RDC : les revers d’un compromis politique

Il y a de cela deux ans que Félix Tshisekedi a été investi comme président de la République démocratique du Congo (RDC), opérant du même coup la toute première alternance politique pacifique dans son pays. La coalition entre le Front commun pour le Congo (FCC) de l’ancien président Joseph Kabila et le Cap pour le changement (CACH) de Félix Tshisekedi, a été l’attelage gouvernemental pendant plus d’une année jusqu’à ce que le clash intervienne ouvertement en octobre 2020. L’on se rappelle que le président avait décidé de rompre l’alliance avec le FCC. Depuis lors, le pays vit au rythme de tensions politiques inhérentes à la reconstitution d’une nouvelle majorité présidentielle.

Deux ans après son arrivée au pouvoir, Félix Tshisekedi n’a véritablement pas eu les coudées franches pour asseoir son programme politique, d’autant plus que l’ombre de son prédécesseur a toujours plané dans les affaires publiques. L’alternance politique dont tout le monde parlait, a été purement et simplement un deal savamment orchestré entre Kabila et Tshisekedi. Contraint de ne pas briguer un énième mandat à la tête du pays, Joseph Kabila a contre mauvaise fortune fait bon cœur en tripatouillant les résultats de la présidentielle en faveur de Félix Tshisekedi. L’expression de la volonté du peuple congolais a été sacrifié sur l’autel d’un arrangement politique.

Que faut-il retenir des deux ans de Félix Tshisekedi à la tête de la RDC ? A l’heure de ce bilan, les tensions entre les deux alliés dominent largement les débats aux dépens des initiatives en faveur du développement socioéconomique du pays. Soucieux de s’émanciper de la tutelle de celui qui a manœuvré pour qu’il parvienne au pouvoir, Félix Tshisekedi n’a pas encore eu la latitude de dérouler son programme quinquennal. Durant ces deux ans, il est apparu comme une marionnette dont Kabila tirait les ficelles à sa guise. Leur volonté commune de gouverner ensemble dans le cadre d’une coalition gouvernementale FCC-CACH n’a été qu’un jeu de contrôle de pouvoir depuis l’union du 6 mars 2019.

Lorsque Félix Tshisekedi s’est rendu compte des limites de cette alliance, il a fait cet aveu : « elle ne m’a pas permis de mettre en œuvre mon programme et de répondre aux attentes des Congolais ». Une phrase qui résume à elle seule l’impasse dans laquelle il se trouve depuis qu’il dirige le pays. Comme un capitaine pris dans la tourmente d’une tempête en pleine mer, Félix Tshisekedi va même sacrifier son principal soutien et directeur de cabinet, Vital Kamerhe au nom de la lutte contre la corruption. Accusé d’avoir orchestré le détournement de dizaines de millions de dollars du programme des 100 jours du chef de l’État, Kamerhe va vite payer les frais d’une rivalité que le gouvernement majoritairement pro-Kabila a eu la malice de transformer en procédure judiciaire.

Depuis lors, il croupit en prison sans que le président n’ait pu rien faire pour lui épargner un tel sort. C’est pourquoi en lieu et place de bilan pendant ces deux années de gouvernance, Tshisekedi devra faire une introspection pour mieux orienter le navire vers des lendemains qui rassurent non seulement le peuple congolais mais aussi son propre camp. S’il n’arrive pas à s’affranchir de l’omniprésence de Kabila dans les grandes institutions, son mandat risque d’être du temps perdu au détriment des vrais défis du pays qui sont liés à la stabilité politique, à la sécurité, au développement et au retour de la paix. Tant que Tshisekedi n’aura pas les cartes en main pour redresser la situation, il aura toutes les peines du monde à rempiler pour un second mandat. C’est le moment ou jamais pour lui d’avoir l’audace de clore définitivement cette alliance de façade qui aura occulté les vraies préoccupations des Congolais. Il y va aussi de son avenir politique.

Karim BADOLO

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