Outils de séduction : Les menottes s’invitent dans la libido

Des perles accompagnées de mots

Au Sénégal, les relations intimes ont pris une autre tournure. Pour séduire leurs conjoints et empêcher qu’ils se livrent à de nouvelles conquêtes, les femmes se procurent de plus en plus d’objets de séduction. Les nuisettes, les perles, les secrets de femmes et surtout un nouveau type de matériels importés de la Chine. Ce matériel qui est un ensemble d’objets, composé de menottes, de plumes, de fouets, de dés, et des masques s’arrachent comme de petits pains. Objectif, charmer à tout prix l’autre moitié du ciel. La pratique s’exporte au Burkina Faso, mais elle peine à être acceptée.

Les menottes, ces chaînes métalliques fixées aux poignets des prisonniers afin d’entraver leurs mouvements, sont miraculeusement devenues des objets de séduction, très prisées dans la libido. Au Sénégal, cet objet, issue d’un ensemble composé également de plumes, de dé et de fouet, tend à devenir un effet de mode dans la pratique des relations intimes. Le principe de ces outils consiste à menotter son conjoint ou sa conjointe au pied du lit. Les plumes servent à caresser les parties érogènes du ou de la partenaire tandis que le fouet, à le ou la fouetter pendant les ébats sexuels. Mais au préalable, le couple, à travers le dé sur lequel sont dessinées toutes les positions, prend le soin de choisir une position consensuelle. Ces pratiques se font pendant que l’un ou l’autre a les yeux cachés par un masque.

Quel plaisir tire-t-on en s’adonnant à de telles pratiques ? En tout cas, seuls les Sénégalais semblent avoir la réponse. Dans ce pays ouest-africain, les menottes et le fouet font partie d’un éventail d’articles de séduction et apparaissent comme un stimulant sexuel. Un constat au marché de « HLM », situé au cœur de Dakar, le samedi 18 janvier 2020, laisse entrevoir la diversité des produits destinés à séduire au mieux, son partenaire. Le marché grouille de monde comme à l’accoutumée. Ici, la commercialisation des ‘’armes de séduction’’ a le vent en poupe. Sur les étals, on peut voir des perles, des nuisettes et bien d’autres objets de séduction importés de la Chine. La première vendeuse accostée est assaillie par des clients. « Tout ce que je vends ici, c’est pour séduire les hommes», confie-t-elle, tout en marchandant avec des acheteurs.

La trentaine révolue, cette vendeuse de nuisettes et de perles en cristal est dans ce commerce depuis des années. Les affaires prospèrent car le besoin inextinguible de séduire les hommes pousse les femmes à se ruer vers ces produits érotiques.
Des clients de tous les horizons, elle en rencontre. Etrangers et Sénégalais font de ces objets leur pain béni. « Les femmes adorent notamment les perles en cristal ou les grosses perles souvent accompagnées de mots doux : mon amour, mon cœur, je t’aime… ». De fabrication locale, les nuisettes et les perles sont beaucoup sollicitées. Ces outils participent au maintien de l’homme auprès de sa conjointe et partant, instaure une sorte d’harmonie dans le foyer, selon une autre vendeuse.

Cette dernière fait de bonnes affaires dans la vente des nuisettes, cette tenue sexy qui se porte uniquement dans la chambre conjugale. Elles se composent de petits pagnes servant à nouer autour de la poitrine, des ensembles soutien-gorge, de jupettes, de string et de robe. Elles existent en plusieurs couleurs. Leurs prix varient de 2000 à 6 000 F CFA.
Très agréables à regarder pour certains et excitants pour d’autres, ces outils sont, soit tissés à la main, soit cousus à la machine. D’autres sont accompagnés d’une manufacture perlée. Quant aux perles, elles se vendent à 1 000 F CFA l’unité.

Se faire menotter pendant l’amour

En dehors des étals constatés çà et là dans le marché de « HLM », des boutiques exclusivement réservées à la vente de matériel de séduction se laissent admirer. Dans ces boutiques, on retrouve également des produits couramment appelés « secrets de femmes ». « Arame Séduction » est l’une d’elles. C’est un espace par excellence dédié à la vente d’objets de séduction essentiellement importés soit de Chine, soit d’Italie, assure la gérante.

Ce sont, entre autres, des ensembles composés de menottes, de masques, de plumes et de fouets. De plus, il y a des produits cosmétiques tels que les parfums, le lait de minuit d’une senteur étonnement agréable et attirante. Du miel mentholé, du chocolat mentholé, des cristaux de menthe utilisés pour la fellation sont commercialisés. Des produits certes importés mais dont les consommateurs se sont très vite accommodés. Les clients de cette boutique sont aussi bien des femmes que des hommes, foi de la promotrice de « Arame Séduction ».

Des menottes et des fouets comme objets de séduction, c’est du jamais vu sous d’autres cieux. Malgré tout, les adeptes de ces produits n’en démordent pas. « Le défi de toute femme est de garder son homme à la maison. Et même quand il sort, il sera obligé de revenir, ou tu seras sa préférée. Quand un homme est bien nourri au ventre et au bas ventre, sa femme devient une reine », explique-t-elle. La clientèle masculine fait le tour de ces lieux pour s’en procurer pour sa conjointe. « Certaines femmes sont timides alors que leurs hommes adorent certaines pratiques », poursuit-elle. « Arame Séduction » officie également dans la vente en ligne de ses produits. Des commandes et des livraisons se font dans la sous-région.

