Effondrement d’une école à Gogsé : les non-dits de l’inspection technique

Voici ce qui reste de l’école de Gogsé après le passage de la pluie.

L’école primaire de Gogsé dans la commune rurale de Toèghin (province du Kourwéogo, région du Plateau central) s’est effondrée, le 28 mai 2017, soit six mois trois jours après sa réception provisoire. Sur la base d’un rapport d’expertise qui révèle que l’infrastructure a cédé à la suite de causes naturelles, la Banque mondiale a encore réinjecté 20 millions FCFA pour rebâtir l’école après avoir décaissé plus de 22 millions FCFA pour l’édifice précédent. Cependant, une contre-expertise indépendante pointe de nombreuses irrégularités et indexe la qualité de l’infrastructure. Des cas de vol de ciment par les maçons ont été également signalés sur le chantier.

Le village de Gogsé dans la commune rurale de Toèghin a accueilli dans la joie une école primaire de trois classes flambant neuf, mettant à l’abri ses enfants qui apprenaient dans des classes sous paillotes. Le projet de construction de l’école a été financé par la Banque mondiale à travers le deuxième Programme national de gestion des terroirs, phase 3 (PNGT2-3). L’entreprise générale Afrique génie, retenue sur appel d’offres, a assuré l’exécution des travaux, d’un montant de 22 526 714 FCFA. Mais le bâtiment, réceptionné le 25 novembre 2016, s’est effondré le 28 mai 2017. Un rapport d’expertise fait ressortir que le bâtiment est situé sur un passage de vents violents. L’adjudicataire estime avoir respecté les normes de construction et n’écarte pas des cas de « sorcellerie » pour justifier la chute de l’école. Peu convaincu par ces justifications, nous avons décidé d’entendre les principaux acteurs et recueillir l’avis d’un spécialiste.

Après l’effondrement de l’école et à la demande de la Banque mondiale, le PNGT2 a sollicité l’expertise de la direction régionale du ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme du Plateau central. Ainsi, le 3 août 2017, le chef de service de l’Architecture, de l’Habitat et de la Construction de cette direction, Tégwendé Ouédraogo, s’est rendu sur les lieux, accompagné du comptable de la mairie de Toèghin, Anatole Ouédraogo et du conseiller municipal, Adama Tapsoba. L’équipe a analysé les éléments structuraux du bâtiment. Le rapport d’expertise issu de cette visite atteste de la bonne qualité de l’infrastructure. Ce document dont nous avons obtenu copie indique que les normes de construction ont été respectées à 98%. La seule anomalie signalée est la mauvaise qualité des longrines de la terrasse. Au-delà, l’expertise n’a pas permis de déterminer la ou les principale(s) cause (s) de la chute du bâtiment. « Il se pourrait que le bâtiment soit situé sur le passage d’un vent qui était très violent, causant sa ruine », conclut le rapport.

L’hypothèse du vent battue en brèche

L’édifice s’étant effondré, il y a des éléments que l’on se devait d’analyser. C’est le cas par exemple, de l’absence de joint de rupture sur la charpente. Le joint de rupture est constitué de deux murs séparés par un polystyrène. Il contribue à renforcer la solidité du bâtiment et permet de conserver, au moins, une partie en cas d’effondrement.
Par ailleurs, l’hypothèse du vent qui aurait emporté l’école est battue en brèche par les habitations en banco situées sur le même alignement que l’école, restées debout. De même, les classes sous paillote construites en 2013 dans les environs n’ont pas cédé aux intempéries. Certains villageois, perplexes face à cette hypothèse, rappellent que même leurs greniers livrés aux vents sont restés intacts. Pour sa part, Philippe Ilboudo, Président-directeur général de l’entreprise Afrique génie, maintient la thèse de la catastrophe naturelle.

