Adieu, mon général !

Le général de division aérienne, Ali Traoré, chef d’Etat-major des armées du Burkina du 14 novembre 2000 au 6 juillet 2009, s’est éteint, hier lundi 28 septembre 2020. Les Burkinabè depuis peu, avaient vu circuler des écrits appelant à le soutenir, à la suite de son évacuation en Tunisie pour recevoir des soins appropriés. L’homme, que la nation burkinabè pleure et à qui il rend hommage aujourd’hui, a été un exemple de discrétion, de courtoisie qui cachait assez mal, son attachement aux principes et sa poigne. Le général Traoré a su tenir l’armée nationale dans ses moments de braises aussi bien à l’intérieur que dans la sous-région ouest-africaine. Sa longévité (neuf ans) à la tête de l’armée après celui du général Baba Sy (onze ans), est la preuve, qu’il était un homme de mission, qui a toujours « fui » les chapelles politiques.

Même s’il a occupé des hautes fonctions à la fois techniques et politiques. Il a ainsi été chef de cabinet militaire à la Présidence du Faso de 1988 et 1989. En 1992, il devient chef de section air à l’état-major général des armées. Il devient par la suite, chef d’état-major de l’armée de l’air. Puis, chef d’état-major général adjoint des armées jusqu’en 2000. Et c’est la consécration pour le chef militaire qui se voit nommé chef d’état-major général des armées du Burkina, le 14 novembre 2000. Nommé alors qu’il était colonel-major, Ali Traoré sera élevé au grade de général de division, le 5 octobre 2000, une semaine après sa nomination. Il inaugurait ainsi la série des chefs d’états-majors nommés automatiquement généraux de brigade. En 2003, il porte les étoiles dorées de général de division aérienne. Devenant aussi, le premier général de division de l’armée de l’air du Burkina Faso.

Son « intrusion » à l’état-major général des armées, marquait une rupture. Pour la première fois, le patron des armées du Burkina n’était pas issu des rangs de l’armée de terre. Ali a donc inauguré et brisé une série de « pré acquis » dans la « grande muette ». Si son mandat à la tête de l’état-major général des armées s’est passé sans incident, c’est bien la preuve, qu’il a su se mettre au-dessus des clivages, aussi bien « corporatistes » que politiques. Du reste, son choix à l’époque était dicté aussi par le fait qu’en 2000, l’armée venait de connaître sa première crise de commandement en 1999. Le général Traoré s’était donc, malgré lui, imposé comme l’homme de la situation. Il était celui vers qui convergeait une forme de consensus dans une armée, qui finissait sa mue générationnelle.

Sous son magistère, les Forces armées nationales (FAN) ont organisé de nombreuses manœuvres et participé à d’autres au Burkina et dans la sous-région, dont le plus mémmorable fut l’opération Deenal avec un scénario théorique qui s’est révélé, par la suite, exact. Le général Traoré a-t-il réussi sa mission ? Si la réponse n’est pas donnée d’avance, au moins, les Burkinabè reconnaissent qu’il a joué sa part dans l’édification d’une armée nationale républicaine, soucieuse de ses missions régaliennes. Après neuf années intenses de don de soi, de tissage méticuleux pour donner aux forces armées, une allure plus républicaine, le général Traoré, a laissé, le 23 juillet 2009, la place au général de brigade Dominique Diendéré à l’état-major général des armées. Ceux qui étaient à la Place de la Nation, lors de la passation des charges, retiennent au-delà du symbolisme lié à ce genre de manifestation, les larmes du chef Traoré, étreint par une émotion toute humaine. Militaire jusqu’au bout par sa discipline, sa soumission à sa hiérarchie, ses larmes-là avaient ému les militaires et la nation entière.

Nombre de Burkinabè découvraient que derrière ce militaire, il y avait bien l’homme, le père, l’époux, soumis lui aussi à l’émotion. Le général Traoré, c’est l’exemple fait, du chef, qui ne parle pas beaucoup, mais dont le regard seul suffit à faire comprendre les ordres qu’il émettait. Il n’a pourtant pas chômé après avoir passé le flambeau à l’état-major. Le 20 janvier 2010, il s’était vu confier une mission plus « politique » que militaire qu’il a rendue avec le sérieux que les Burkinabè lui ont toujours connu.

En l’occurrence, la fonction de représentant personnel du Médiateur dans la crise guinéenne, le président du Faso, Blaise Compaoré. A la suite de cette parenthèse, il est retombé dans sa légendaire discrétion. Depuis ce 28 septembre 2020, le général Traoré a son nom en bonne place au Panthéon des chefs d’états-majors généraux des forces armées nationales du Burkina. Reposez en paix, général!

Jean Philippe TOUGOUMA

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