Face au dérèglement climatique, les saisons pluvieuses deviennent de plus en plus courtes, marquées par des inondations et des poches de sécheresses, entraînant une baisse des rendements agricoles. Comment faire face à cette situation ? Des chercheurs, appelés sélectionneurs ont mis au point des variétés de semences à cycle court telles que le Sariasso 14, 16, 22, le Soubatimi, le ICSV1049, Koom Kaviinre et Koom Sii. Ces variétés, connues sous le nom de sorgho double usage ou double objectif, sont cultivées dans les régions des Kuilsé (ex-Centre-Nord), d’Oubri (Plateau central), du Nazinon (Centre-Sud), de Yaadga (Nord) et du Bankui (Boucle du Mouhoun). Sidwaya est allé à la rencontre des agriculteurs de la variété Sariasso 14 à Boussouma, dans la région des Kuilsé.
Dans la région des Kuilsé (ex-Centre-Nord), précisément dans la commune de Boussouma, au cœur des villages où les traditions se mêlent aux défis climatiques, vit Fatimata Ouédraogo, une femme remarquable par sa résilience et son esprit entrepreneurial. Eleveuse de petits ruminants (moutons et chèvres) depuis dix ans, elle s’est imposée dans un secteur historiquement masculin. Elle a été distinguée meilleure éleveuse de sa catégorie dans la province du Sandbondtenga (ex-Sanmatenga), lors de la foire des éleveurs tenue le 1er juin 2025 à Kaya. Elle pratique l’embouche ovine et caprine : elle achète les animaux en octobre et les engraisse pour les revendre en janvier ou février, puis relance une seconde phase jusqu’en juin. Les animaux de Fatimata, bien nourris, ont une allure vigoureuse et un pelage dense et luisant, signes d’une bonne santé. Elle attribue cette apparence au fourrage qu’elle leur fournit, constitué des tiges du sorgho double usage, notamment de la variété Sariasso 14, qu’elle cultive depuis six ans. Cette semence offre un bon rendement en grains et en fourrage.
« A maturité, la plante présente de gros épis et des tiges épaisses comme celles de la canne à sucre, juteuses et sucrées. Les feuilles restent vertes et appétissantes, ce qui en fait un bon aliment pour les animaux », explique Noufou Ouédraogo, sélectionneur de sorgho. Grâce à cette alimentation équilibrée, les animaux expriment pleinement leur potentiel génétique, que ce soit en reproduction, en viande ou en lait. A Nessemtenga, à 15 km de Boussouma, Fatimata cultive le Sariasso 14 sur un hectare. Elle combine techniques culturales, engrais chimiques et compost. « Les agents agricoles nous ont appris à faire des zaï, y mettre de la fumure, semer après les premières pluies, puis ajouter de l’engrais et labourer. Si on suit bien toutes les étapes, les résultats sont là », raconte-t-elle. Le sélectionneur confirme qu’avec des espacements de 40 cm entre les poquets et 80 cm entre les lignes, les rendements peuvent atteindre 3,5 à 4 tonnes/ha pour les grains et 10 à 12 tonnes/ha pour le fourrage.
Un rendement encourageant

Durant la saison 2024-2025, Fatimata affirme avoir récolté 2 150 tas de fourrage, chacun pesant environ 5 kg, en plus de quatre charretées de grains. « J’ai de quoi nourrir ma famille et mes animaux. C’est vraiment une semence à double objectif », se réjouit-elle. Grâce au fourrage stocké, elle n’achète plus d’aliment pour bétail. « Pendant la saison des pluies, je vends même une partie, faute de lieu de stockage. Le fourrage est exposé dans un espace clôturé avec du grillage sous le soleil et se détériore avec la pluie », déplore-t-elle. Autrefois, elle dépensait plus de 300 000 FCFA en alimentation animale. Aujourd’hui, ses dépenses ne dépassent plus 100 000 FCFA, limitées aux soins vétérinaires. Le président de l’Union départementale des éleveurs de Kaya (UDEK), Abdoulaye Diallo, partage cet avis. Grand agropasteur à Louda, à 8 km de Boussouma, il cultive également le Sariasso 14 depuis six ans. « J’ai découvert cette variété lors des champs écoles organisés par l’INERA. Depuis, je ne cultive que ça. J’ai du grain pour toute l’année et du fourrage pour mes animaux.

Plus de famine chez moi !», dit-il. Cette variété se cultive en 100 à 110 jours, même dans les zones où les précipitations varient entre 700 et 900 mm de pluie. C’est pourquoi l’Etat la subventionne dans le cadre de sa stratégie pour l’autosuffisance alimentaire. Selon la cheffe de la zone d’appui technique de l’élevage de Boussouma, Esther Sawadogo, la commune a reçu 45 sacs de 50 kg de Sariasso 14 pour la campagne 2025-2026, contre 9 sacs l’année précédente. « Cela réjouit les producteurs. La distribution se fait par kit de 15 kg à 1 000 FCFA. Chez nous, le sac de 50 kg revient à 3 500 FCFA, contre 16 000 FCFA sur le marché », précise-t-elle. D’après les données de la direction provinciale de l’agriculture, des ressources animales et halieutiques du Sandbondtenga, 6 250 kg de cette variété ont été distribués pour la campagne 2025-2026, contre 1 955 kg l’année précédente, à 238 hommes et 148 femmes. Cette subvention est très bien accueillie. Tasséré Ouédraogo est un agropasteur à Tonyoko (à 8 km de Boussouma). « Subventionner les semences, c’est nous aider et nous encourager. Le seul souci, c’est qu’elles arrivent un peu tard. On aimerait les avoir dès mai, juste après les premières pluies », estime-t-il. Le directeur provincial, Daouda Kiemdé, promet d’y remédier. « Cette année, nous les avons reçues le 27 juin, mais les enlèvements ont tardé, en raison des lenteurs dans les communes », explique-t-il.
Vivement des variétés précoces

Les recherches se poursuivent pour améliorer les performances des semences. « Nous travaillons à raccourcir le cycle à 85 jours, car les pluies ne durent plus trois mois. L’objectif est d’avoir un cycle maximum de 100 jours », indique Noufou Ouédraogo. Ces variétés pourraient ainsi s’adapter au Sahel, notamment dans la région du Liptako (Dori). Le chercheur recommande également de renouveler les semences chaque année pour préserver le rendement. Cependant, un défi persiste : le stockage du fourrage. « Le fourrage est empilé au soleil, dans des enclos. On sait qu’il perd ses valeurs nutritives, mais on n’a pas le choix », admet Abdoulaye Diallo. Les petits agropasteurs manquent aussi de broyeurs, contrairement aux grands exploitants. « Il suffirait de broyer les tiges et de les faire sécher à l’ombre pour mieux conserver les nutriments », explique le chercheur. D’où l’appel des agropasteurs à disposer de broyeurs pour stocker leur fourrage dans des sacs. « On pourrait même les vendre, ce serait une source de revenus supplémentaire », ajoute Diallo. En attendant que chacun puisse s’équiper, Daouda Kiemdé invite les producteurs à s’organiser pour acquérir collectivement une machine avec une gestion communautaire.
Fleur BIRBA fleurbirba@gmail.com