Il suspecte également les Nioniossé (forgerons) d’avoir utilisé des pouvoirs mystiques pour orchestrer la chute du bâtiment dans le seul but de saboter son travail. Cette deuxième hypothèse se fonde sur le fait qu’au départ, il y a eu des tiraillements sur le choix du site. Mais finalement, les villageois se sont accordés et ont donné leur quitus aux autorités de construire l’école sur le site querellé. « Le rapport nous conforte. J’ai respecté le dosage comme il se doit et le suivi a été bien fait », se justifie Philippe Ilboudo. Des propos balayés du revers de la main par Boukari Tapsoba, Secrétaire général (SG) du Réseau d’action de veille citoyenne (RAVC), une organisation de la société civile de Toèghin qui a suivi les travaux de bout en bout. Il dit avoir alerté à plusieurs reprises l’entrepreneur et la mairie sur des cas de mauvaises exécutions de travaux sur le chantier.

Un raidisseur construit avec le fer de 8 sans un bon dosage
du béton ne peut donner qu’un tel résultat.

Il en veut pour preuve, la construction de raidisseurs (poteaux) sans utilisation de fer et le non-respect du dosage du béton. Aussi fait-il remarquer, le nombre de briques par sac de ciment n’a pas été respecté. « Ils (les briquetiers) confectionnaient 50 briques, voire plus, par sac de ciment, alors que la norme est de 35 à 45», dévoile-t-il. Outre ces imperfections, il dénonce le manque de suivi régulier des travaux par les contrôleurs. Au cours d’une rencontre avec les autorités municipales le 30 décembre 2020 et un autre entretien avec le maire de Toèghin, Idrissa Sawadogo, le 12 janvier 2021, il est ressorti qu’avant le démarrage des travaux, la mairie avait recruté un consultant, pour assurer cette mission de contrôle. Mais à la dernière minute, il s’est vu remplacer par un technicien de la marie du nom de Kaly Michel Son, au prétexte que le consultant n’est pas passé signer son contrat à temps.

« Quand on gagne ce genre de marché, on vient se faire notifier avant le début des travaux. Mais l’entreprise était prête et le contrôleur n’était pas là. En fin de compte, nous n’avons pas signé de contrat avec lui. Il a été remplacé par un technicien de la marie », relate Ibrahim Soro Paré, responsable des marchés à la mairie de Toèghin. Que se cache-t-il derrière cette décision de la mairie ? Pourquoi l’entreprise a-t-elle précipité les travaux sans l’aval du consultant? Où était le consultant au moment où la mairie avait besoin de lui ? Autant de questions que nous avons posées aux autorités municipales sans obtenir de réponse. Toutes nos tentatives pour avoir l’identité et le numéro de téléphone du consultant afin d’entrer en contact avec lui ont été infructueuses. La réalité de ce recrutement reste donc à prouver.

Des receleurs de ciment passent aux aveux

Profitant des absences répétées des contrôleurs sur le chantier, les ouvriers se livrent au pillage. A en croire Boukari Tapsoba, il y a eu des vols de ciment, par les maçons, sur le chantier. « Ils revendaient les sacs de ciment sur place, moins cher, à la population », mentionne-t-il. Un ouvrier ayant requis l’anonymat, par crainte de représailles, confirme les propos de M. Tapsoba sur les cas de vol et de recel de ciment. Au cours de nos investigations, trois individus dont deux receleurs, sont passés aux aveux, également sous le couvert de l’anonymat. L’un témoigne qu’il s’est offert le ciment (CPA45) à 3 000 FCFA l’unité et l’autre à 3 500 FCFA l’unité. Sur le marché local, le même produit se négocie entre 5 500 et 6 000 FCFA l’unité. Craignant pour leur sort en cas de poursuites judiciaires, ils refusent de dévoiler les quantités approvisionnées.

« Du moment où nous en avons acheté, permettez-nous de ne pas aller dans les détails», supplient-ils. Un particulier avoue qu’il s’est procuré 5 sacs à 12 500 FCFA, soit 2 500 FCFA l’unité, pour satisfaire ses propres besoins. Malgré ces aveux, aucune plainte n’a été déposée à la police ou à la gendarmerie contre X. A écouter Boukari Tapsoba, les OSC ont joué leur rôle de veille citoyenne au cours de la construction de cette école. Il explique en substance que des équipes de contrôle se relayaient chaque jour sur le chantier, naturellement sans divulguer les raisons de leur présence sur les lieux à qui que ce soit. « On envoyait quelqu’un surveiller les travaux du matin jusqu’au soir, à la descente », souligne-t-il. Cette démarche citoyenne leur a permis, selon lui, de recenser un certain nombre d’irrégularités et d’interpeller du même coup les autorités sur les mauvaises pratiques. « Comme les contrôleurs ont dit que le bâtiment est bien construit, que pouvons-nous dire de plus ? », s’interroge, l’air triste, Sibila Paul Ouédraogo, chef du village, par ailleurs président du Conseil villageois de développement (CVD) de Gogsé.

