Exposition de la viande à l’air libre : une technique insalubre de marketing à Ouagadougou

Des bouchers ambulants foisonnent à Ouagadougou. A la recherche de la clientèle, ils abandonnent leurs lieux habituels pour se retrouver sur les voies de circulation, les bras chargés de viande crue à peine couverte. Constat dans la journée du 16 mars 2019 au marché de Baskuy et dans une zone non-lotie.

De la viande exposée à l’air libre, sur une table nue ou entre les mains des vendeurs ambulants, tel est le constat qui se donne à voir tous les jours, dans la capitale. Un tour dans un quartier reculé de la ville de Ouagadougou le 16 mars 2019, notamment dans un non-loti, puis, au marché de Baskuy montre que les bouchers se soucient peu de l’hygiène autour de leur marchandise. «Tout ce qui ne tue pas engraisse», clame gaiement un citoyen d’un certain âge, au milieu d’un groupuscule.

«Nous pensons comme lui», soutiennent ceux qui l’entourent. Ils disent tout haut ce qu’ils pensent mais refusent d’être cités, encore moins, être photographiés. C’était le samedi 16 mars 2019, aux environs de midi, en parcourant un quartier reculé de Ouagadougou et après avoir vu un gigot de bœuf, partiellement recouvert de papier et trônant sur une table, au bord d’une rue non bitumée. Notre curiosité nous pousse à nous arrêter pour en savoir davantage. Renseignements pris, il s’agit d’une issue de secours pour un boucher de la ville qui a choisi de se trouver une clientèle complémentaire parmi les résidents des zones non loties, sur cette route. Cette voie rouge et large est très fréquentée et très poussiéreuse, mais apparemment les conditions d’hygiène dans lesquelles cette viande se vend n’inquiètent pas les habitants. Bien au contraire, selon eux, la présence de cet aide-boucher dans le quartier réduit la distance, en ce sens que les femmes n’ont pas à parcourir une grande distance pour s’acheter de la viande pour la cuisine. Un avantage que ces habitants apprécient.

Poursuivre la clientèle sur la route

Selon l’un d’eux, ni la saleté ni la poussière ne peuvent lui faire du mal, dit-il, en se référant à ses propres enfants se vautrant dans le sable et parmi eux un bébé de moins d’un an qui n’hésite pas à consommer le sable. «Tout ce qui ne tue pas engraisse», dit-il, convaincu de ce qu’il avance.

Tout comme dans les autres marchés, celui de Baskuy a une boucherie aménagée à cet effet, dans un espace relativement propre, loin de la poussière et à l’abri du soleil, Mais à partir de midi, certains quittent la boucherie et vont à la rencontre des clients au bord des voies où ils exposent la viande en contact direct avec l’air et leurs tenues. Boukaré Congo, dans sa blouse bleue, vendeur de viande de mouton, est l’un d’eux. «Je fais ce métier depuis trente ans et je continue de me rendre à l’abattoir très tôt, tous les jours et j’avais l’habitude de tuer et de vendre dix-huit à vingt moutons par jour. J’achetais cash et au plus tard à 15h, j’avais déjà fini de tout vendre», a-t-il révélé.

Sa méthode de vente depuis toujours est qu’à partir de midi, il quitte la boucherie pour se mettre au bord de la voie, à l’entrée du marché. Cependant, d’après lui, actuellement, de l’abattoir, il ne ramène sur sa moto que deux moutons qu’il n’arrive même pas à tout vendre. Selon lui, cette mévente est due à la perte de sa clientèle ; une perte qu’il attribuerait à la construction de l’échangeur du Nord qui a fait fuir ses clients, compte tenu du grand détour à faire désormais. Ainsi lorsqu’il n’arrive pas à écouler toute la marchandise, le reste est gardé dans un congélateur pour être vendu le lendemain. «Voyez-vous, il y a de la viande partout mais ce sont les bouchers qui sont facilement accessibles qui ont beaucoup plus de clients», fait-il remarquer.

Un problème d’accessibilité pour certains clients

M. Boukaré Congo en veut pour preuve l’inaccessibilité de son point de vente, pour ceux qui viennent du côté opposé, quand bien même il est au bord de la voie bitumée conduisant à l’échangeur. Il estime que ceux qui sont dudit côté ne peuvent plus venir acheter de la viande chez lui parce que l’échangeur leur barre la voie, à moins de remonter jusqu’au quartier Kolog-Naaba avant de revenir, ce qui n’encourage pas les clients à faire ce grand détour. «Si au moins, c’était possible de frayer un passage, en enlevant l’une des dalles érigées en mur et qui bloquent l’accès à notre marché…», souhaite-t-il. A notre passage dans le marché, certains étals étaient vides et on y voyait des traces de viande avec quelques mouches tapies çà et là. Où sont les occupants ? Ils auraient déserté les lieux, pour se trouver des clients aux abords des voies.

M. P. Léonard Nana, boucher depuis 1984, n’avait pas, non plus, vendu grand-chose des deux gigots de bœuf qu’il a ramenés de l’abattoir sur sa moto. Il s’apprêtait à les mettre dans un endroit frigorifique pour les revendre le lendemain, estimant que c’est mieux qu’il rentre chez lui au lieu d’attendre des clients qui ne viennent pas. Pourtant, raconte-t-il, bien avant la construction de l’échangeur, il pouvait vendre un bœuf tout entier avant midi. «Je ne peux même plus empocher 25 000F CFA, encore moins 50 000 F CFA. Les clients s’arrêtaient facilement à cause du feu tricolore qui était ici», regrette-t-il .

Aimée Florentine KABORE