Dans le cadre de l’an II du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), le gouverneur de la région du Sahel, le lieutenant-colonel Fabien Rodolphe Sorgho a accordé une interview au quotidien Sidwaya. Il a été question des acquis de la reconquête du territoire, de la réouverture de la RN3, des messages d’encouragement à l’égard des Forces de défense et de sécurité (FDS) et des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) et de la collaboration des populations.
Sidwaya (S) : Cela fait deux ans que le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration dirige le Burkina Faso. La région du Sahel est une région à fort défi sécuritaire. Quels sont les acquis engrangés dans le cadre de la reconquête du territoire dans votre région ?
Fabien Rodolphe Sorgho (F.R.S.) : Je vous remercie pour l’occasion offerte pour faire le point des deux ans de la Transition dans la région du Sahel. En termes d’acquis dans le cadre de la reconquête du territoire, ce qui est beaucoup plus important dans la région mais qui n’est pas forcement visible, nous sommes arrivés à un point où nous emmenons la population à adhérer à la sécurité collective. Nous sommes en train de sensibiliser les populations de sorte qu’elles comprennent que la lutte est globale et tout le monde doit s’impliquer. On commence à voir les implications des populations de part et d’autre. Je pense que c’est le plus important. On essaie d’avoir une organisation assez solide dans une stratégie de lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel. Nous ne voulons plus être dépendants des actions terroristes comme de par le passé. Nous travaillons à consolider nos acquis en déroulant un plan pour parer aux actions terroristes. Permettez-moi de ne pas en dire plus sur ce plan.
Autre acquis notable, c’est la réouverture des classes tant au primaire qu’au secondaire dans certaines zones. En plus, il y a la réalisation de forages à grand débit à travers l’accompagnement de nos partenaires pour faciliter l’accès à l’eau potable aux populations. Ces réalisations se poursuivent sur le terrain. Par ailleurs, à travers la mise en œuvre de notre politique, nous avons emmené les populations à produire. Cela n’a pas été une tâche facile. Vous avez vécu avec nous le problème de transfert du cash qui avait beaucoup de méfaits sur les populations, notre façon de vivre et qui, malheureusement désorganisait la société. La fin du cash, à n’en point douter, à encourager les populations à produire en ce sens que dans certaines zones, les spéculations présentent une bonne physionomie. Nous allons travailler davantage dans ce sens afin d’atteindre l’autosuffisance alimentaire les années à venir. Les populations ont compris qu’elles doivent produire parce que le développement passe forcément par la production. C’est le point de départ. Si nous ne produisons pas, il n’y aura point de développement. Il faut produire et ensuite transformer cette production. Si chaque personne a quelque chose à faire, elle donnera un sens à sa vie et ainsi, nous parviendrons à baisser la pression terroriste. Même si nous n’arrivons pas à ramener ceux qui sont en brousse, nous allons au moins freiner l’hémorragie des gens qui rejoignent les groupes terroristes.
Je profite de cette opportunité pour demander à nos frères et sœurs qui se sont engagés à combattre le Burkina Faso ou qui ont des liens avec les groupes terroristes, de revenir afin qu’ensemble, on puisse construire notre nation. A ce sujet, j’invite également les sages et les parents à se focaliser et se concentrer sur l’éducation. C’est seulement à travers l’éducation que nous verrons le bout du tunnel. Il est essentiel de valoriser les normes du vivre-ensemble, de paix et de cohésion sociale qui se basent sur des fondements, notamment les valeurs cardinales telles que l’honnêteté, le pardon, la tolérance et la solidarité. Autrement dit, tout ce qui est bien que nous connaissions dans l’acceptation mutuelle et de la différence, la considération de l’autre, l’amour pour son prochain.
S : Vous avez parlé de certaines actions menées dans le cadre de la mobilisation sociale pour emmener la population à comprendre et à adhérer à la reconquête du territoire. Pouvez-vous citer quelques exemples ?