Dans le cadre de cette enquête, nous nous sommes attaché les services du technicien en bâtiment, Théophane Jean-Marie Gbangou, par ailleurs directeur général de l’entreprise de construction Arch’ Service international (ASI), spécialiste dans le suivi-contrôle des travaux de construction. Pour ce faire, il se rend sur les ruines du bâtiment le samedi 30 avril 2021 pour réaliser une contre-expertise. Il passe ainsi au scanner tous les éléments structuraux du bâtiment. En les examinant minutieusement, il détecte de nombreuses anomalies. Ses propos confortent les accusations de Boukari Tapsoba qui a, auparavant, relevé plusieurs failles affectant la qualité de l’infrastructure. Le technicien démontre, avec preuves à l’appui, que les normes de construction sont foulées aux pieds par l’entrepreneur.

Sa conviction est que ces manquements graves ne peuvent pas échapper à la vue des contrôleurs, a fortiori le technicien mandaté par les autorités pour faire la lumière sur cette sombre affaire. A son avis, il y a anguille sous roche. « Pour moi, il y a une complicité entre les contrôleurs et l’entrepreneur, sinon ils auraient pu détecter les failles qui sont visibles partout dans le bâtiment», fustige-t-il. Contacté, l’agent du PNGT2 chargé de suivre l’exécution du projet, Noufou Dahani, après plusieurs rendez-vous manqués, a finalement décidé de ne pas se prononcer sur le sujet. Même refus chez le directeur régional en charge de l’habitat du Plateau central qui a décliné nos rendez-vous.

Construit avec des morceaux de fer

Les hypothèses de vent et de la « sorcellerie » (Nioniossé) sont fragilisées par le rapport du spécialiste. Le rapport dressé par le technicien en bâtiment, Théophane Jean-Marie Gbangou, fait ressortir que les fers à béton utilisés sont de mauvaise qualité. La plupart des fers sont en recouvrement. Pis encore, ces recouvrements sont mal faits. Le

Le maire de Toèghin, Idrissa Sawadogo : « De nos jours, c’est très rare d’avoir un bâtiment sans fissures ».

recouvrement est la technique de prolongement du fer par un autre. Il est fait de telle sorte que les deux bouts s’emboîtent jusqu’à une distance d’environ 30 cm. Or, dans le cas d’espèce, on se retrouve avec des recouvrements d’environ 5 à 6 cm. «Dès qu’il y a un mouvement, le fer qui vient recouvrir n’arrive pas à jouer le même rôle que le fer initial. Et cela est visible un peu partout dans le bâtiment. C’est l’un des facteurs ayant causé sa chute », relève M. Gbangou.

Les raidisseurs (poteaux) recouvrés sont vulnérables au moindre choc. « Si un raidisseur est recouvré deux ou trois fois, c’est sûr qu’il ne peut plus avoir sa force initiale », affirme le technicien. Des raidisseurs porteurs sont construits avec du fer à béton de dimensions différentes. En dehors de ceux situés le long de la façade du bâtiment qui sont en fer de 10, les autres sont en fer de 8. A en croire Théophane Gbangou, le fer de 10 est pourtant recommandé à tous les niveaux. Chose curieuse, certains raidisseurs situés le long de la façade n’ont pas de fondation. C’est à partir du chainage qu’ils débutent. Comme si cela ne suffisait pas, on enregistre des raidisseurs construits sans utilisation de fer. De plus, sur les angles, le chainage venant du côté de la largeur et celui venant du côté de la longueur ne se joignent pas correctement de manière à former un lien solide.

