Noix de cajou: Le second souffle de la filière    

                                                                                                                                    Les acteurs de la filière anacarde font face à la faiblesse des rendements des vergers, de la transformation et de la commercialisation de la noix de cajou. Ces multiples difficultés rendent la filière peu performante. Toutefois, la création du Conseil burkinabè de l’anacarde commence à donner un souffle nouveau à cette filière qui fait vivre des milliers de producteurs. Immersion dans un secteur en mutation !

Le cajou est aujourd’hui le 3e produit agricole à l’exportation, après le coton et le sésame, au Burkina Faso. L’anacardier constitue ainsi un enjeu économique pour le pays. Plus de 23 400 producteurs tirent leurs revenus dans le secteur, selon le Comité interprofessionnel de l’anacarde du Burkina Faso (CIA-B). Cette faîtière estime la production annuelle entre 100 000 et 120 000 tonnes. Mais, le hic, est que 10% seulement de cette production fait l’objet de transformation sur place. Aussi, les prix d’achat de la noix brute ne sont pas respectés sur le terrain. A entendre les acteurs, la faiblesse des rendements des vergers, ainsi que de la transformation et de la commercialisation de la noix de cajou plombe le décollage de la filière. Cependant, un vent nouveau commence à souffler sur ladite filière. Le Conseil burkinabè de l’anacarde (CBA) tient désormais l’avenir du secteur entre ses mains. C’est un établissement public de l’Etat à caractère économique qui a pour mission la régulation, le suivi et le développement des activités de la filière. Loin des vergers, la structuration de la filière se ficèle au siège du CBA, logé au 3e étage d’un immeuble, au centre-ville de Bobo-Dioulasso. En cette matinée du vendredi 30 octobre 2020, les premiers rayons solaires viennent d’apparaitre sur l’agglomération. Comme de coutume, le centre-ville commence à grouiller de monde. L’ambiance est particulière aux alentours du grand marché. Piétons, conducteurs de tricycles et de véhicules, cyclistes et motocyclistes se disputent le passage. Difficile de raisonner certains, de peur de « prendre » des injures « matinales ». C’est dans ce désordre que nous parvenons à nous frayer un chemin, pour respecter l’heure du rendez-vous avec le Directeur général (DG) du CBA, Joseph Zerbo. Au pied du bâtiment, des vigiles veillent aux entrées et sorties des différents services. Après les salutations d’usage et renseignements, ils nous orientent vers les escaliers qui mènent au 3e étage. Dans l’immeuble, l’ambiance est quasi religieuse. Seuls, quelques bruits des moteurs mêlés aux klaxons et cris nous parviennent par des fenêtres ouvertes. Une fois dans le bureau du DG, nous constatons qu’il n’est pas totalement aménagé. Certainement, la jeunesse de la structure en est une explication. Sa création date en effet du 9 mai 2019 par décret pris en Conseil des ministres. Quant à la nomination du DG et des membres du Conseil d’administration, elle remonte au 16 octobre 2019. Des explications de M. Zerbo, la création du CBA relève d’un constat : « une organisation insuffisante du marché ». En effet, les prix d’achat de la noix de cajou, dit-il, sont fixés par d’autres acteurs qui ne sont pas forcément des nationaux. Aussi, regrette-t-il, ces prix ne reflètent pas la réalité du terrain. Et de faire savoir que l’Etat en général et les acteurs en particulier, ne tirent pas assez profit du potentiel de la filière.

Un manuel élaboré

Au sujet des prix d’achat des noix, le président entrant de l’Union nationale des producteurs d’anacarde (UNPA), Abdoulaye Traoré, confirme que les acheteurs ne les respectent pas. « Le prix plancher n’a jamais été respecté », indique -t-il. A titre d’exemple, explique M. Traoré, cette année, le prix est fixé à 330 F CFA. « Mais sur le terrain, le produit s’achète à 275, 260 voire 250 F CFA le kilogramme », précise-t-il. Mais cette année, le président de l’UNPA pointe d’un doigt accusateur, en partie, la maladie à coronavirus. Ces dysfonctionnements dans la filière expliquent la « naissance » du CBA. C’est l’argent des prélèvements de 25 F CFA/kg sur les exportations de la noix de cajou brute, depuis 2018, par l’Etat, qui a permis sa création.

