Production de la mangue dans le Kénédougou : Des rendements en deçà des attentes

La baisse de production a fait flamber le prix de la mangue sur le marché.

Baptisée « le verger du Burkina », la province du Kénédougou est réputée pour sa production de mangues. Des milliers de personnes tirent leur épingle du jeu à travers cette activité mais les vergers semblent être à la merci des attaques parasitaires et des effets du changement climatique. D’où parfois des baisses de rendements.

Avant d’accéder au domaine d’exploitation de André Traoré, il faut braver la forêt galerie et les eaux de la rivière Selmon. Sur ce site d’un demi-hectare, considéré comme un champ-école, un verger et une pépinière de manguiers se laissent admirer. La plantation verdoyante affiche une belle physionomie mais aucun fruit n’est accroché aux arbres. La période des mangues vient à peine de terminer. Nous sommes à quelques encablures de Orodara, dans la province du Kénédougou, région des Hauts-Bassins.

Communément appelée « le verger du Burkina », cette zone se distingue par sa forte production de mangue. Ce 19 août 2020, M. Traoré, la cinquantaine, est dans son champ. Chaussé de longues bottes et muni d’une pioche, celui-ci s’attelle à l’entretien de sa pépinière. Le visage dégoulinant de sueur, il coupe, taille et greffe de jeunes plants. Cela fait plus de 30 ans qu’André produit la mangue à Orodara. Une passion qu’il a héritée de son père. Grâce aux formations reçues, il est devenu un professionnel en la matière. Outre cette plantation, M. Traoré partage 20 autres hectares (ha) de manguiers avec ses frères, un legs de son géniteur. Ce qui leur rapporte environ 80 à 100 tonnes de mangues par an. « Avant, la mangue n’avait pas de valeur. Un chargement d’un camion de 10 tonnes ne dépassait pas 200 ou 300 mille F CFA.

De nos jours, avec la valorisation de la production, on peut avoir environ 500 mille F CFA », fait-il savoir. A lui seul, André estime ses productions à 20 ou 30 tonnes par an. Mais ça, c’était les années antérieures. Pour la présente campagne 2019-2020, il dit n’être pas à mesure de donner une estimation; tellement la moisson a été maigre. « Nous avons connu une très faible production cette année », se contente-t-il de mentionner, l’air toujours interrogateur. Amélie, Retard, Lippens, Kent et Keitt sont, entre autres, les variétés de mangues produites dans la localité.

Tout comme André, Soumaïla Traoré produit la mangue à Orodara depuis sa tendre enfance. Avec ses 11 ha de manguiers, il pouvait engranger entre 30 et 40 tonnes de fruits par an. Mais cette année, il en a récolté à peine 5 tonnes. A l’image de ces deux producteurs, ils sont des milliers dans la province du Kénédougou à avoir vécu cette situation cauchemardesque. Le président de l’Association interprofessionnelle de la mangue du Burkina (APROMAB), Paul Ouédraogo, renchérit et parle même d’absence de production pour cette année.

Moisson catastrophique

De 100 tonnes de mangues environ par an, il s’est retrouvé avec une vingtaine. Une moisson qu’il juge catastrophique. « Cette campagne a été exceptionnelle car, marquée par une chute drastique de production. Cela est dû au changement climatique. La saison a été décalée parce que la pluie n’est pas tombée à la période indiquée », se désole le président de l’APROMAB. La conséquence, à son avis, est que le cycle normal du manguier a été perturbé. Aux mois de janvier et de février où la pluie était attendue, explique M. Ouédraogo, aucune goutte d’eau n’est tombée dans la localité.

C’est finalement en mars, à la fin de la floraison des manguiers, que dame nature a ouvert ses vannes, provoquant ainsi la chute des fleurs. Arrivé dans l’arboriculture en 1986 grâce à la politique de la révolution, « Produisons et consommons burkinabè », ce sexagénaire possède 12 ha de manguiers dans la commune rurale de Kourion, à une quinzaine de kilomètres de Orodara. Au temps fort de la production, se souvient-il, il chargeait 10 camions de 10 tonnes par an. En déduisant les pertes et autres dépenses, Paul pouvait se retrouver avec un gain annuel de 3 millions F CFA dans la vente de ses fruits.

Toutefois, il reconnait que la commercialisation de la mangue a connu des périodes sombres, notamment dans les années 2000. Se rappelant comme si c’était hier, il indique que le camion, communément appelé « Peugeot bâchée », bien rempli, coûtait 15 mille F CFA, celui de sept tonnes à 35 mille et 50 mille pour le camion de 10 tonnes. Mais, de nos jours, la tendance s’est inversée au grand bonheur des producteurs. « Actuellement, la même bâchée est à 150 mille F CFA, les sept tonnes entre 600 et 700 mille et les 10 tonnes à environ 1 million F CFA », se réjouit le président de l’APROMAB.

Ce regain d’intérêt pour la mangue, doublé de l’amélioration de son prix, est dû, selon ses dires, à plusieurs facteurs. Il s’agit, entre autres, de l’avènement à Orodara des unités de transformation de la mangue, notamment le séchage, de l’implantation de l’usine Dafani en 2005, du bitumage de la route Orodara-Bobo et de la conquête du marché international à travers les exportations. André Traoré est du même avis lorsqu’il soutient que la période où la mangue pourrissait à Orodara est révolue. Pour lui, du fait que la campagne ait été peu prometteuse, cela a provoqué une flambée des prix de la mangue sur le marché. « Auparavant, on vendait cinq mangues à 100 F CFA, mais cette année, on en a vendu sept à 200 F CFA. Ce qu’on n’a jamais connu », détaille, pour sa part, Soumaïla Traoré.

