Un réaménagement stratégique

Dans son ambition de reconquérir le territoire national, dont plus de 40% seraient occupés par les groupes armés, le président de la Transition, le capitaine Ibrahim Traoré, a pris des mesures significatives pour réorganiser les Forces armées nationales (FAN). Le Chef de l’Etat, chef suprême des armées, a décidé d’augmenter le nombre de régions militaires de trois à six. En plus de Kaya, Bobo-Dioulasso et Ouagadougou, Dori, Dédougou et Fada abritent désormais des régions militaires.

Ces trois villes sont respectivement chefs-lieux du Sahel, de la Boucle du Mouhoun et de l’Est, des régions fortement touchées par l’insécurité. On imagine, en ce moment, l’espoir, pour ne pas dire la joie qui anime les habitants de ces zones qui réclamaient à cor et à cri des régions militaires. En procédant ainsi, le capitaine Traoré renoue en réalité avec une configuration à six régions militaires qui avait été adoptée en 1985. Cette structuration avait été abandonnée par la suite, en 1994, avec une réduction à trois du nombre de régions militaires.

Ce dispositif aura tenu pendant près de 30 ans, jusqu’ à ce que le capitaine Traoré revienne à l’ancien schéma, sans doute en phase avec sa vision de la lutte contre le terrorisme. Le chef de l’Etat a également pris d’autres décisions. Il a opté pour la création de deux régions aériennes, de six régions de gendarmerie et de six Bataillons d’intervention rapide (BIR). Aussi a-t-il acté le réaménagement du Commandement des opérations du théâtre national (COTN), placé désormais sous l’autorité administrative du Chef d’état-major général des armées (CEMGA) et le commandement opérationnel du CEMGA adjoint.

Cette décision devrait ramener la sérénité dans la chaine de commandement, en ce sens qu’il y avait des frustrations dans l’air, à en croire certaines indiscrétions. Jusque-là, le COTN rendait directement compte à l’ex-chef de l’Etat, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, ce qui fragilisait à bien des égards le CEMGA. Exit ces détails, cette restructuration de l’armée témoigne de la nouvelle dynamique que le capitaine Traoré veut imprimer à la lutte contre le terrorisme au Burkina Faso.

Plus qu’une volonté affichée d’agir autrement, l’option du chef suprême des armées a l’avantage de favoriser une meilleure organisation des unités combattantes et un bon maillage du territoire national, à un moment où les terroristes semblent avancer en terrain conquis. Les Forces de défense et de sécurité (FDS), et on ne cessera jamais de le dire, doivent être déployées, de sorte à pouvoir riposter en un temps raisonnable aux attaques et à porter assistance aux populations en détresse. Il ne faut pas laisser une marge de manœuvre aux terroristes permanemment actifs.

Ce réaménagement stratégique de la « Grande muette » devra en principe porter ses fruits, avec la détermination des uns et des autres. Il suffit de renforcer davantage la cohésion dans les rangs de l’armée et de développer une politique d’acquisition des équipements militaires à la hauteur des urgences. Si ces conditions sont satisfaites, l’armée pourra faire montre de plus d’efficacité, surtout avec le soutien inestimable des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), répartis à travers le pays.

Ce tandem salutaire devra se consolider avec le recrutement massif en cours de 50 000 VDP avec des conditions d’exercice améliorées. Très engagé à libérer le pays de l’emprise des groupes terroristes, le capitaine Traoré entend se donner les moyens pour parvenir à ses fins. Il en donne l’illustration, avec les initiatives déjà prises. Avec la dynamique enclenchée, et au-delà du débat enflammé sur la question, le chef de l’Etat devrait songer aussi à militariser la police et la protection civile, comme les autorités maliennes l’ont fait. Dans ce contexte de guerre, tout doit être mis dans la balance pour ramener la paix dans le pays.

Kader Patrick KARANTAO

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