Le respect des prix d’achat reste ainsi un chantier qui attend la structure. En effet, le CBA doit contribuer à la mise en place d’un mécanisme de fixation de prix bord champ minimum garanti aux producteurs, et veiller au respect de l’application de ces prix. Selon son DG, en une année de fonctionnement, les lignes commencent à bouger. Un manuel de procédures administratives, comptables et financières est élaboré, dit-il. « Au-delà de cela, nous sommes en train d’élaborer notre plan stratégique de développement du Conseil burkinabè de l’anacarde », ajoute M. Zerbo. Les urgences aujourd’hui, confie-t-il, « c’est que nous sommes venus trouver une faitière qui se débrouillait tant bien que mal, avec des ressources qu’elle avait à travers les cotisations, pour pouvoir mener à bien un certain nombre d’activités ». C’est pourquoi, poursuit-il, dans le cadre du programme d’activités 2020 du CBA, des ressources financières sont mises à la disposition des maillons (les producteurs, les commerçants et exportateurs ainsi que les transformateurs). La mise à disposition de ces ressources s’est faite à travers une convention de subvention des activités internes des faîtières et des activités de fonctionnement à travers l’interprofession qui est garante de la bonne utilisation desdites ressources. Les financements reçus en 2020 par les différentes faîtières s’élèvent à plus de 500 millions F CFA, selon le DG du CBA. D’ailleurs, le président de l’Union des producteurs, Abdoulaye Traoré, confirme avoir bénéficié de ladite subvention. « Notre première tranche de financement s’élève à plus de 70 millions F CFA », révèle M. Traoré. « Il est important de noter que les activités pour lesquelles, on leur remet ces ressources sont contenues dans le programme d’activités du Conseil. Nous avons un programme d’activités global dans lequel un certain nombre d’activités sont ciblées qui, à notre sens, peuvent être menées par les acteurs eux-mêmes. Nous avons fait le point de ces activités qui doivent contribuer à l’atteinte de la mission du CBA », souligne le DG du CBA.

L’amélioration des rendements, un défi

Parmi ces activités, figurent entre autres, le fonctionnement du secrétariat permanent de chaque maillon et celui de son siège. « Pour pouvoir mener à bien notre mission, nous en tant que structure centrale, il y a des activités pour lesquelles, il faut avoir des relais », fait savoir M. Zerbo. Les acteurs eux-mêmes, ajoute-t-il, sont des relais sur la vision que « nous allons donner pour qu’ils soient des acteurs de transmission d’un certain nombre d’actions que nous voulons faire. Toutes ces actions sont dans cette convention de subvention qui leur permet de tenir leur réunion statutaire, de s’organiser, de faire des missions, etc. ». Et de préciser que pour une question de suivi, ces ressources sont données par tranches trimestrielles.

Par ailleurs, l’amélioration des rendements des vergers reste également un défi pour le CBA. Pour le relever, la structure sollicite la contribution de la recherche scientifique. Ainsi, dans le cadre de la mise en œuvre de son programme d’activités 2020, le Conseil burkinabé de l’anacarde a signé, le mercredi 12 août dernier à Bobo-Dioulasso, une convention de partenariat avec la direction régionale de l’Ouest de l’Institut de l’environnement et de recherches agricoles (INERA), sise à Farako-Bâ. Ce partenariat vise l’amélioration du rendement de l’anacardier et la qualité des noix de cajou, afin de rendre la filière davantage performante. C’est un appui financier de 30 millions F CFA pour les cinq mois (août à décembre 2020), révèle, Vianney W. Tarpaga, coordonnateur du Centre national de spécialisation fruits et légumes à l’INERA. « Ce sont des fonds publics et la gestion est confiée à l’INERA qui se charge de financer les activités validées dans la convention. Il y a un dispositif de suivi qui est mis en place par le CBA et l’INERA », dit-il. La signature de ce partenariat vise à enrichir la collection de recherche de l’INERA qui se situe à deux niveaux à la station de Farako-Bâ et de Banfora. De ses explications, la collection est un regroupement de spécimens d’anacardiers qui ont une valeur scientifique. « Cette valeur peut être son niveau de rendement qui est au-delà de ce que les arbres produisent, ou de sa résistance aux maladies. Par exemple, on peut se rendre compte que dans une zone, certains arbres sont attaqués par une maladie donnée, vous avez un arbre qui est au milieu et qui échappe à cette maladie. Quand c’est comme cela, l’arbre présente un intérêt particulier. Ce sont ces arbres que nous prenons et mettons dans la collection de recherche. C’est comme un réservoir de bon matériel où nous allons tirer progressivement ce dont nous avons besoin pour améliorer cette espèce au fil des années. C’est ça la collection de recherche », souligne M. Tarpaga.

