Agriculture hors-sol : Une solution pour manger bio

Les plants font tout leur cycle dans des supports en plastique.

La culture hors-sol (hydroponie) est une technique agricole qui se fait sans contact direct avec le sol. Au Burkina Faso, elle gagne de plus en plus du terrain surtout en milieu urbain et concerne principalement les légumes, les fleurs, les arbustes et les plantes médicinales produit sans engrais chimique. Pour comprendre davantage cette nouvelle forme d’agriculture, à fort rendement, nous avons rencontré le 20 mars 2021, à Loumbila, la présidente de l’Association pour la promotion de l’agriculture hors-sol au Burkina, Adjaratou Sanogo.

« L’agriculture hors-sol ou hydroponie est une culture où les plantes ne sont pas en contact avec le sol. Elles font tout leur cycle dans des substrats neutres comme les fibres de coco, les billes d’argile, les coques d’arachide… placés dans des supports en plastique.», explique Adjaratou Sanogo, présidente de l’Association pour la promotion de l’agriculture hors-sol au Burkina. Les plants, placés sous serre n’ont pas besoin d’engrais chimiques et de beaucoup d’eau. C’est une production bio. La serre est fabriquée avec du bois, de la moustiquaire, du sachet anti UV, etc. On peut produire le haricot vert, la tomate, l’oignon, le chou, des fruits… à tout moment de l’année. Le temps de maturité pour le concombre est de 45 jours, 2 mois pour le haricot vert. Ce type de culture peut se faire partout. A domicile, il suffit d’aménager un petit espace.

Une culture à fort rendement

Adjaratou Sanogo : « L’agriculture hors-sol offre des récoltes abondantes avec peu d’efforts
et d’investissement ».

Selon Mme Sanogo, l’hydroponie ne demande pas un grand espace et est rentable. Avec peu d’efforts et d’investissement, on peut récolter des produits bio en quantité et en qualité. « Une personne qui fait 100 m2 hors-sol peut avoir les rendements d’1 hectare sur sol. Il y a des serres de 200 m2 qui, bien suivies donnent 10 tonnes chaque trimestre. Si on investit par exemple 5 millions sur une serre de plus de 250 m2 par exemple, on peut solder une année et faire des bénéfices de plus de 5 millions », affirme-t-elle. La rentabilité est élevée, quatre fois plus que l’agriculture conventionnelle, annonce-t-elle. Cela est dû en partie, selon elle, aux substrats faciles à utiliser et fertiles.

C’est le cas des billes d’argile, substrats idéals qu’on trempe dans l’eau, on désinfecte, on nettoie et on les place dans les sachets. Ils peuvent servir à plusieurs récoltes. « Les plantes dans les billes sont plus robustes. Si par exemple le papayer nain en conventionnel donne 1 kilogramme, en hors-sol il peut donner 4 kilogrammes au bout de 6 mois », confie l’agricultrice.
C’est de la restauration que Mme Sanogo s’est lancée

dans l’agriculture hors-sol. Elle explique
« Je faisais de la restauration et pour pallier la pénurie de certains légumes, j’ai fait des recherches qui m’ont conduite à cette technique. Après avoir suivi des formations auprès des Béninois et des Ivoiriens, je me suis installée à mon propre compte en 2018 ». Avec peu de moyen, elle commence son activité à laquelle elle croyait fort. « Je suis le fruit de l’entreprenariat à zéro franc.

J’ai commencé par des bidons et des coques d’arachide que je payais à 500 FCFA le sac, avant d’arriver aux billes et aux sachets de cultures anti UV », révèle-t-elle. Aujourd’hui, Adjaratou Sanogo ne regrette pas son choix. Pour elle, la culture hors-sol est la solution pour produire toute l’année et éviter les pénuries. Et elle se sent réconfortée dans son choix et n’entend pas s’arrêter en si bon chemin.