« Ils sont libres de part et d’autre », fait remarquer le technicien en bâtiment. Par conséquent, s’indigne-t-il, « il n’y a pas de raison que le bâtiment ne cède pas ». Des fers censés supporter le même poids ont des sections différentes. Et ce n’est pas la fin des surprises. La qualité des agrégats constitue une autre paire de manches. Le technicien Gbangou indique que pour un tel projet, du quartz aurait dû être utilisé à la place du gravillon pour couler le béton. « Le béton est de très mauvaise qualité », constate-t-il. Théophane Jean-Marie Gbangou déplore en outre l’absence de béton d’arase sur la partie supérieure du bâtiment, niveau pente. De ses explications, c’est juste du béton de 20 cm x 20 cm qui a été coulé pour fixer les barres transversales. Le béton d’arase est un béton qui est coulé autour du périmètre du bâtiment avant de poser les tôles.

Pour le technicien, ces barres transversales communément appelées IPN devraient se reposer sur des platines ancrées dans ce type de béton et non pas dans « un béton de couronnement qui est armé » comme l’indique le rapport. D’après lui, dès que ce béton de 20 cm x 20 cm cède, tout le bâtiment s’écroule. Après l’installation des tôles, normalement un béton d’appui de tôles est coulé au-dessus de la toiture. Malheureusement, ce béton est inexistant. L’entrepreneur s’est juste contenté de briques taillées à certains endroits. « Ces briques ne peuvent pas être plus résistantes que le béton parce que les deux ne font pas le même travail », précise le technicien. En tous les cas, il se dit persuadé que l’entrepreneur a fait ce qui lui convient. « Ce n’est pas une incompétence, c’est un camouflage », tranche-t-il.

Du laxisme des membres de la commission

En se basant sur le rapport du ministère en charge de l’habitat selon lequel le bâtiment s’est effondré à la suite de causes naturelles, les autorités sont parvenues à convaincre le bailleur à refinancer la construction du bâtiment. Ainsi, la Banque mondiale décaisse une somme de 20 045 807 FCFA à leur profit. Plus de 22 millions FCFA ont permis de construire une infrastructure manifestement de mauvaise qualité. Une somme inférieure peut-elle suffire à faire mieux ? En tous les cas, la question reste posée. Sur ce, une autre entreprise dénommée Etablissement Sana Madi (ESM) a été retenue, sur un nouvel appel d’offres, pour l’exécution des travaux au détriment de l’entreprise générale Afrique génie. Cette fois-ci, la mairie a recruté un consultant en la personne de Daouda Bénin, spécialiste dans le suivi et contrôle des travaux de construction. La construction de ce nouveau bâtiment est soumise à un double contrôle.

De ce fait, le technicien Bénin est lui-même supervisé par les techniciens de la direction régionale en charge de l’habitat du Plateau central. L’entreprise ESM se met rapidement à la tâche. Seulement, elle sera confrontée au problème de choix des matériaux de construction. Car certains matériaux proposés dans le Dossier d’appel d’offres (DAO) ne sont pas adaptés et ne sauraient garantir la qualité de l’infrastructure. Le contrôleur Benin dénonce des insuffisances dans l’élaboration du DAO. Pour combler ces lacunes, il dit avoir mis la pression sur l’entrepreneur pour qu’il n’utilise pas de la camelote. Raison pour laquelle il a exigé que le fer de 8 recommandé dans le DAO soit remplacé par le fer de 10, étant donné que la différence, en termes de prix, n’est pas trop grande. « Vu ce qui s’est passé au niveau du premier bâtiment et aujourd’hui, avec la qualité des fers sur le marché, je lui ai conseillé le fer de 10 », suggère Daouda Bénin.