Que le fonds devienne consistant !

 Et d’indiquer qu’il est prévu ensuite de sécuriser cette collection. « Au sein des stations de recherche, nous n’avons pas de sécurité parce qu’elles sont des passoires. Elles ne sont pas clôturées. N’importe qui rentre et ressort. Pendant que vous voulez évaluer le potentiel de production de l’arbre, on vient vous subtiliser les noix nuitamment. Vous avez ainsi des difficultés à quantifier ce que le jeune arbre que vous avez mis en terre donne. Pour avoir des données fiables, cette convention va nous permettre de sécuriser ces plantations (…) ».

En plus, Vianney W. Tarpaga trouve que la convention est la bienvenue. C’est la toute première fois que « nous recevons des fonds publics pour conduire la recherche sur l’anacardier. Depuis 2011, nous sommes sur l’amélioration variétale de l’anacardier, mais cela a toujours été avec l’appui des financements extérieurs, notamment la coopération allemande ou des fonds compétitifs où il faut écrire les projets, aller soumettre à compétition, recevoir des subventions pour pouvoir faire le travail ».

Par ailleurs, M. Tarpaga estime que le champ de la recherche est vaste. « Il ne se limite pas au développement du matériel. Il y a beaucoup d’autres aspects, notamment la transformation de la matière première, les sous-produits de l’anacardier. Il y a beaucoup de sous-produits qui ont plus de valeur que la noix, il faut travailler à les valoriser », précise-t-il. Ce sont d’autres champs de recherche, reconnaît M. Tarpaga, notamment le domaine énergétique. Et de révéler qu’il y a une substance au niveau de la coque qui a une haute valeur énergétique et qui peut être valorisée avec plus de recherche dans ce domaine. C’est pourquoi, il souhaite que ce fonds devienne consistant afin que plusieurs maillons puissent être intéressés. « C’est comme ça qu’on pourrait aboutir à une filière qui contribue significativement au développement économique du Burkina Faso », conclut-il.

Boubié Gérard BAYALA

gbayala@ymail.com


La filière anacarde en quelques chiffres

« La filière anacarde compte 23 425 producteurs regroupés en plus de 647 groupements et coopératives. 45 000 ménages agricoles tirent l’essentiel de leurs revenus de la vente de la noix de cajou. Les quatre principales régions productrices sont les Cascades avec 40%, le Sud-Ouest, 30%, les Hauts-Bassins, 20% et le Centre-Ouest avec 10%. Plus de 255 000 hectares sont emblavés. Et la production annuelle varie de 100 000 à 120 000 tonnes l’an ».

Sources : CIA-B et CBA

B.B.G.


  Le Burkina Faso ne dispose pas de variétés d’anacardiers

 « Pour le moment, nous n’avons pas de variétés d’anacardiers au Burkina Faso. Ce sont des arbres qui ont été introduits ici avec pour objectif, de protéger l’environnement. Juste des plantations de couverture. Quand on dit une variété, cela signifie que vous avez une production homogène à tout bout de champ dans votre plantation. Nous avons par exemple, des variétés de manguiers, orangers, bananiers. Mais pour ce qui concerne l’anacardier, nous n’en avons pas. Dans d’autres pays, il y en a. Vous entendrez parler de la variété jumbo au Brésil. Ce n’est qu’au cours de cette dernière décennie que la recherche a commencé notamment en Afrique de l’Ouest. Il y a ceux qui sont en avance et ont commencé à sortir leurs premières variétés, à l’image du Ghana ou peut-être de la Côte d’Ivoire. Au Burkina Faso, nous sommes sur la voie d’aller aux premières variétés. Ce que les producteurs ont, nous les appelons des cultiva, écotypes. On ne peut pas leur conférer l’appellation variétés. C’est un mélange, vous verrez des pommes jaunes, rouges, mélangés au sein du même verger. Il faut un long travail avant d’aboutir aux variétés ».

