Couvre-feu dans la Kossi et le Sourou : Un « mal nécessaire », selon les populations

Le maire de Tougan, Edouard Zerbo, soutient avoir entrepris des actions de communication pour sensibiliser les citoyens de sa commune au respect du couvre-feu.

La région de la Boucle du Mouhoun, tout comme d’autres, enregistre des attaques terroristes. Pour ramener la sécurité dans la zone, un couvre-feu a été instauré dans les provinces les plus touchées comme le Sourou et la Kossi. Cependant, cette mesure n’est pas sans conséquence sur l’activité économique. Constat !

Pour faire face à l’insécurité dans le Sourou et la Kossi, le gouverneur de la Boucle du Mouhoun, Edgard Sié Sou, par arrêté en date du 8 novembre 2019, a instauré un couvre-feu de 19 heures à 6 heures du matin sur l’étendue du territoire des deux provinces, à compter du 15 novembre 2019 et ce, jusqu’à nouvel ordre. Cette mesure malheureusement n’est pas sans conséquences sur les activités économiques : les secteurs de la restauration, du commerce général, des transports et autres en font les frais. Samedi 11 janvier 2020.

Il est 8 heures à Tougan, dans la province du Sourou. La vie reprend ses droits, après une nouvelle longue nuit couvre-feu. Pélagie Toé, gérante d’une alimentation à Tougan, le regard hagard, scrute l’horizon, en espérant faire de bonnes affaires avant 18 heures. Comment appréhende-t-elle le couvre-feu ? La réponse de la jeune fille est, on ne peut plus claire : « Ce n’est pas du tout facile. Les chiffres d’affaires ont considérablement baissé. Nous sommes contraints de fermer à 18 heures pour ne pas se faire rattraper après 19 heures. Alors qu’avant nous pouvions vendre jusqu’à 22 heures, voire 23 heures », soutient-elle, déboussolée.

Toutefois, dame Toé espère que la paix revienne, afin que son commerce reprenne son cours normal. Gérant d’un débit de boisson à Tougan, Severin Kini, enregistre aussi des pertes financières du fait du couvre-feu. « Le couvre-feu me cause beaucoup de pertes. En temps ordinaire, je pouvais vendre jusqu’à 22 heures et écouler une vingtaine de caisses de bière. Mais avec le couvre-feu, je suis contraint de fermer à 19 heures au plus tard. Et dans ces conditions, j’évacue à peine une dizaine de caisses », regrette-t-il.

Des inquiétudes

Le maire de la commune urbaine de Tougan, Edouard Zerbo, reconnaît le bien-fondé du couvre-feu dans sa collectivité, mais déplore tout de même ses conséquences sur les activités socioéconomiques. « Des commerces qui doivent fermer à 19 heures pour rouvrir le lendemain à 7 heures, cela joue sur les rendements économiques. Outre l’impact sur le commerce, le couvre-feu perturbe fortement le secteur des transports qui participe aussi à l’économie de nos cités. Mais comme c’est pour notre sécurité, nous ne pouvons que nous soumettre à cette mesure, même si économiquement il y a des manques à gagner », renchérit M. Zerbo.

Pour faire respecter cette décision « salvatrice qui permet de contrer l’ennemi », le bourgmestre dit sensibiliser les populations à travers des communiqués. Le gérant de kiosque, Zerbo Abdoulati, lui, ne fait pas du couvre-feu un problème. « Si ça peut contribuer à ramener la paix, peu importe la baisse de mes recettes, je n’en fais pas un problème. On peut rattraper les pertes d’une manière ou d’une autre », soutient-il. En plein déchargement dans une l’alimentation de Tougan, Harouna Bankolo, transporteur, approuve le couvre-feu, même s’il regrette l’impact sur son activité. « Nous sommes tous conscients du terrorisme qui nous endeuille presque tous les jours. Et si le couvre-feu peut aider à ramener la sécurité, nous adhérons même s’il y a des conséquences sur notre activité de transport », dit-il.

Toutefois, le transporteur suggère une révision des horaires pour leur permettre de mieux mener leurs activités. « La plupart du temps, de retour de Ouagadougou, nous n’arrivons pas à Tougan avant 19 heures, nous sommes donc contraints de dormir en cours de route pour rentrer le lendemain. Quand on sait que nous transportons souvent des produits périssables, il y a de quoi être inquiets. Si l’on pouvait ramener le couvre-feu à 20 ou 21 heures, cela pourrait contribuer à nous alléger la tâche et nous permettre de faire le trajet Tougan-Ouagadougou-Tougan en un aller-retour sans avoir à dormir en cours de route », soutient M. Bankolo.

La quiétude d’abord

Le gérant de Kiosque, Adoulati Zerbo : « Si la mesure peut contribuer à ramener la paix, peu importe la baisse de mes recettes ».

Caissière dans une boulangerie de Tougan, Martine Toé qualifie ce couvre-feu d’un mal nécessaire qui plombe le monde des affaires. « Le couvre-feu pèse énormément sur notre activité. En temps normal, on pouvait évacuer 10 à 15 sacs de farine de blé, mais avec l’instauration du couvre-feu, nous parvenons à peine à finir 5 sacs, compte tenu que c’est une activité qui est exercée tard la nuit parce que c’est la nuit et au petit matin que le pain s’achète le plus. Même pendant les fêtes de fin d’année, il n’y avait pas le marché. Mais comme c’est pour notre sécurité, nous ne pouvons que respecter les directives, pourvu que la paix revienne », argue-t-elle.

A Tougan, tout comme à Nouna, dans la province de la Kossi, les populations ont eu du mal à s’adapter à cette mesure restrictive de liberté. « Cela n’a pas été facile au début. Nous n’étions pas préparés à se cloîtrer chez soi de 19 heures à 6 heures du matin, mais au fur et à mesure, nous nous sommes adaptés. L’essentiel étant que la sérénité revienne », se confie un habitant, Seydou Koussé. « Il est bien vrai que ce couvre-feu a des répercussions sur les activités économiques, mais il faut d’abord vivre avant de parler d’économie. Donc à mon avis, le couvre-feu est la bienvenue d’autant plus que c’est pour notre sécurité. Nous souhaitons d’ailleurs que la sécurité revienne afin de nous permettre de vivre dans la quiétude », a affirmé pour sa part, Talata Namountougou, agent des Eaux et forêts à Nouna.

Kamélé FAYAMA

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