« Moi, je ne me laisserai pas dominer jusqu’à ce point »

Une vue des nuisettes perlées commercialisées au Burkina Faso.

Parmi la liste de ses clients, figurent des Burkinabè. Ces derniers, à leur tour, tentent de les revendre sur place à Ouagadougou selon elle. Si les objets comme les perles et les nuisettes dans une moindre mesure sont entrés dans le quotidien des Burkinabè, certains outils comme les menottes et le fouet peine à se faire adopter. « Qui va accepter se faire menotter par une femme pendant les relations sexuelles ? Moi je ne me laisserai pas dominer jusqu’à ce point », confie un douanier, le 19 janvier 2020 à l’aéroport international de Ouagadougou.

En effet, au cours du contrôle, la douane a découvert des menottes dans nos valises. Après moult explications sur les raisons de leur introduction sur le territoire national, les agents ont été moralement choqués en apprenant qu’ils sont utilisés comme articles de séduction dans les relations intimes. Ebahis, ils ont voulu savoir qui est le consommateur de ces produits et si c’était des Burkinabè de sang.

Sandrine Ouédraogo est responsable de « EGS Evènementiel », une structure spécialisée dans l’organisation des mariages et des manifestations culturelles. Mme Ouédraogo profite souvent de ses voyages d’affaires en Chine et à Doubaï pour ramener des échantillons de belles nuisettes et des robes de nuit. Objectif, inciter les futurs mariés, les époux et épouses, à bien pimenter leur couple.« Quand je montre des tenues de situation (nuisettes) aux jeunes mariés, je suis tout de même étonnée que certains hésitent », indique Sandrine Ouédraogo. Pourtant, de son avis, le foyer, en plus du caractère de son partenaire et de son comportement, a besoin de l’intimité plus que tout.

Aux dires de Sandrine Ouédraogo, pour que le couple fonctionne normalement y compris côté intimité, il faut que les deux, surtout la femme, soit attirante et se fasse désirer.
La promotrice culturelle s’en prend aux femmes qui ne font rien pour attirer leurs époux. Ainsi, elle déplore qu’une fois à la maison, ses sœurs se délaissent au point d’inciter leurs conjoints à se tourner vers d’autres femmes. « Au lieu que les femmes se mettent en tenues de situation pour faire plaisir à leurs époux, elles préfèrent s’habiller en tee-shirts troués et porter des pagnes délavés », regrette-t-elle.

Elle claironne qu’« une femme très mal habillée à la maison, non seulement n’attire pas son homme, mais en plus le pousse à aller voir ailleurs ». Elle ajoute en substance que la femme ne doit pas seulement se contenter d’être belle dehors.
Pour ce faire, Sandrine Ouédraogo encourage ses sœurs Burkinabè à mettre le paquet du côté séduction. Car, pour elle, la tenue d’un foyer commande de l’innovation. Une innovation qui, poursuit-elle, consiste à assouvir aux fantasmes des deux personnes. Elle reconnaît toutefois que le Burkina Faso est différent du Sénégal en matière d’éducation sexuelle. « Depuis l’enfance, la jeune fille sénégalaise est éduquée en matière de tenue de foyer. Ce qui n’est véritablement pas le cas au Burkina Faso où le sexe demeure un tabou », précise-t-elle.

Des nuisettes destinées aux jeunes mariés dans la boutique de Sandrine Ouédraogo.

La culture burkinabè est telle que selon Mme Ouédraogo, certains hommes pensent que l’utilisation des outils de séduction est un signe de domination de la femme sur l’homme. De ce point de vue, explique-t-elle, les hommes, même s’ils acceptent les perles, s’opposent à ce que leurs épouses les portent.
Or, dénonce-t-elle, « ils sont prêts à aller se faire dominer par une fille de joie ou une inconnue dehors que de se faire dominer par leur propre femme ». Mme Ouédraogo dit ne pas comprendre ce paradoxe des hommes.

Au Burkina Faso, certains hommes font le lien entre objets de séduction notamment les perles, communément appelés « Baya », à l’envoutement. Car sous nos cieux, ces objets sont souvent associés à l’occultisme, notamment au maraboutage.
A ce sujet, madame Ouédraogo estime que c’est un alibi pour les empêcher de séduire leurs hommes. « Certains hommes estimant que c’est un acte d’infériorité, font violence sur eux en se gardant de gémir devant leur femme pendant l’acte sexuel. Pourtant c’est quelque chose de naturel », souligne-t-elle. Contrairement au Sénégal, la clientèle masculine se fait très rare au Burkina Faso. Les quelques clients de Sandrine Ouédraogo rencontrent des difficultés avec leurs épouses. Au nombre de celles-ci, la peur que leurs épouses ne les accablent de tous les noms d’oiseaux.

De ce fait, certains hommes se disent que leurs conjointes vont en faire toute une scène ou se poser autant de questions à la vue de ces articles. Des questions qui se résument, entre autres, sur : « auprès de qui as-tu connu ces choses ? », « l’as-tu déjà utilisé avec une autre ? », « va rejoindre celle avec qui tu l’as payé… »
Pour toutes ces raisons donc, les quelques rares hommes qui souhaitent vraiment que leurs nuits soient bien « pimentées » se gardent d’en acheter.

Rabiatou SIMPORE
rabysimpore@yahoo.fr