Les dents incluses sont des dents coincées sous l’os que recouvre la gencive, dont l’émergence (éruption) est impossible. L’inclusion est habituellement due à un encombrement dentaire laissant insuffisamment de place à l’éruption d’une nouvelle dent. Dr Salama Yabré, dentiste lieutenant-colonel, explique.
Sidwaya (S.) : Comment définiriez-vous une dent incluse et en quoi se distingue-t-elle d’une dent simplement retardée dans son éruption ?
Salama Yabré (S.Y.) : Les dents incluses font parties des anomalies d’éruption. Ce sont des dents qui n’ont aucune communication avec la cavité buccale, ce sont des dents qui ont fini leur formation mais qu’on ne voit pas dans la bouche. Alors qu’une dent retardée est simplement une dent encore en formation mais qui n’est pas encore présente dans la bouche. On considère qu’il y a inclusion en l’absence d’éruption 18 mois après la date habituelle et lorsque les apex radiculaires sont édifiés et fermés. Il faut noter que tout type de dent peut être incluse.
S. : Quelles sont, selon vous, les principales causes des dents incluses chez les patients ? (Facteurs génétiques, environnementaux, etc.) :
S. Y. : Plusieurs causes peuvent être énumérées comme la génétique, la dysharmonie dento-maxillaire (inclusions vestibulaires), la brachygnathie maxillaire, la Croissance différentielle entre prémaxillaire et maxillaire, l’Atrésie des fosses nasales, la fente labio-palatine, le déficit endocrinien, l’irradiation, Perte de guidage de l’incisive latérale (nanisme ou agénésie) ;Traumatisme (surtout des incisives temporaires qui provoquent 15% des inclusions de incisives centrales maxillaires) , l’extraction prématurée (2e prémolaire mandibulaire) , la pathologie du sac péricoronaire (kyste dentigère), la position ectopique du germe, la malformation radiculaire, la dent surnuméraire ou débris radiculaire, l’ anomalie de développement du germe dentaire, le retard ou absence de formation radiculaire.
Pour revenir aux facteurs génétiques, il faut noter que si vous héritez des mâchoires de votre maman, en général petites, et vous héritez des grosses dents du papa, il y aura une plus grande probabilité de dents incluses ou en mauvaises positions.
Aussi, des facteurs environnementaux liés à l’évolution de la mandibule sont évoqués. En effet, la mandibule est une partie du squelette importante pour l’étude de l’évolution humaine car elle apporte d’une part des informations sur la variabilité morphologique des différentes espèces. D’autre part, elle renseigne sur les habitudes alimentaires, puisque sa morphologie est guidée, en partie, par les contraintes masticatoires. Ainsi, l’homme moderne mastique moins (son alimentation est plus molle, exemple du poulet de chair) contrairement à ‘l’homme « ancien « qui vivait de cueillette, il avait donc besoin de grosse mâchoire pour survivre, Tout ceci pourrait expliquer la prévalence élevée des dents de sagesses incluses ou en mauvaise position voire même son absence chez certains sujets.
S. : Quels sont les symptômes les plus fréquents que vos patients décrivent en lien avec une dent incluse ?
S. Y. : Les dents incluses sont le plus souvent asymptomatiques. Les symptômes les plus fréquentes sont liés aux complications infectieuses et intéressent principalement les troisièmes molaires incluses. Il s’agit des accidents de désinclusion, c’est-à-dire la mise en communication du sac folliculaire et de la cavité buccale. On peut avoir une persistance de dent de lait et une voussure des procès alvéolaires.
S. : Dans quels cas recommandez-vous d’extraire une dent incluse, et dans quels cas préférez-vous une surveillance ?
S. Y. : il faut savoir que l’arsenal thérapeutique pour la gestion des dents incluses comprend : l’interception et la prévention (cela sous-entend un diagnostic précoce), la désinclusion orthodontico-chirurgicale qui permet de ramener la dent sur l’arcade, l’auto-transplantation, l’abstention thérapeutique ou la surveillance et enfin l’extraction dentaire qui sera le plus souvent indiquée dans le cas des troisièmes molaires incluses.
S. : Quels risques ou complications sont associés à une dent incluse si elle n’est pas traitée ?
S. Y. : Les complications sont d’ordres infectieux, tumoraux ou kystiques, nerveux ou mécaniques. La complication infectieuse la plus fréquente est la péri-coronarite. C’est une infection autour de la couronne de la dent se propageant aux tissus avoisinants. Environ 75% des dents de sagesse incluses causeront un jour une infection sévère ou des infections récidivantes. Ceci peut éventuellement causer une infection grave avec fièvre, malaises, douleur sévère, enflure et limitation d’ouverture de la bouche. Si l’infection n’est pas traitée immédiatement, la situation peut s’aggraver jusqu’à l’hospitalisation. En général, lorsque la dent a percé la gencive, le risque d’infections à répétition est très élevé. L’extraction de la dent incluse est le seul traitement définitif acceptable.
Les lésions kystiques ou néoplasiques en rapport avec les dents incluses surviennent le plus souvent au cours des deuxièmes et troisièmes décades. Les plus fréquentes étant les kystes péri-coronaires qui intéressent surtout la 3e molaire mandibulaire, la canine maxillaire, la 2nde prémolaire mandibulaire. Des complications mécaniques peuvent survenir telles que des lésions carieuses et perte de vitalité des dents voisines, des déplacements dentaires ou raccourcissement de l’arcade dentaire, des phénomènes d’ankylose, de résorption. Les complications nerveuses sont principalement retrouvées dans les accidents d’évolution de la dent de sagesse inférieure. Parmi les accidents nerveux, les troubles sensitifs sont les plus fréquents.
L’otalgie réflexe retrouvée serait une irradiation de la douleur dentaire à l’oreille du même côté sans aucune atteinte organique de cette oreille. L’irritation du nerf alvéolaire inférieur, branche du nerf trigéminal serait responsable des troubles vasomoteurs sympathiques, des algies faciales et de divers troubles réflexes. Les accidents nerveux à type troubles moteurs (trismus et hémiparésie), troubles sensoriels (bourdonnements d’oreilles), et de troubles glandulaires (hypersialorrhée) sont également rapporté. Dans certains cas, des maux de tête fréquents ont été associés à des dents incluses au maxillaire supérieur.
S. : Pour les dents de sagesse incluses, quelles sont vos recommandations en termes de gestion préventive ou d’extraction ?
S. Y. : L’extraction dentaire sera le plus souvent indiquée dans le cas des troisièmes molaires incluses symptomatiques. Elle pourra être envisagée pour n’importe quelle autre dent incluse en cas d’échec de tentative de traction orthodontique ou de complications nerveuses, tumorales, infectieuses, mécaniques (ankyloses, résorptions), anomalies de formes, DDA (Dyskinésie dento-articulaire) importante, ou en prévention de ces complications. Elle peut se justifier aussi quand les dents incluses font obstacle aux mouvements orthodontiques. L’interférence de ces dents avec les apex des dents en mouvement occasionnerait des résorptions iatrogènes. L’extraction est alors le meilleur moyen d’éviter des dommages collatéraux très prévisibles.
Interview réalisée par :
Wamini Micheline OUEDRAOGO