Source : Vianney W. Tarpaga

B.B.G.


24 unités de transformation d’anacarde d’ici à 2024

« Aujourd’hui, le taux de transformation se situe autour de 10%. Avec la mise en place de « Initiative anacarde », il faut passer à 45% d’ici à 2024. Il faut une réorganisation d’un certain nombre d’actions pour pouvoir transformer au moins 45% de la production locale. Dans l’élaboration de notre programme d’activités, nous avons pris en compte cet outil. D’ici à 2024, il est prévu la mise en place de 24 unités de transformation d’anacarde. 18 unités de transformation de la noix et 6 unités de transformation de la pomme qui n’est pas encore assez valorisée. La pomme peut être valorisée. On peut faire du jus avec, de la confiture, du vin. Toutes ces études sont déjà disponibles. Les études ont montré que lorsqu’on transforme dix tonnes de noix brute de cajou, on crée un emploi permanent ».

Source : DG du CBA

B.B.G.


Vianney W. Tarpaga, coordonnateur du Centre national de spécialisation fruits et légumes

  « Vous ne pouvez rien réussir, sans une contribution de la recherche »

Le coordonnateur du Centre national de spécialisation fruits et légumes à l’INERA, Vianney W. Tarpaga, revient sur les détails du partenariat entre le CBA et l’INERA, dans la structuration de la filière anacarde, au cours de cette interview réalisée le 31 octobre 2020 à Bobo-Dioulasso.

 Quel peut être l’apport de la recherche dans la structuration de la filière anacarde ?

Vous ne pouvez rien réussir, quel que soit le domaine d’activité, sans une contribution de la recherche. Le rôle de la recherche est d’abord de déblayer le terrain, identifier ce qui peut être des obstacles à votre projet et proposer des solutions, anticiper, afin d’avancer avec beaucoup plus de chances de réussir. En ce qui concerne la filière anacarde, c’est ce qu’il fallait faire. Pendant longtemps, cette filière était un peu laissée à elle-même, parce qu’à l’origine, l’anacardier a été introduit comme plante de reboisement, pour juste prévenir la dégradation de l’environnement. C’est avec le temps, petit à petit, que la noix a commencé à prendre de la valeur. Elle est devenue une filière porteuse. Les producteurs tirent quelque chose de leurs plantations malgré le fait que ces plantations ont été constituées avec du matériel non ciblé, sélectionné pour cette production. La recherche viendra comme le moyen d’accompagner cette filière, pour tirer vraiment la meilleure partie de son potentiel. Et tout commence par le matériel végétal, parce que c’est la plante que vous devez mettre en terre pour tirer tout ce que vous pouvez imaginer comme produits et sous-produits de cet arbre. Donc, la convention avec CBA est axée sur un certain nombre d’activités qui visent à renforcer la capacité de l’INERA à donner à terme, du matériel végétal de qualité, c’est-à-dire des arbres productifs aux producteurs. La recherche tentait de faire quelque chose pour cette filière avec l’appui de partenaires extérieurs, notamment la coopération allemande. On avait déjà initié des prospections de collecte de matériel végétal qui consiste à faire des enquêtes auprès des paysans dans leurs vergers, pour voir le potentiel des arbres. Cela nous avait permis d’initier la constitution de collection de recherches. Et le CBA dans sa convention, nous a donné la possibilité de consolider cette collection, qui est un lot d’arbres dont nous estimons avoir un potentiel hautement productif pour les futurs vergers. Voilà un peu le cœur de la convention, qui est de consolider cette collection.

Après la signature de la convention, qu’est-ce qui a été concrètement fait sur le terrain ?

