Editorial : A chacun ses réalités

L’impact de la maladie à coronavirus est énorme sur l’économie à l’échelle mondiale. Au Burkina Faso, pour faire face à la situation et limiter la propagation du virus, l’Etat a érigé un plan de riposte d’un budget global de 394 milliards FCFA assorti de mesures drastiques à observer.

Parmi elles, la fermeture des marchés et yaars, des restaurants et débits de boissons, des écoles et universités. Il y a aussi l’instauration du couvre-feu et la mise en quarantaine des localités ayant au moins un cas positif de COVID-19.

Un peu plus d’un mois après, le résultat est encourageant, car le pays enregistre de moins en moins de cas positifs, selon les rapports du Centre des opérations de réponse aux urgences sanitaires (CORUS). Les cas de décès aussi ont relativement baissé. Grâce à la quarantaine qui a permis de circonscrire le mal, certaines localités n’enregistrent plus de malade.

La preuve que les mesures édictées sont efficaces. Cependant, au constat, elles sont mal adaptées à nos réalités, si bien qu’il est difficile pour les populations de les supporter longtemps. Si certaines, telles que le lavage des mains, l’évitement de se serrer les mains, de se donner des accolades… continuent d’être normalement respectées, celle de la fermeture des lieux de commerce est de plus en plus boudée.

Tenaillés sans doute par la faim, des commerçants ont commencé à grogner, défiant de plus en plus l’autorité. En témoignent les manifestations dans plusieurs marchés de Ouagadougou pour exiger leur réouverture et la résistance à l’obligation du port de masque. En réalité, cela s’explique par le fait que la majeure partie des Burkinabè, aux revenus souvent très modestes, vivent au jour le jour.

Ne pas aller au travail pour ces derniers est synonyme de ne pas pouvoir assurer la popote quotidienne. De ce fait, certains estiment qu’il vaut mieux mourir du COVID-19 que de la faim. Une attitude qui montre à souhait que les méthodes de résilience face à une crise ne peuvent pas être les mêmes selon qu’on est en Afrique ou en Europe, en Amérique ou en Asie, au Burkina ou en Côte d’Ivoire. Chacun a ses réalités propres à soi. Pour que ça marche, les mesures que l’on prend doivent être en adéquation avec ces réalités.

Du reste, une chose est certaine, la crise passera et c’est maintenant qu’il faut se mettre à l’œuvre pour réparer les dégâts, surtout économiques, causés par la pandémie. A titre illustratif, au Burkina Faso, la croissance économique pourrait connaître une régression de plus de 2%, selon les estimations.

Dans l’espace sous régional incarné par la CEDEAO, les projections indiquent que le taux de croissance, initialement prévu à 3,3%, subira une baisse pour se situer à 2% si la pandémie prenait fin en juin 2020 et à moins de 2,1% si elle perdurait jusqu’à la fin de l’année. Dans le monde, la Banque mondiale prévoit une chute du PIB de l’ordre de 3,9%, avec à la clé des millions de chômeurs.
C’est dire qu’il faut déjà se retrousser les manches pour attendre la fin du COVID-19 •