
Face aux urgences médicales, chaque minute compte. Pour y répondre efficacement, le Burkina a mis en place le Service d’aide médicale urgente (SAMU), aujourd’hui opérationnel à Ouagadougou et bientôt à Bobo-Dioulasso. Dans cet entretien, le Pr Armel Flavien Kaboré, directeur général du SAMU, revient sur le fonctionnement de ce dispositif, ses missions, ses défis et ses perspectives. Il appelle aussi les citoyens à un usage responsable du numéro 15, essentiel pour sauver des vies.
Sidwaya (S) : Pourquoi, le SAMU a été mis en place au Burkina ?
Armel Flavien Kaboré (A.F.K.) : Le SAMU a été institué par décret pour répondre aux besoins urgents de prise en charge médicale rapide. Auparavant, en cas d’urgence, les patients devaient eux-mêmes se rendre dans un centre de santé. Aujourd’hui, grâce au SAMU, ce sont les équipes médicales qui se déplacent directement vers le patient, commencent les soins sur place et assurent son transfert vers une structure adaptée. Ce changement de modèle améliore considérablement la réactivité du système de santé face aux situations critiques.
S. : Comment le SAMU fonctionne-t-il concrètement au quotidien ?
A.F.K. : Le SAMU opère comme une plateforme d’écoute et de régulation médicale disponible 24h/24. Il suffit de composer le numéro gratuit 15 pour être mis en contact avec un professionnel de santé, qui évalue la situation. Si, l’intervention est nécessaire, une ambulance médicalisée est immédiatement envoyée sur les lieux. Cette veille permanente permet de réagir rapidement à toute urgence.
S. : Quelles sont les autres fonctions importantes assurées par le SAMU ?
A.F.K. : En plus de la prise en charge des urgences, le SAMU organise également le transport médicalisé, que ce soit entre un domicile et un hôpital ou entre deux établissements. Il assure aussi la couverture médicale lors de grands rassemblements, qu’ils soient culturels, religieux, privés ou sportifs, en installant des dispositifs médicaux de prévention. Le SAMU intervient également en cas de catastrophes naturelles ou sanitaires, souvent en coordination avec la Croix-Rouge et la Protection Civile. Il participe à l’élaboration des plans d’urgence et joue un rôle actif en matière de formation du personnel médical, de sensibilisation de la population et de recherche en santé.
S. : Comment s’organise une intervention à partir d’un appel d’urgence ?
A.F.K. : Lorsqu’un appel est reçu, l’opérateur recueille les informations nécessaires pour évaluer la situation. Si l’appel est jugé sérieux, une équipe comprenant un chauffeur ambulancier, un infirmier formé à la médecine d’urgence et un médecin est dépêchée immédiatement. Sur place, l’équipe commence la prise en charge et transmet un bilan à la cellule de régulation, qui identifie l’hôpital le plus adapté pour accueillir le patient. Cette coordination permet de préparer à l’avance la structure de santé et d’éviter toute perte de temps à l’arrivée.
S. : Rencontrez-vous des difficultés dans la gestion des appels ?
A.F.K. : Oui, un défi de taille concerne les appels fantaisistes. Une part importante des appels reçus ne sont pas liés à de réelles urgences. Ils proviennent souvent d’enfants jouant avec un téléphone ou d’adultes malveillants. Ces appels mobilisent inutilement les équipes et peuvent empêcher des patients en situation critique de nous joindre. Nous menons actuellement des campagnes de sensibilisation pour faire comprendre l’importance de réserver le 15 aux vraies urgences. Si ce phénomène persiste, des sanctions pourraient être envisagées.
S. : Le SAMU est-il opérationnel sur tout le territoire national ?
A.F.K. : Pour le moment, le SAMU est pleinement fonctionnel à Ouagadougou. Une antenne est en cours d’installation à Bobo-Dioulasso, avec un démarrage prévu dans les mois à venir. L’objectif à long terme est de couvrir l’ensemble du territoire, avec une antenne dans chaque région. En attendant, nous pouvons effectuer certains transferts entre les villes, mais nos délais d’intervention ne permettent pas encore d’assurer une couverture d’urgence efficace dans les zones non équipées. Un déploiement progressif est donc en cours.
S. : Comment êtes-vous organisés à Ouagadougou pour intervenir rapidement ?
A.F.K. : A Ouagadougou, nous avons positionné nos ambulances dans plusieurs zones stratégiques afin de réduire les délais de déplacement. Cela nous permet de couvrir efficacement toute la capitale, y compris ses zones périphériques. Ce maillage territorial nous aide à répondre plus vite aux sollicitations, y compris dans le Grand Ouaga.
S. : Quelles sont les urgences les plus fréquentes auxquelles vous faites face ?
A.F.K. : Nous intervenons majoritairement pour des malaises, des pertes de connaissance à domicile ou dans des lieux publics, des accidents de la circulation, ainsi que des traumatismes survenus au travail ou dans le cadre domestique.
S. : Quel sont les profils de vos équipes d’intervention ?
A.F.K. : Nos équipes sont composées de professionnels qualifiés : un chauffeur ambulancier formé à la conduite d’urgence et à l’usage des équipements médicaux, un infirmier spécialisé en médecine d’urgence et un médecin urgentiste ou généraliste formé également aux situations critiques. Cette composition permet à l’équipe d’assurer une prise en charge efficace des principales urgences auxquelles nous faisons face quotidiennement.