La convention a été signée en août 2020, pour courir jusqu’en décembre, avec des perspectives de renouvellement sur des périodes plus longues. Ce qui a été inscrit dedans en détail, c’est d’enrichir la collection de recherche de l’INERA qui se situe à deux niveaux à la station de Farako-Bâ et de Banfora. Il est prévu ensuite de sécuriser cette collection. C’est vrai, au sein des stations de recherche, nous n’avons de sécurité. Car, les stations sont des passoires. Elles ne sont pas clôturées et n’importe qui rentre et ressort. Pendant que vous voulez évaluer le potentiel de production de l’arbre, on vient vous subtiliser les noix nuitamment. Vous avez ainsi des difficultés à quantifier ce que le jeune arbre que vous avez mis en terre donne. Pour avoir des données fiables, cette convention va nous permettre de sécuriser ces plantations. Egalement une activité majeure va se faire en milieu paysan. On avait installé ce qu’on appelle le parc à bois qui est une plantation destinée aux pépiniéristes, une plantation où on a multiplié un certain nombre d’arbres que nous appelons des arbres élites, dont la productivité dépasse la moyenne de ce que les producteurs connaissent actuellement. C’est destiné aux pépiniéristes qui vont prendre le greffon sur ces arbres et multiplier par le greffage, donc produire des plantes greffées pour les producteurs. Ce sont les plus grands volets que cette convention va permettre de réaliser.

Que peut-on comprendre par la collection de l’INERA?

La collection est un regroupement de spécimens d’anacardiers qui a une valeur scientifique. Cette valeur peut être son niveau de rendement qui est au-delà de ce que les arbres produisent, ou la résistance aux maladies. On peut se rendre compte par exemple que dans une zone, certains arbres sont attaqués par une maladie donnée, vous avez un arbre qui est au milieu et qui échappe à cette maladie. Quand c’est comme ça, c’est cet arbre qui présente un intérêt particulier. C’est un ensemble d’arbres comme ça, spécifiques, que nous prenons et mettons dans la collection de recherche. C’est comme un réservoir de bon matériel où nous allons tirer progressivement ce dont nous avons besoin, pour améliorer cette espèce au fil des années. C’est ça la collection de recherche.

Comment le CBA vous soutient-il ?

C’est un appui financier de 30 millions F CFA pour les cinq mois. Ce sont des fonds publics et la gestion est confiée à l’INERA qui se charge de financer les activités qui ont été validées dans la convention. Il y a un dispositif de suivi qui est mis en place par le CBA et l’INERA. La convention est la bienvenue. C’est la toute première fois que nous recevons des fonds publics pour conduire la recherche sur l’anacardier. Depuis 2011, nous sommes sur cette amélioration variétale de l’anacardier, mais cela a toujours été le cas, avec l’appui de financements extérieurs, notamment la coopération allemande ou de fonds compétitifs, où il faut écrire les projets et aller les soumettre à compétition, recevoir des subventions pour pouvoir faire le travail. C’est un geste à saluer.

Interview réalisée par

Boubié Gérard BAYALA

 

« Nous sommes venus trouver une filière qui a beaucoup de defis à relever », Joseph Zerbo, DG du CBA

 Le directeur général du Conseil burkinabè d’anacarde (CBA), Joseph Zerbo, donne dans cette interview, réalisée le 30 octobre 2020 à Bobo-Dioulasso, quelques raisons de la structuration de la filière anacarde.

Pouvez-vous nous présenter le Conseil burkinabè de l’anacarde ?

Le Conseil burkinabè de l’anacarde est un établissement public de l’Etat à caractère économique, avec pour mission principale la régulation, le suivi et le développement des activités de la filière anacarde au Burkina Faso. Le CBA a été créé en mai 2019 par décret pris en Conseil des ministres. Mais la mise en place de ses organes dirigeants a eu lieu le 16 octobre 2019 avec la nomination des administrateurs, du Président du Conseil d’administration et du Directeur général. La création du CBA relève d’un constat. Nous avons constaté une organisation insuffisante du marché. En effet, les prix d’achat étaient fixés par d’autres acteurs qui ne sont pas forcément des nationaux. Il a été constaté que ces prix ne reflétaient pas la réalité du terrain. Mieux, malgré le potentiel de la filière, l’Etat de façon générale et les acteurs de façon spécifique, n’arrivaient pas à en tirer assez profit. Il fallait donc créer une structure chargée spécifiquement de la filière. Cela a été fait, parce que dans le Plan national de développement économique et social, il a été indiqué qu’il faut davantage organiser les filières porteuses. C’est ce qui a prévalu à la mise en place du Conseil burkinabè de l’anacarde qui est placé sous la tutelle technique du ministère de Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat et la tutelle financière du ministère de l’Economie, des Finances et du Développement ; avec son siège est à Bobo-Dioulasso.

