«J’entends continuer à tout mettre en œuvre pour perpétuer la profonde mutation sociale susceptible de faire naître une véritable nation camerounaise, fière de sa diversité et jalouse de son unité ». C’est le message que le Président camerounais, Paul Biya, a posté sur sa page X (ex-Twitter), le mercredi 23 avril dernier. Ce tweet n’est pas passé inaperçu, à l’heure où la candidature à la présidentielle d’octobre 2025 du « sphinx », comme on le surnomme, alimente les conversations au Cameroun et au-delà de ses frontières. Après avoir entretenu le suspense, le chef de l’Etat camerounais, au pouvoir depuis 43 ans, lève peu à peu le voile sur son intention de solliciter un 8e mandat. Le tweet de la semaine dernière fait suite au discours de fin d’année 2024 de Biya, dans lequel, un passage a également retenu l’attention. « Je puis vous assurer que ma détermination à vous servir demeure intacte et se renforce au quotidien, face à l’ampleur des défis auxquels nous sommes confrontés », a-t-il lancé à ses compatriotes à l’occasion. Ces extraits de propos en disent long sur le projet de nouveau bail présidentiel de l’homme fort du Cameroun, qui devrait vraisemblablement officialiser cette nième candidature. Ils corroborent du reste avec les multiples appels l’invitant à poursuivre son œuvre à la tête du pays, ces derniers mois. Des maires, des universitaires, des membres de la société civile, etc., ils sont nombreux les partisans du président camerounais qui souhaitent le voir rester aux affaires. Ces soutiens semblent le galvaniser et le convaincre qu’il demeure l’homme de la situation. Biya ne devrait donc pas cracher sur ses sollicitations. Il sera manifestement candidat à sa propre succession.
A moins d’une grosse surprise, rien n’empêchera l’homme fort du Cameroun de le faire, n’en déplaise à l’opposition qui espère une alternance au sommet de l’Etat. La rumeur avait couru que le président camerounais prépare son fils, Franck pour sa succession, mais cette hypothèse ne semble pas plausible. Du point de vue de la loi, Biya marche sur un boulevard, puisque la Constitution camerounaise n’impose pas de limite d’âge ni de mandat présidentiel. Ces dispositions n’ont-elles pas été taillées sur mesure pour le favoriser, comme le clament ses opposants ? Ils pourraient ne pas avoir tort dans un pays sous coupe réglée depuis des décennies. S’il a la faveur de la loi, la candidature de Biya pose tout de même question, tant il est du 3e âge, avec ce que cela implique en matière de santé.
A 92 ans, le chef de l’Etat camerounais n’a plus le physique de ses années de gloire, au cours desquelles, il pouvait se dépenser sans compter, courir dans tous les sens pour des projets en faveur du développement du Cameroun. Les soucis de santé, qui amènent Biya à effectuer fréquemment des déplacements en Suisse, ont achevé de convaincre les plus optimistes qu’il devrait prendre sa retraite. Au-delà de son état de santé, on pourrait aussi se demander légitimement qu’est-ce que Biya peut encore apporter au Cameroun, qu’il n’a pu faire durant toutes ces années. Il s’est investi physiquement et intellectuellement pour l’épanouissement de sa chère patrie, même si de nombreux défis demeurent sur le plan socioéconomique. Biya a construit et développé l’édifice, et cela est fort appréciable, mais il devrait s’éclipser à présent vu le poids de l’âge et laisser la place à la jeune génération. Il y a autant de personnalités issues des rangs du pouvoir et de l’opposition, qui ont des idées à apporter et à implémenter pour l’avancée du Cameroun. Paul Biya les connait tous et devrait leur faire confiance, pour assurer sa succession. Le chef de l’Etat camerounais va-t-il surprendre le monde entier en renonçant à garder le pouvoir ?
Kader Patrick KARANTAO