Vulgariser la technique

Elle ne craint pas la concurrence et se dit prête à épauler tous ceux qui s’y lancent. Car pour elle, « l’agriculture hors-sol, c’est l’avenir ». D’où l’idée de la création du Centre international d’apprentissage en agriculture, «Badouha » (bénédiction de sa mère en langue dioula). La promotrice y dispense des cours en culture hydroponique, sur la fabrication de serre,  l’agriculture conventionnelle, la pisciculture, l’élevage, la production de l’engrais bio, l’hygiène, la transformation, le marketing digital… Le coût de la formation pour 4 mois est de 350 000 FCFA pour l’externat, 600 000 pour l’internat, 150 000 en ligne. Il est aussi possible de suivre une formation de 2 jours sur un module à 20 000.

Le centre a reçu au mois de mars dernier ses premiers apprenants nationaux et étrangers. Parmi lesquels Dahani Evelyne qui explique son choix par le fait que c’est une culture basée sur une production bio. « Si on veut manger bio, on doit se lancer dans ce domaine. J’attends beaucoup de cette formation et je veux être une experte et même dépasser Mme Sanogo », dit-elle. Rodrigue Bassané, lui, est un ingénieur des télécommunications.

Le Centre a reçu ses premiers apprenants qui espèrent
être des spécialistes dans la culture bio.

En plus de cela, il veut entreprendre dans l’agriculture hors-sol dans l’optique de créer une équipe en offrant ainsi des opportunités d’emploi à d’autres plus tard. Quant à Demulth Kipangou, Congolais vivant en France et administrateur de bases de données, il dit être impressionné par les réalisations de Mme Sanogo. « Je pense qu’il y a du potentiel aujourd’hui dans l’agriculture avec les nouvelles méthodes qu’elle utilise », croit-il. Mohamed Kané, de nationalité malienne, s’est retrouvé à l’Ecole Badouha sur conseil de son père qui avait déjà suivi la formation. Mme Sanogo travaille aujourd’hui avec une douzaine de personnes dont 10 femmes. Comme dans tout travail, elle rencontre des difficultés surtout dans le suivi des réalisations. Elle pense que certains clients qui sollicitent son expertise n’en font souvent qu’à leur tête.

« Certains d’entre eux ne respectent pas les heures d’arrosage des plantes qui se situent entre 6h et 8h30 du matin et entre 16h et 18h du soir. C’est à ces moments précis que les plants ont besoin d’eau. Les arroser en dehors de ces temps peut leur nuire », regrette-t-elle.
L’entrepreneure à des idées plein la tête. Mais pour le moment, elle souhaite achever la construction de son centre. Elle envisage l’installation de serres à louer dans les 13 régions du pays avec l’appui de certains partenaires.

Habibata WARA


L’agriculture hors-sol serait-elle une alternative à l’insécurité alimentaire au Burkina Faso ?

Selon les spécialistes, c’est une technique qui demande très peu d’investissement, mais est très rentable. Elle se fait sous serre ou à l’air libre. Que ce soit dans l’un ou l’autre cas, les supports sont des seaux, des bidons, des cuvettes, des sachets, des paniers, des sacs vides en plastique. Ce qui est fortement déconseillé, c’est l’utilisation de supports en métal à cause de l’oxydation que ceux-ci peuvent générer. Les plants se nourrissent d’engrais bio.
D’une part, la méthode permet de faire la promotion du bien-être et d’améliorer le revenu des populations qui sont généralement sans terre pour la production maraîchère en toute saison.
D’autre part, elle permet de produire sain et de consommer sain. Elle est une voie pour rendre disponible certains produits tout le long de l’année.
Elle est également une aubaine pour pallier la pénurie de produits maraichers causée par le déplacement de nombreux agriculteurs qui ont abandonné champs et jardins à cause de l’insécurité.
Aux dires des spécialistes, c’est une technique très facile à pratiquer. Tous s’accordent sur son fort rendement. Si tel est le cas, tout devrait être mis en œuvre pour sa vulgarisation au Burkina Faso afin d’améliorer la qualité nutritionnelle des ménages.

H. W.