Quels sont ses organes de gestion ?

Nous avons le Conseil d’administration. Sa structuration sort de l’ordinaire, car il est composé des acteurs directs de la filière anacarde. Il s’agit des faîtières nationales des producteurs, des commerçants/ exportateurs et des transformateurs. En plus de ces trois, il y a le Comité interprofession de l’anacarde du Burkina. Ces quatre faitières sont membres du Conseil d’administration. Au niveau de l’administration centrale, nous avons quatre acteurs majeurs qui sont représentés. Deux administrateurs représentants le ministère en charge du commerce et de l’industrie, un représentant le ministère en charge des finances, et un représentant du ministère en charge de l’agriculture. Le personnel du CBA y est aussi représenté par une personne. Le Conseil d’administration est composé au total de neuf (09) membres administrateurs. Comme vous le constatez, les membres sont au nombre de quatre pour les acteurs directs de la filière, ainsi que pour l’administration publique. C’est donc un Conseil d’administration équilibré pour que tout ce qui se décide comme action puisse se faire de façon participative et inclusive. C’est cette instance qui donne les orientations sur ce que la direction générale doit faire. Le programme d’activités est adopté par le Conseil d’administration et est soumis aux deux ministres de tutelle qui le valident en dernière ressort.

Quelles sont les missions dévolues au CBA ?

Le CBA a pour mission, la régulation, le suivi et le développement des activités de la filière anacarde au Burkina Faso. A ce titre, il est chargé, entre autres de : contribuer à la mise en place d’un mécanisme de fixation de prix bord champ minimum garanti aux producteurs et veiller au respect de l’application de ces prix ; élaborer et faire respecter des codes de bonne conduite au sein de la filière anacarde ; instruire  les demandes d’agréments des acteurs de la filière ; veiller au respect des principes et règles régissant les activités de la filière notamment en matière de commercialisation des produits de la filière.

En ce qui concerne la mise en place d’un mécanisme de fixation du prix minimum garanti aux producteurs, le processus de recrutement d’un consultant est déjà assez avancé et nous espérons que les conclusions de cet important travail seront disponibles en 2021. Pour veiller au respect du prix minimum garanti, il est prévu que nous mettions en place des agréments professionnels notamment pour les acheteurs et les exportateurs de la noix brute ; toute chose qui devrait permettre de professionnaliser davantage les acteurs et de les répertorier dans une base de données.

Pour qu’une filière puisse prospérer, il faut une alliance stratégique entre les acteurs des différents maillons de la filière. L’avantage spécifique de la mise en place du CBA, c’est que les prélèvements qui ont été instaurés par l’Etat sur les exportations et réexportations de la noix brute de cajou sont réinjectés dans la filière pour son développement. Le montant prélevé est de 25 F CFA par kg sur la noix brute à l’exportation pour la campagne 2020.

Comment se porte aujourd’hui la filière anacarde ?

Vous savez, le CBA a été créé, il y a seulement une année. La nomination du DG et des administrateurs s’est effectuée, le 16 octobre 2019. Nous avons à peine une année de fonctionnement, mais déjà, lorsque vous êtes en charge d’une structure de telle envergure, il faut ménager sa monture. Il faut d’abord écouter les uns et les autres, voir les partenariats qui existent surtout, élaborer des outils de gestion et de management. Aussi, il est important de disposer des données fiables qui reflètent la réalité du terrain. Voici donc les principaux éléments sur lesquels nous nous sommes appesantis pour cette première année. Aussi, nous avons déjà élaboré un manuel de procédures administratives, comptables et financières. Au-delà de cela, nous sommes en train de finaliser le processus recrutement d’un cabinet qui sera chargé d’élaborer le plan stratégique de développement du Conseil burkinabè de l’anacarde. De la même manière que le pays s’est doté du PNDES pour donner la vision d’ensemble du développement, c’est de cette même manière que le CBA va se donner les moyens pour se doter d’un document qui donne sa vision sur une période d’au moins 5 ans. Tout cela, dans l’esprit que chaque partie prenante puisse apporter sa contribution afin qu’à terme nous puissions travailler non seulement dans la même direction et dans surtout dans même sens. En principe, ce document d’orientation sera précédé d’un diagnostic qui permettra d’avoir une situation de référence. La situation de référence est un élément important pour assurer un bon suivi-évaluation des différents indicateurs. Il faut faire une situation pour savoir qu’en 2020, la situation était à ce stade et en 2025 on veut qu’elle soit à tel niveau.