S. : Comment les citoyens peuvent-ils contribuer au bon fonctionnement du SAMU ?
A.F.K. : Les citoyens ont un rôle essentiel à jouer. D’abord, en appelant le 15 uniquement en cas de réelle urgence médicale. Ce numéro est gratuit et accessible à tous, partout au Burkina Faso, mais il ne doit pas être utilisé à des fins non sérieuses. Chaque appel fantaisiste occupe la ligne inutilement et peut empêcher une personne en détresse d’obtenir de l’aide à temps. Ensuite, en suivant les consignes des équipes sur le terrain et en participant activement aux campagnes de sensibilisation. Nous allons bientôt lancer des émissions éducatives pour enseigner les bons réflexes en cas d’urgence. Appliquer ces conseils pourra vraiment sauver des vies.
S. : Pouvez-vous nous expliquer les notions de “transport primaire” et “transport secondaire” ?
A.F.K. : Dans notre jargon, le transport primaire désigne les situations où le SAMU est le premier à intervenir : nous prenons en charge un patient sur les lieux (domicile, rue, etc.) pour l’acheminer vers un établissement de santé. Le transport secondaire, quant à lui, concerne le transfert d’un patient d’une structure de santé vers une autre. Il peut également s’agir d’un déplacement pour un examen médical en ville, voire pour ramener un patient de l’hôpital à son domicile. Il est important de noter que les transports primaires sont gratuits, car ils relèvent de l’urgence vitale. L’Etat en assure le financement. En revanche, les transports secondaires sont facturés, généralement entre 7 000 et 10 500 F CFA, selon l’état du patient et les soins nécessaires pendant le trajet. Cela dit, les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans bénéficient toujours de la gratuité, même pour les transports secondaires, car ils sont inclus dans la politique de gratuité des soins.
S. : Qui prend en charge le coût du transport secondaire lorsqu’il est facturé ?
A.F.K. : Le paiement est à la charge de la personne ou de la famille qui sollicite le service. Comme ces situations ne relèvent pas d’une urgence vitale immédiate, le transport peut être planifié. Nous exigeons donc que le règlement soit effectué avant le déplacement. Cela concerne par exemple les transferts pour examens ou les déplacements entre structures de soins. Le centre de santé demandeur ne prend pas en charge les frais ; c’est bien le patient ou sa famille qui doit s’en acquitter.
S. : En quoi consiste précisément l’activité de régulation médicale ?
A.F.K. : La régulation médicale est un pilier central du SAMU. Elle permet à un médecin, à distance, de participer à la prise en charge d’un patient dès le premier appel. Lorsqu’un appel est reçu au centre, un professionnel de santé recueille les informations, puis le médecin régulateur pose des questions précises pour évaluer la situation. En fonction de l’analyse, il peut soit donner un simple conseil, soit orienter la personne vers une consultation, soit déclencher immédiatement l’envoi d’une ambulance.
Un autre rôle clé de la régulation est de trouver une place disponible dans un établissement de santé adapté à la situation. Le médecin régulateur informe alors l’hôpital concerné de l’arrivée du patient afin que l’équipe soit prête à le prendre en charge, évitant ainsi tout retard.
S. : Quels sont les principaux défis auxquels le SAMU est confronté aujourd’hui ?
A.F.K. : Nous faisons face à plusieurs défis majeurs. Le premier est la circulation routière à Ouagadougou. Beaucoup d’usagers ne respectent pas les règles de priorité et ne libèrent pas la voie pour les ambulances, ce qui ralentit considérablement nos interventions. Le second défi est l’accessibilité de certains quartiers, surtout en saison des pluies. Les routes peuvent devenir impraticables, ce qui complique l’arrivée rapide de nos équipes. Un autre enjeu de taille est le manque de financement pour certains projets structurants, notamment la création d’un centre de formation dédié à la médecine d’urgence. Ce centre permettrait de former aussi bien les agents de santé que la population aux gestes de premiers secours. Le SAMU seul ne peut pas tout faire, donc cette formation élargie est indispensable. Enfin, l’un des plus grands défis reste le déploiement du SAMU sur tout le territoire national. Aujourd’hui, nous sommes pleinement opérationnels à Ouagadougou, avec une extension en cours à Bobo-Dioulasso. Mais l’objectif est de couvrir toutes les régions du Burkina pour que chaque citoyen, où qu’il se trouve, puisse bénéficier de nos services.
S. : Avez-vous des projets ou des ambitions pour améliorer les services du SAMU dans les années à venir ?
A.F.K. : Oui, nos projets sont nombreux. Notre ambition principale est de renforcer l’ensemble des activités du SAMU, notamment par la création d’un centre de formation en médecine d’urgence, accessible aux professionnels de santé comme au grand public. Nous travaillons aussi à étendre notre couverture géographique afin que toutes les régions du pays disposent d’un service SAMU. Ce sont des projets structurants qui nécessitent un accompagnement financier et institutionnel fort.
S. : Quel message souhaitez-vous adresser à la population ?
A.F.K. : Je tiens à rassurer la population : le SAMU est un outil mis en place par le ministère de la Santé pour elle. Il est là pour améliorer la prise en charge des urgences médicales et soulager les familles dans les moments critiques.
Nous demandons à tous d’en faire un usage responsable. Il faut éviter les appels abusifs et respecter les consignes des équipes sur le terrain.
Sachez que le personnel du SAMU est engagé, compétent et déterminé à faire tout son possible pour sauver des vies. Ensemble, avec la participation active de chacun, nous pourrons rendre ce service encore plus efficace et accessible à tous.
Interview réalisée par :
Wamini Micheline
OUEDRAOGO