandaleux que cela puisse paraitre, il a osé, affirmer, entre autres, que la venue des migrants subsahariens en terre tunisienne relevait d’une « entreprise criminelle ourdie à l’orée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie ».
Déjà contesté par ses compatriotes à cause de ses méthodes autoritaires et de sa passion maladive pour le pouvoir, au point de passer pour un dictateur, Kaïs Saïed s’est attiré les foudres d’une bonne partie de l’Afrique. La réalité allait être tout autre, si ses propos incendiaires n’avaient pas entrainé une chasse aux migrants africains présents sur le sol tunisien.
Le chef de l’Etat tunisien a voulu revenir sur ses propos, mais les extrémistes, qui n’attendent que de telles occasions, avaient commencé à prendre les migrants subsahariens pour cibles. D’ailleurs, les exactions sont telles, que certains pays, à l’image de la Guinée et de la Côte d’Ivoire, ont lancé des opérations de rapatriement de leurs ressortissants. Le pays de Kaïs Saïed, du fait de sa dérive langagière, est traité de tous les péchés d’Israël en ce moment, encore que tous les Tunisiens ne pensent pas et ne font pas dans la provocation comme lui.
Ces jours-ci, des internautes en Afrique subsaharienne appellent au boycott des produits de marque tunisienne (huile, pâtes, beurre, produits hygiéniques, coucous…). Cette mise à l’index illustre le regard porté actuellement sur la Tunisie à l’échelle continentale, un pays africain devenu infréquentable par les Africains. A la vérité, le pays de Kaïs Saïed a plus à perdre qu’à gagner dans cette crise, dont on se serait bien passé. La destination Tunisie ne semble plus prisée : des commandes et des marchés ont été annulés, des hommes d’affaires subsahariens ont renoncé à s’y rendre, des salons et des forums ont été annulés, etc.
Devenir la risée de tout un continent ne peut que conduire à un tel vécu. Kaïs Saïed n’honore pas l’Afrique avec ce spectacle aux antipodes des valeurs et de l’intégration africaine. Il devrait trouver la formule pour s’excuser auprès des Etats subsahariens, car dans ce monde ouvert, la Tunisie ne saurait vivre en autarcie. Ce n’est pas imaginable. Même quand on lutte contre l’immigration, pour satisfaire en partie les désirs des Européens qui veulent empêcher les migrants africains de transiter par les côtes tunisiennes pour atteindre leur continent, il faut avoir un minimum de respect pour l’humanité.
L’être humain, peu importe les crimes et les délits dont il peut se rendre coupable, a besoin d’être traité avec dignité. Kaïs Saïed a fait fausse route, mais il n’est pas encore tard pour lui de faire amende honorable. La Tunisie ne mérite pas la situation dans laquelle elle est plongée par ces temps qui courent.
Kader Patrick KARANTAO