Prise en charge des fistules obstétricales : ARENA redonne le sourire aux femmes

Talato Marie Ouoba, venue de Diapaga, dit être très soulagée par l’association ARENA.

L’association Renaissance (ARENA) a été créée en 2015 par un groupe d’agents de santé chrétiens. Son objectif est d’apporter la renaissance dans une vie pratiquement détruite par cette maladie qu’est la fistule obstétricale. Dirigée par le chirurgien Dr Itengré Ouédraogo, cette association se bat au quotidien pour restaurer la dignité des femmes victimes de fistules, et de façon gratuite.

L’association Renaissance (ARENA) a débuté ses activités en 2018 sous la devise « soigner une femme, restaurer une famille ». Sa mission principale est de travailler à garantir un accès continu aux soins, au profit des femmes qui souffrent de fistules obstétricales. En plus de la chirurgie réparatrice de l’appareil génital, les femmes bénéficient d’une prise en charge psychologique.

Nous sommes allés à la rencontre de Dr Itengré Ouédraogo, chirurgien et président de l’association Renaissance. Selon lui, la fistule obstétricale soumet environ 900 femmes à l’isolement et à la stigmatisation chaque année au Burkina Faso. Pour sensibiliser les populations à la prévention et orienter les victimes pour des soins, ARENA déploie ses volontaires sur le terrain, aidés par des responsables de structures sanitaires, afin de soulager ces femmes victimes de la maladie de la « honte ». De l’origine de la fistule obstétricale, Dr Ouédraogo explique : « Lorsqu’une femme tombe enceinte, il se peut que lors de l’accouchement, la tête du bébé soit plus grosse que le passage ou que la position du bébé soit mauvaise.

En ce moment, cette femme a besoin forcément d’une césarienne. Dans le cas contraire, plus la compression au niveau de la zone pelvienne progresse, plus l’irrigation du sang à ce tissu est coupée et il meurt. Du coup, ça provoque une grosse plaie, une destruction de la vessie ou du rectum qui communique avec le vagin ». C’est pourquoi, il conseille de permettre à toute femme qui a un travail d’accouchement prolongé, d’avoir rapidement accès à la césarienne pour éviter les complications.

Plus de 300 femmes opérées

ARENA se donne ainsi pour mission de travailler à ce que les femmes vivant avec la fistule obstétricale aient un accès au traitement chirurgical mais aussi aux autres affections cliniques qui environnent cette pathologie. Pour l’instant, l’association mène ses opérations au centre Larry Ebert parce qu’elle n’a pas encore son propre coin.

Sur le terrain, elle mène d’autres activités qui couvrent trois piliers principaux que sont la prévention, les traitements médico-chirurgicaux et la réintégration sociale. Depuis 2018, ARENA a opéré plus de 300 femmes. Pour celles qui sont toujours jeunes et en âge de procréer, l’association recommande une césarienne en cas de grossesse.

Selon Dr Itengré Ouédraogo, il y a des opérations bien plus complexes qui relèvent du domaine de l’urologie et qui peuvent s’appliquer aux femmes qui n’ont plus le contrôle de

Dopoéra Palé de Kampti est doublement victime de la fistule et du rejet de son mari.

leurs urines. Mais ces types d’opérations, fait-il savoir, doivent être faits avec un consentement éclairé de la femme et de sa famille. « C’est ce que nous appelons les dérivations urinaires qui doivent s’adapter au contexte culturel. Nous sommes en Afrique et il y a certains comportements qui ne sont pas culturellement acceptés. Il s’agit des opérations qui peuvent permettre à la femme d’uriner, mais par l’anus », mentionne le président de ARENA.