Avec l’avènement du coronavirus, beaucoup de secteurs d’activités ont été touchés. La commercialisation de la mangue n’est pas en reste. Toutefois, indique le Directeur régional (DR) du commerce, de l’industrie et de l’artisanat des Hauts-Bassins, Sogh-Kélo Somé, l’Etat a pris des mesures pour minimiser l’impact de cette maladie. A cet effet, dit-il, une opération spéciale d’exportation de mangues a eu lieu en mai 2020 à partir de l’aéroport international de Bobo-Dioulasso, plus de 20 ans après. Cette opération, à l’entendre, a enregistré quatre vols d’avion-cargo et permis d’exporter une importante quantité de mangues fraîches vers l’Europe.

Une lutte de longue haleine

De leur côté, les producteurs espèrent que les rendements seront meilleurs l’an prochain ; étant donné que les facteurs climatiques sont conjoncturels. Leur principal ennemi demeure la mouche de fruits. Apparu en 2005, cet insecte ravageur continue d’impacter négativement les rendements des producteurs. La lutte semble être de longue haleine, puisqu’à entendre le président de l’APROMAB, un programme de lutte est en cours depuis 2010 contre cette maladie, en collaboration avec l’Institut de l’environnement et de recherches agricoles (INERA). « Nous avons des spécialistes qui s’occupent de la lutte contre la mouche de fruits.

On encourage les producteurs à se mettre en coopérative, parce que le traitement doit se faire en groupe et de façon simultanée », indique Zénabou Barry, agent à la direction provinciale de l’Agriculture et des aménagements hydro-agricoles du Kénédougou. C’est également l’avis de Soumaïla Traoré lorsqu’il relève que l’inefficacité de la lutte contre la mouche de fruits est due au fait que les producteurs ne traitent pas les vergers à la même période. Pour le président de l’Union nationale des producteurs de mangues du Burkina (UNPMB), Jean-Noël Lamokri, beaucoup de ravageurs menacent la survie du manguier. Outre la mouche de fruits, il cite la cochenille farineuse et le dessèchement du manguier qui sont aussi des maladies à combattre.

Des vergers de manguiers s’étalent à perte de vue dans la zone de Orodara.

Le vieillissement des plantations limite également la production. Dans la zone de Orodara, on trouve des vergers de 40 à 50 ans, signale M. Lamokri, par ailleurs point focal de la filière mangue à la Chambre régionale d’agriculture (CRA) des Hauts-Bassins. Disposer de bons plants est, en outre, une condition sine qua non pour optimiser les rendements. A ce sujet, le pépiniériste André Traoré conseille de toujours faire recours aux professionnels du domaine pour avoir des plants sains.

Même si la maladie à coronavirus a eu un impact réel sur leurs activités, les acteurs de la filière mangue la considèrent comme étant de moindre ampleur. « Notre principal ennemi n’est pas le coronavirus mais la mouche de fruits », tranche le président de l’APROMAB, Paul Ouédraogo. C’est pourquoi le combat contre cet insecte ravageur est devenu l’une des préoccupations majeures des producteurs. M. Lamokri annonce que des produits ont été trouvés à cet effet, mais le seul problème est qu’ils sont introuvables sur le marché comme ceux du coton ou du maïs. « Pour en avoir, il faut une commande et ça coûte aussi cher», déplore-t-il.

En vue d’accroître leurs rendements, les producteurs du Kénédougou souhaitent avoir des barrages ou des forages pouvant leur permettre d’irriguer les vergers en saison sèche. Aussi, demandent-ils au gouvernement de s’impliquer dans la commercialisation de la mangue comme c’est le cas pour l’anacarde afin de booster la filière.

Mady KABRE


Les vertus de la mangue
La mangue est un fruit tropical très nutritif. Onctueuse et juteuse, sa chair est riche en fibres, en vitamines A, C, B6 et B9 et en potassium. Sa consommation participe de la diminution du taux de glucose dans le sang, de la gestion de la tension artérielle, de la bonne santé cérébrale et osseuse. Tout en améliorant la digestion, elle prévient le cancer et les risques de maladie cardiaque et soutient les défenses immunitaires, entre autres. Pour le président de l’UNPMB, Jean-Noël Lamokri, la mangue est une mine d’or, en ce sens que tout est important dans ce fruit. A l’entendre, des recherches ont montré que la peau de la mangue peut être transformée en aliment pour bétail et ses noyaux en produits cosmétiques. Sans oublier que la pulpe peut être séchée ou transformée en jus, très prisés par les consommateurs.

Source : www.therapeutes.com/bienfaits-mangue
M.K.

La filière mangue en chiffres
Selon les statistiques fournies par les acteurs de la filière, le Burkina Faso enregistre pour l’année 2020, 15 mille producteurs de mangues, une centaine d’unités de séchage et une vingtaine d’exportateurs internationaux. La production nationale tourne autour de 360 mille tonnes par an avec six à sept mille tonnes de mangues à l’exportation. Les superficies emblavées sont estimées à 33 701 ha dont 1 250 ha de vergers modernes.

M.K.