Des propos corroborés par l’entrepreneur Madi Sana qui reconnaît avoir accepté cette proposition, à contrecœur. « Le fer de 8 proposé dans le DAO étant faible, j’ai fini par travailler avec le fer de 10 », avance-t-il. En ce qui concerne l’utilisation du ciment, l’entrepreneur a voulu remplacer le CPA45 proposé dans le DAO par le CPJ35. Le contrôleur Bénin s’y oppose. A l’issue de ce bras de fer, l’entrepreneur Sana Madi a accepté travailler avec le CPA45. Il n’était pas non plus favorable à l’utilisation du quartz pour couler le béton au niveau des raidisseurs. Il était déterminé à travailler avec le gravillon. Finalement, il s’est ravisé. Au moment de la livraison de l’infrastructure à la commune, des problèmes pour le moins inattendus, surgissent. En effet, lors de la réception provisoire du bâtiment, les autorités ont été surprises de constater que des tôles Galva ont été installées à la place des tôles Alu zinc.

L’expert en bâtiment, Théophane Jean-Marie Gbangou, dénonce
des complicités entre les contrôleurs et l’entrepreneur.

En jetant un coup d’œil dans son dossier, il s’avère que l’entrepreneur a trompé les membres de la commission en proposant des choses différentes de ce qui est contenu dans le DAO. Ce changement de matériel leur a tous échappé. Ibrahim Soro Paré se défend en ces termes : « Comme l’entrepreneur sait que les gens ne prennent pas soin de lire son devis, il a dû faire un changement de matériel que la commission n’a pas remarqué ». A l’écouter, le bon sens aurait voulu que la commission procède à la vérification du matériel avant de valider son dossier. « Avant de lui donner le marché, nous devions nous assurer que son dossier était conforme à celui de la mairie », assure-t-il. Puis au contrôleur Daouda Bénin de renchérir: « Il a proposé ce qu’il pouvait faire. Donc, nul ne peut lui en vouloir pour ça». Cette mutation a valu une sanction contre Sana Madi.

Il a été sommé de construire un local pour compenser les pertes subies par la mairie. Cette maisonnette devrait servir de magasin ou de bureau pour le directeur de l’école. Madi Sana affirme que ce local lui a coûté plus de 500 mille FCFA. Il dénonce, par ailleurs, une rétention illégale de 500 mille FCFA sur sa solde pour 10 jours de retard. Le contrôleur Daouda Bénin conseille de veiller, à l’avenir, sur la conformité des dossiers afin d’éviter les incompréhensions, sources de conflits inutiles. « Il y a des gens qui ne font pas honnêtement leur travail », fustige-t-il. A l’entendre, ce type d’attitudes déteint sur l’intégrité de l’entrepreneur qui est, au final, accusé d’amateurisme ou de corruption.

Des fissures « normales »

Le nouveau bâtiment est déjà en situation de dégradation. La terrasse, construite au départ sans utilisation de fer, a été reprise. Parmi les nombreuses imperfections figure le non-respect des dimensions des ouvertures. Au départ, il était question de construire des fenêtres de 120 cm. Mais à l’arrivée, ce sont des fenêtres de 180 cm qui ont été construites. Une telle dimension, selon les spécialistes, n’est pas adaptée aux écoles. Cette erreur a également échappé à toute la chaîne. Que dire des fissures ? Les salles sont inondées, non seulement à cause de ces fissures sur les murs mais également du fait des nombreux trous qui sont apparus sur le toit. L’entrepreneur tente de colmater les brèches, mais il est souvent submergé par ces multiples réparations.

Entre-temps, les pommelles des portes ont lâché. Après avoir traversé deux bonnes saisons (2018-2019 et 2019-2020), on se demande si le bâtiment pourra encore supporter toutes les caprices de la nature. Pour parer à toute éventualité, le directeur de l’école, Ibrahim Gansonré, a pris les devants. « Lorsque la pluie se prépare, nous libérons les enfants », lâche-t-il, tout en précisant que «c’est une chance que le premier bâtiment soit écroulé un dimanche en l’absence des enfants ». L’entrepreneur Madi Sana et les autorités municipales semblent cependant minimiser les risques.

