Depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, les relations de coopération entre les Etats-Unis et l’Afrique du Sud ne sont pas au beau fixe. On assiste à une
escalade de tensions entre les deux pays, avec la récurrence de paroles violentes et de faits pour les moins inquiétants. La dernière action provenant de Washington, qui
alimente les conversations dans les chancelleries, est l’expulsion de l’ambassadeur sud-africain aux Etats-Unis, Ebrahim Rasool. Le diplomate a été déclaré « persona non grata », le vendredi 14 mars dernier, par le secrétaire d’Etat américain, Marco Rubio, qui lui a donné 72 heures pour quitter le territoire américain.
Il est reproché à Ebrahim Rasool de « nourrir » des tensions raciales, de « haïr » les Etats-Unis et son Président, Trump. L’ambassadeur sud-africain, qui avait déjà occupé ce poste entre 2010 et 2015, se voit donc contraint de retourner au bercail et de la pire des manières. Pretoria a qualifié cette expulsion de « regrettable », se disant toujours disposé à asseoir une coopération mutuellement bénéfique avec Washington. Il ne fait pas l’ombre d’un doute : plus rien ne va entre l’Afrique du Sud et les Etats-Unis. Les deux partenaires, qui se regardent désormais en chien de faïence, vont-ils aller à l’apaisement de sitôt ? L’atmosphère très lourde ne permet pas de le dire. Les nerfs sont à vif à la Maison Blanche, tout comme au palais présidentiel sud-africain, où le Président Ramaphosa a prévenu qu’il ne cèdera pas aux pressions de Trump.
Trois sujets divisent principalement Washington et Pretoria. Le premier est la promulgation, en fin janvier dernier, d’une loi autorisant le gouvernement sud-africain à exproprier, dans certaines circonstances et sans compensation, les propriétaires terriens à majorité des Blancs. Il n’en fallait pas plus pour irriter le magnat de l’immobilier qui préside pour la seconde fois aux destinées des Etats-Unis. En représailles, Washington, qui voit en cette mesure un traitement inhumain des descendants de colons européens, a coupé toutes ses aides à l’Afrique du Sud. La seconde pomme de discorde est la plainte pour génocide à Gaza déposée par l’exécutif sud-africain contre Israël, l’allié des Etats-Unis, devant la Cour pénale internationale (CPI). La 3e question qui fâche à Washington est le rapprochement économique de l’Afrique du Sud de l’Union européenne (UE), dans un contexte de nationalisme économique entretenu par Trump, avec des impositions de nouvelles taxes. Attachée à ses intérêts comme le ferait tout Etat, l’Afrique du Sud travaille à renforcer son partenariat commercial de choix avec l’UE, avec par exemple des échanges de biens de l’ordre de 49 milliards d’euros en 2023. Pretoria était également dans une dynamique de consolider son partenariat commercial important avec le pays de l’oncle Sam, quand les tensions ont pris le dessus. Les autorités sud-africaines comptent surtout sur les Avantages de la loi commerciale sur les opportunités pour l’Afrique (AGOA), avec un accès préférentiel pour environ 20% de leurs exportations vers les Etats-Unis.
On comprend pourquoi Pretoria tient à préserver ses
relations avec le pays de Trump, malgré les désaccords politiques. L’Administration américaine est-elle dans la même disposition ? Bien malin qui saura l’affirmer, vu la dégradation sans précèdent des relations entre les deux pays. Même l’allié de Trump, le milliardaire Elon Musk n’est pas tendre avec l’Afrique du Sud, pays où il a vu le jour. N’accuse-t-il pas aussi la Nation arc-en-ciel de discrimination envers les populations blanches, à propos de la mesure d’expropriation des terres ? Pretoria et
Washington ne sont plus en odeur de sainteté, mais il n’est pas exclu qu’ils renouent avec la paix, real politik oblige. « Les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts », disait le général Charles de Gaule.
Kader Patrick KARANTAO