Séchage de la mangue à Orodara : Une solution à la mévente

La mangue séchée est beaucoup prisée par les consommateurs.

Jadis peu développée, la transformation de la mangue, notamment le séchage, est devenue une activité en vogue à Orodara. D’une unité de séchage en 1994, la ville en compte 25 de nos jours. A travers ces microentreprises, c’est l’équation de la mévente qui se trouve, en partie, résolue.

Dans la vaste cour, tous les bâtiments ont leurs portes closes. On se croirait dans un lieu abandonné. Sous l’auvent d’un des édifices, seules quelques dames sont assises à même le sol. Devant chacune d’elles, un tas de noix de cajou qu’elles s’affairent à trier avec minutie. A l’ombre d’un vaste hangar en tôle, trônent plusieurs bacs vides, faits en béton. Loin d’être un centre de transformation de l’anacarde, il s’agit plutôt d’un lieu où on donne une autre vie à la mangue : l’Unité de séchage Dicko Fatima (USDF), sise à Orodara, province du Kénédougou. En ce mois d’août 2020, il n’y a plus de mangues à transformer, la période venant à peine de passer.

Cette unité dispose aussi d’un maillon de transformation de la noix de cajou dont les bâtiments sont à un jet de pierre de là. C’est pourquoi le site de la mangue est momentanément pris d’assaut pour le travail de l’anacarde. L’USDF a commencé la transformation de la mangue en 2015. Selon son chef de production, Aboubacar Sanon, cette initiative est née de la volonté de résoudre les problèmes de mévente que rencontraient les producteurs de la mangue à Orodara. Depuis son installation, ce sont environ 2000 tonnes de mangues fraîches que son unité transforme par an, soit l’équivalent de 80 tonnes de mangue séchée. Selon ses explications, tout commence par la collecte de la matière première avec les producteurs. Ces mangues doivent être non mûres mais pas prématurées. Elles sont ensuite stockées dans les bacs à murissement pendant trois ou quatre jours.

75 bouteilles de gaz par jour

Ces mangues triées seront transformées en engrais organique.

Après cette étape, la mangue est triée, lavée, épluchée, découpée et placée sur des claies pour être introduite dans les séchoirs qui sont des sortes de fours. Au nombre de 79, ces fours sont alimentés uniquement à l’aide de gaz butane. En 24 heures, la mangue en ressort séchée et prête à être conditionnée dans des sachets d’un kilogramme (kg), puis dans des cartons de 20 kg.

« Le sachet coûte 3000 F CFA et 60 000 pour le carton », précise M. Sanon. En recettes, indique-t-il, l’USDF engrange environ 5 millions F CFA par an. De quoi réjouir les responsables de l’unité mais les difficultés ne manquent pas. A entendre le chef de production, avec 79 séchoirs, cela demande beaucoup de personnel et surtout des moyens financiers pour honorer les salaires, acheter le gaz et la matière première. 350 travailleurs, en majorité des femmes, interviennent à l’USDF pour la transformation de la mangue.
La paie de leur salaire demeure un véritable casse-tête pour l’unité de séchage. Et ce n’est pas tout. En outre, fait savoir M. Sanon, 75 bouteilles de gaz sont utilisées par jour pour alimenter les fours. Ce qui est, pour lui, une lourde charge à supporter pour son entreprise. Les variétés de mangues qui y sont transformées sont au nombre de trois, à savoir « Amélie », « Lippens » et « Brooks ».

La Coopérative agricole du Kénédougou (Coopake) a aussi son unité de séchage. Installée depuis 1994, elle est plus ancienne mais moins petite que l’USDF. Elle est d’ailleurs considérée par les producteurs comme la « mère » de toutes les unités de séchage à Orodara, puisque beaucoup y ont fait leur formation. Là-bas également, les séchoirs sont à l’arrêt et attendent la campagne prochaine. Seydou Fayama est le responsable chargé de l’approvisionnement. Il indique qu’en une journée, son unité transforme plus de trois tonnes de mangues fraiches pour une consommation de 13 bouteilles de gaz butane. Le souci majeur, à son avis, est la mouche de fruits qui affecte la qualité de la matière première. Toute chose qui engendre le pourrissement de la mangue et par conséquent, des pertes énormes. Dans deux gros bassins, dont l’un est plein à craquer, les mangues triées y sont entassées.

Chaque bac est muni de tuyaux d’évacuation par lesquels un liquide noirâtre dégouline. Sur les lieux, de la puanteur à couper le souffle se dégage. M. Fayama soutient que ce système est mis en place pour récupérer la peau de la mangue et la transformer en engrais organique. Une initiative encore méconnue dans beaucoup d’unités de séchage qui continuent de déverser les résidus de la mangue dans la nature. A l’USDF par exemple, cette idée de fabrication d’engrais n’est pas, pour le moment, à l’ordre du jour, de l’avis de M. Sanon. A quelques encablures de l’unité, gisent toujours au sol des tas de mangues triées en état de putréfaction.

A l’image de ces deux unités de séchage, elles sont une vingtaine implantées dans la ville de Orodara. A écouter nombre de producteurs de mangues, la prolifération de ces unités a résolu un tant soit peu la question de la commercialisation. « Grâce aux unités de transformation, la mangue ne pourrit plus à Orodara », se réjouit André Traoré, l’un des producteurs. Et le président de l’Association interprofessionnelle de la mangue du Burkina (APROMAB), Paul Ouédraogo, de renchérir que ces unités ont fortement contribué à améliorer les prix de la mangue sur le marché.

25 unités de séchage à Orodara

Il se souvient encore des premiers pas des unités de séchage à Orodara dont il est lui-même le précurseur. « J’ai fait venir le séchage à Orodara, au sein de la Coopake, en 1994 et cela a engendré de nos jours 25 unités de séchage dans la ville », mentionne-t-il, avec un air de satisfaction. Et la joie du président de l’APROMAB ne s’arrête pas là car, avance-t-il, la pulpe de mangue qui était importée du Mali au profit de l’usine Dafani, sera produite sur place à Orodara à partir de 2021.

Le Directeur régional (DR) du commerce, de l’industrie et de l’artisanat des Hauts-Bassins, Sogh-Kélo Somé, lui, recommande aux promoteurs des unités de séchage de veiller sur la qualité de leurs produits.
Car, note-t-il, les Européens sont très exigeants en la matière.
En outre, il les exhorte à se faire connaître d’abord par les services techniques du ministère avant toute implantation et à se moderniser pour plus d’efficacité. A son avis, l’idée est de faire en sorte que par leur emplacement, ces unités semi-artisanales n’indisposent les riverains.

« Des réflexions sont en cours au niveau du département pour le choix des sites d’implantation des unités de séchage », renseigne le DR. Toutefois, les promoteurs de ces unités estiment n’être pas suffisamment soutenus par le gouvernement.
« L’Etat ne nous accompagne pas assez. C’est l’année passée qu’il a donné une table de conditionnement à chaque unité », relève Aboubacar Sanon de l’USDF.
A cet effet, il dit attendre une éventuelle aide des autorités pour davantage booster ses affaires. Sur ce point, le DR Somé rassure que des initiatives sont en train d’être prises pour accompagner les Petites et moyennes entreprises (PME) en termes d’équipements et de prêts. « Actuellement, il y a le fonds de relance COVID-19 et ces unités peuvent aussi postuler. Si ce sont des projets innovants, l’Etat va les accompagner », souligne-t-il.

Mady KABRE