Pour eux, la présence des fissures sur le bâtiment est, somme toute, normale. L’entrepreneur Sana estime, pour sa part, qu’elles ne sont pas si importantes au point de provoquer un effondrement. Les autorités municipales, qui devraient en toute logique dénoncer ces mauvaises pratiques, essaient de justifier ces manquements graves. «De nos jours, c’est très rare d’avoir un bâtiment sans fissures», se convainc le maire de Toèghin, Idrissa Sawadogo. Un avis partagé par le responsable des marchés publics de la commune, Ibrahim Soro Paré qui déclare: « Les techniciens disent qu’il faut un temps pour que le bâtiment s’affaisse avant de prendre sa forme normale ». En lui posant la question de savoir si sa maison, à lui, s’est affaissée avant d’avoir sa forme normale, M. Paré restera muet comme une carpe.

En revanche, le Président-directeur général (PDG) de l’entreprise générale Afrique génie, Philippe Ilboudo, estime de son côté avoir accompli sa part de contrat. En tout état de cause, M. Ilboudo soutient que son entreprise ne peut pas bâcler le travail sans s’attirer la foudre des techniciens. « Je remercie Dieu de ce que les rapports nous dédouanent », s’exclame-t-il. Ces derniers temps, les effondrements d’écoles sont devenus légion au Burkina Faso. Le cas de Dandé, dans les Hauts-Bassins, qui a causé cette année des blessés et même une perte en vie humaine, est illustratif de cet état de fait. Le Conseil des ministres, en sa séance du mercredi 16 juin 2021, a tiré sur la sonnette d’alarme sur la mauvaise qualité des infrastructures publiques. Pas moins de 170 infrastructures publiques dont 110 établissements scolaires, sont en situation de dégradation avancée. Et comme la pluie et le vent sont toujours là pour tester la qualité de ces infrastructures publiques, la saison pluvieuse risque de nous réserver encore des surprises.

Ouamtinga Michel ILBOUDO
Omichel20@gmail.com


Gogsé n’est pas un cas isolé dans le Kourwéogo

Elles sont nombreuses, les infrastructures éducatives du Kourwéogo qui se retrouvent dans cette situation inconfortable. Au Collège d’enseignement général (CEG) de Mouni dans la commune rurale de Niou, les bâtiments construits en 2016 sont dans un état de délabrement avancé. Si bien qu’en saison pluvieuse, les salles sont inondées. Pour remédier à ce problème, les villageois ont entrepris des travaux de réhabilitation qui ont permis de sauver cette infrastructure. A l’aide de goudron, ils ont réussi tant bien que mal à boucher les trous sur le toit. Un nouveau bâtiment construit pour renforcer les capacités d’accueil de l’école primaire du même village était inutilisable pour les mêmes raisons. Fort de ce constat, les villageois se sont mobilisés pour sauver cette infrastructure.

Dans le cadre de l’enquête parlementaire sur la qualité des infrastructures éducatives réalisée en 2017, les députés avaient exigé la démolition pure et simple des bâtiments délabrés pour éviter un drame. Mais faute de mieux, les villageois les ont conservés. Pourtant, le tout premier bâtiment de l’école primaire construit sous la Révolution ne présente aucune fissure. A Yimkouka dans la commune rurale de Toèghin, le même problème se pose avec acuité. En réalité, la qualité des infrastructures éducatives n’est pas du tout reluisante dans le Kourwéogo. Si des actions fortes ne sont pas entreprises pour remédier à ces problèmes, il est fort à parier que l’on continuera à inaugurer des infrastructures qui s’écrouleront comme des châteaux de cartes en saison pluvieuse.

O.M.I


Boukari Tapsoba en paie les frais

Boukari Tapsoba dit payer le prix de son engagement à défendre les intérêts de sa communauté. « J’ai dénoncé beaucoup de choses sur le chantier au point qu’un financement de 5 millions F CFA accordé à notre OSC par un partenaire Suisse pour organiser le cadre de concertation communal a été détourné par la mairie au profit d’autres OSC », témoigne-t-il avant de préciser: « L’argent devait passer par la mairie pour nous parvenir. Quand nous avons voulu chercher à comprendre, on nous a répondu que le maire est libre de choisir les OSC avec qui il envisage mettre en place le cadre de concertation ». Tout engagement a un prix. Reste à savoir jusqu’où M. Tapsoba pourra supporter les coups.

O.M.I