(F.R.S.) : Nous avons tenu beaucoup de rencontres avec les différentes couches sociales de la population. Nous organisons régulièrement des cadres d’échanges entre la population et l’administration. Je pense que c’est également un acquis qui n’est pas très visible mais, nous sommes parvenus à créer des liens de collaborations très forts entre la population et l’administration. Toute chose qui fait que l’administration est assez ouverte à la population. Cela a fortement contribué à renforcer la confiance de la population en l’administration parce qu’elle vient vers celle-ci pour poser des préoccupations et des questions sur certaines incompréhensions. Mais aussi, pour apporter sa contribution à la bonne marche de la nation. Hormis cela, nous avons organisé des séances de formations et des colloques au profit de la population sur la paix et la cohésion sociale avec l’aide de partenaires. Nous avons fréquemment des rencontres entres les forces vives et l’administration et entres ces dernières et les Forces de défense et de sécurité (FDS). Du coup, les deux parties ne se regardent plus en chien de faïence bien au contraire, elles collaborent en vue d’endiguer le phénomène.
S : L’autre pan de la lutte est la réinstallation des Populations déplacées internes (PDI) dans les zones reconquises. Quel bilan peut-on en faire ?
F.R.S. : Depuis l’année passée, nous avons pu réinstaller les populations de Seytenga et celles de Bani cette année.
S : Qu’en est-il des efforts pour la réouverture de la RN3 (axe Kaya-Dori) en vue de faciliter la mobilité des personnes et de leurs biens ?
F.R.S. : Nous travaillons à la réouverture de la RN3. Les gens doivent comprendre qu’actuellement, sur l’étendue du territoire national, les défis sécuritaires sont nombreux. Il faudra que nous travaillions avec les FDS et les populations. Il faut impérativement l’implication des populations dans la lutte. Il faudra de la veille et que les populations s’enrôlent en tant que VDP tout au long de l’axe pour pouvoir le sécuriser 24h/24. Si nous avons des VDP issues des différents villages traversés par l’axe, je pense que sa sécurisation sera totale et permanente.
S : Quel est votre message à l’endroit de l’ensemble des FDS et des VDP qui, nuit et jour, travaillent à pacifier cette partie du Burkina Faso ?
F.R.S. : C’est d’abord des sentiments de reconnaissance, de remerciement et de gratitude pour tous les efforts consentis jour et nuit pour la reconquête du territoire. Nous leur souhaitons beaucoup de courage parce que nous savons que ce n’est pas facile. Il faut le reconnaitre, quitter sa famille avec tous les besoins de celle-ci à l’instar de toutes les familles du Burkina Faso et aller faire face à l’inconnu, sans être sûr de revenir trouver cette famille et ceci pour tenir haut le flambeau du Burkina Faso, nous ne pouvons qu’être fiers de leurs actions. Nous leur témoignons toute notre gratitude et nous leur demandons de continuer dans ce sens en veillant sur les populations. Nous leur demandons également beaucoup de patience et d’intégrer dans leur stratégie, une bonne partie de communication et essayer de comprendre cette population. Au fur et à mesure qu’il y aura de la familiarité entre les FDS/VDP et les populations, il y aura beaucoup de messages qui passeront ainsi, les gens comprendront mieux et pourrons facilement adhérer à la sécurité collective.
S : Quelle pourrait être la contribution des forces vives et des populations de la région en vue de venir à bout de cette insécurité ?
F.R.S. : Dans la région du Sahel, les populations qui n’ont pas encore compris doivent comprendre qu’à l’étape actuelle de la lutte, on ne peut plus être neutre. Il va falloir que les populations choisissent d’être au côté de l’Etat pour pouvoir combattre parce que de toutes les façons, quand les terroristes viennent, ils déroulent l’une de leurs stratégies qui a toujours fonctionnée. Laquelle stratégie consiste à dire qu’ils n’ont rien à avoir avec la population, ce sont les FDS que nous recherchons. Dès qu’ils chassent les FDS, ils s’en prennent à l’administration. Quand l’administration et les FDS ne sont plus présentes, les terroristes imposent leurs règles à savoir la Charia, le prélèvement de la zakat et vont au-delà en pillant les pauvres populations. Je pense que les populations doivent comprendre qu’ils ne peuvent jouir de leurs droits qu’en la présence de l’Etat. Par conséquent, elles doivent collaborer avec les DFS et l’administration et éviter toutes complicités. En effet, pour que les terroristes viennent attaquer une localité, ils ont des complices sur place qui sont connus de tous mais par peur, les gens refusent de les signaler aux FDS.
Pour finir, je demande aux uns et aux autres d’adhérer à la dynamique de l’Etat, de l’administration et des FDS pour que nous puissions concomitamment poursuivre la recherche de la paix et du développement. Les deux sont complémentaires dans la mesure où on ne peut pas établir la paix sans le développement et vice-versa.
Interview réalisée
par Souaibou NOMBRE
snombre29@yahoo.fr