Toutefois, vous conviendrez avec moi qu’avant que ce document stratégique soit finalisé, il faut que nous apportons quelques solutions aux préoccupations urgentes des acteurs de la filière. C’est dans cette optique que nous avons élaboré un programme d’activités 2020 qui prend en compte le plan d’actions des différentes faîtières de la filière que sont l’UNPA-BF, ANTA-BF, UNCEA-BF et le CIA-B.

A votre prise de service, quelles étaient les urgences de la filière ?

 Nous sommes venus trouver une filière qui se portait relativement bien avec déjà l’organisation des acteurs directs en interprofession. Toutefois, les faitières ne disposaient pas de ressources financières suffisantes pour mener à bien leurs activités. Comme vous le savez, les cotisations dans les associations sont, dans la plupart des cas, dérisoires. Avec l’opérationnalisation du CBA, il a été convenu dans son programme d’activités 2020, de mettre des ressources directement à la disposition des maillons à travers l’interprofession qui est garante de la bonne utilisation desdites ressources. La mise à disposition de ces ressources s’est faite à travers une convention de subvention destinée essentiellement au financement des activités internes des faitières et au fonctionnement de leurs secrétariats permanents. La convention initialement signée va au-delà du demi-milliard FCFA pour cette année 2020. Il est important de noter que les activités auxquelles sont destinées ces ressources sont contenues dans le programme d’activités du Conseil. Nous avons un programme d’activités global dans lequel un certain nombre d’activités ont été ciblées, qui à notre sens, peuvent être menées par les faîtières elles-mêmes. Nous avons fait le point de ces activités qui doivent contribuer en principe à la réalisation de la mission du CBA.

Pour pouvoir mener à bien notre mission en tant que structure d’envergure nationale, il y a des choses pour lesquelles il faut avoir des relais. Les faîtières devraient constituer ces relais en termes d’information sur le terrain pour partager auprès des acteurs à la base, les actions et orientations du CBA. Toutes ces actions sont dans cette convention de subvention qui leur permet de tenir leur réunion statutaire, de s’organiser davantage, de faire des missions, etc. Pour une question de suivi, ces ressources sont données par tranches trimestrielles.

A côté de cette subvention, il existe également des activités mutualisées que le CBA et les faîtières mènent conjointement ensemble.

Comme vous le constatez, nous travaillons conformément à l’esprit de notre slogan qui est : « CBA, la régulation au service du développement inclusif et durable des chaînes de valeurs ».

 A quoi va servir la convention entre l’INERA et le CBA ?

Notre programme d’activités se fait de façon collégiale. C’est ainsi que dans notre programme d’activités 2020, il a été clairement dit qu’il faut signer une convention avec les structures de recherche. Il y a une ligne budgétaire qui était prévue à cet effet. Dans l’opérationnalisation de cette ligne, nous avons décidé de commencer avec l’INERA. Nous avons approché l’INERA, et le problème qui nous a été posé est celui du rendement des vergers qui sont relativement faibles. Il s’agira donc pour l’INERA de voir dans quelle mesure il peut travailler pour améliorer le rendement des vergers. Selon les documents que nous avons exploités, le rendement des vergers au Burkina Faso se situe entre 350 à 400 kg à l’hectare alors que dans d’autres pays, il peut aller jusqu’à 1 000 kg à l’hectare. Sachant que nous ne pouvons pas tout faire, il nous est apparu important de nouer des partenariats stratégiques avec des structures spécialisées qui peuvent contribuer à résoudre des problèmes spécifiques de la filière. Dans la convention, l’INERA doit engager le processus d’élaboration d’un programme national de recherche sur le cajou.

 Interview réalisée par

Boubié Gérard BAYALA