Au regard des résultats satisfaisants que l’association ne cesse d’obtenir, Dr Ouédraogo dit être reconnaissant à Dieu et à leurs partenaires qui ne ménagent aucun effort pour leur venir en aide. A ce propos, il précise que leur premier partenaire est le ministère de la santé qui a bien voulu leur donner l’autorisation d’exercer. Cependant, il reconnait qu’il faut des moyens financiers pour pouvoir prendre en charge les patientes. Pour le moment, c’est un partenaire américain qui leur apporte les moyens financiers, permettant ainsi de garantir la gratuité des soins. Le coût financier d’une prise en charge totale d’une femme victime de fistule peut s’élever à 500 000 F CFA, à en croire le chirurgien principal de ARENA.

Des victimes témoignent

Talato Marie Ouoba, originaire de Diapaga, souffre de fistule obstétricale.  Elle explique que c’est suite à une complication d’accouchement qu’elle en a été victime. « L’enfant est mort dans mon ventre et on a effectué une intervention à Diapaga qui n’a pas réussit. On nous a transférés à Fada N’Gourma où on a effectué une seconde intervention qui n’a pas aussi donné, puis une troisième sans succès.

C’est ce qui a provoqué la fistule chez moi », raconte Talato. C’est à l’issue de ces tentatives infructueuses qu’elle a été orientée vers ARENA pour une quatrième intervention. Onze jours après son opération, la patiente rassure qu’elle se sent bien. A l’entendre, les urines ne coulent plus et elle arrive à se soulager normalement comme avant. « Je n’ai rien payé pour l’intervention. Ma seule dépense a été mon transport pour venir à Ouagadougou », se réjouit Talato Ouoba.

Dopoéra Palé de Kampti est doublement victime de la fistule et du rejet de son mari.

Tout comme elle, Mamou Coulibaly est venue de Madiasso, dans la région des Hauts-Bassins, pour la même cause. Elle soufrait de ce mal depuis cinq ans. Deux interventions à Bobo-Dioulasso où elle a dépensé plus de 300 000 F CFA se sont soldées par un échec. Le non contrôle des urines persistait. Ayant eu vent de l’existence de ARENA, Mamou n’a pas hésité à faire le déplacement de la capitale Ouagadougou.

« L’opération a été un succès. Un mois après, je me porte à merveille », assure-t-elle, sourire aux lèvres. Minata Barro, elle, est venue de Toussiana pour trouver une solution à sa fistule obstétricale qu’elle traine depuis une dizaine d’années. L’incontinence de ses urines était son vécu quotidien. En 2017, elle devait subir une intervention à Ouagadougou mais par manque d’argent, elle n’a pas eu lieu. Le désespoir avait fini par s’installer en elle quand un jour, en début d’année 2021, elle apprend les actions salvatrices de l’association ARENA. « A mon arrivée, j’ai été bien accueillie et soignée. Les soins ont été gratuits et je ne sais comment remercier cette association », confie Minata.

Doublement victime

Quant à Dopoéra Palé, originaire de Kampti, dans le Sud-ouest, elle vit avec la maladie depuis une vingtaine d’années. C’est suite à l’accouchement compliqué de son premier enfant, qu’elle a perdu, que les incontinences urinaires ont commencé. Une situation qui a provoqué la séparation avec son mari. Grâce aux soins de Dr Ouédraogo et son équipe, Dame Dopoéra a retrouvé le sourire et se sent désormais femme. Egalement originaire de Kampti, Delphine Hien a contracté la fistule obstétricale depuis 2004, suite à un accouchement atroce.

« Mon travail a duré douze jours et l’enfant ne sortait pas. C’était au village et personne n’a essayé de me conduire dans une formation sanitaire. C’est au douzième jour qu’on a fait recours à une accoucheuse villageoise qui a fait sortir l’enfant par force mais par l’anus », raconte avec amertume Delphine. Selon elle, ce n’est qu’en 2013 qu’elle a commencé à subir des opérations mais sans succès. En soins depuis septembre 2021 dans la clinique Larry Ebert, la patiente qui avait perdu tout espoir dit constater une nette amélioration sur son état de santé. « En tout, j’ai subi quatorze interventions et j’espère que ce sera la dernière avec ARENA », souhaite Delphine Hien.

François KABORE