Côte d’Ivoire : Que veut Laurent Gbagbo avec son PPA-CI ?

Quatre mois après son retour à Abidjan, à la suite de son acquittement par la Cour pénale internationale (CPI) au terme d’une décennie de procédures, Laurent Gbagbo, l’ex-président ivoirien, effectue un « come-back » en force sur le terrain politique, en lançant le Parti des peuples africains- Côte d’Ivoire (PPA-CI). L’ex-célèbre prisonnier de La Haye veut-il à travers son nouveau parti se lancer dans la course à la présidentielle en 2025, ou préparer tout simplement la relève et se mettre définitivement en retrait ?

Laurent Gbagbo a préféré ne pas engager un bras de fer avec son ancien bras droit, Pascal Affi N’Guessan, avec qui il est en rupture politique du fait de dissensions, pour le contrôle du Front populaire ivoirien (FPI). En effet, l’ancien chef de l’Etat a eu l’intelligence politique de laisser le « bébé » qu’il a créé en 1982 dans la clandestinité, aux mains de ceux qui le lui disputent. Une telle attitude de l’ancien président a l’avantage de faire l’économie de querelles « inutiles » ou de batailles judiciaires interminables, auxquelles on aurait pu assister entre lui et son ancien Premier ministre.

En attendant, le Parti des peuples africains- Côte d’Ivoire (PPA-CI), qui fait ses premiers pas, se positionne comme un parti socialiste et souverainiste comme son devancier, mais entend désormais mettre l’accent sur le panafricanisme. Pour l’ancien président ivoirien, il faut « ouvrir les yeux » car l’échelle des micro- États africains issus des indépendances est inadaptée face aux grandes puissances et aux grands ensembles que sont les Etats-Unis d’Amérique, l’Union européenne, la Chine, la Russie, etc.

L’intérêt d’une telle démarche réside moins dans la simple volonté de mener le combat sous une autre dénomination ou appellation d’un parti politique. Ici, se pose la question de l’avenir politique de Laurent Gbagbo. Un avenir que l’on a du mal à déchiffrer d’ailleurs, puisque l’intéressé lui-même semble brouiller les pistes….En effet, lors du lancement du nouveau parti, le week-end du 16 et 17 octobre dernier à Abidjan, Gbagbo s’est dit prêt à passer le flambeau à une autre génération tout en affirmant qu’il fera de la politique jusqu’à sa mort.

Un paradoxe évident! L’on sait que, de façon générale, la classe politique ivoirienne, toutes tendances confondues, a du mal à opérer le changement générationnel pour la gestion du pouvoir. Pense-t-il chaque matin, en se rasant la barbe, à la présidentielle de 2025, comme étant le candidat du PPA-CI ? Vu les conditions dans lesquelles il a perdu le pouvoir en 2011 et pour qui connait l’homme, il n’est pas exclu qu’il veuille effectivement d’une revanche personnelle.

Ou bien va-t-il miser sur un de ses lieutenants, avec certes moins de carrure et d’expérience pour réaliser cette revanche ? Rien n’est exclu, selon ses propres affirmations. Une chose est certaine, il occupera le champ politique ivoirien qui lui a certainement manqué durant une décennie.

Déterminé

Et ce ne sont pas les obstacles qui l’en dissuaderont si d’aventure, il décidait de se lancer à la course au fauteuil présidentiel. Le Président Alassane Ouattara serait favorable à l’introduction d’une éventuelle limitation d’âge pour la présidentielle prochaine, fixée à 75 ans.

Ce qui aurait pour conséquence, d’éliminer les trois grandes figures qui dominent la politique ivoirienne depuis trente ans (Bédié, Gbagbo, Ouattara) à cette présidentielle, puisque chacun d’eux aura au minimum, 80 ans. Cette occurrence ne semble guère ébranler l’ex-célèbre prisonnier de La Haye. Sur un ton presque d’agacement, le nouveau président du PPA-CI, s’entretenant avec des confrères, a indiqué en substance, qu’il n’appartenait pas à une tierce personne de l’exclure à une telle compétition électorale.

Et que les conditions de sa participation seront exclusivement de son propre ressort. Il existe une autre menace que l’actuel pouvoir d’Abidjan pourrait brandir, pour empêcher, « l’opposant historique » à Félix Houphouët-Boigny, de parvenir à ses fins. Il s’agit de sa condamnation à vingt ans de prison dans l’affaire dite du «  braquage de la BCEAO », la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest. Mais celui que l’on surnomme aussi le « Woody de Mama », estime qu’il n’est pas concerné par cette affaire, tout en précisant qu’il n’est pas « un braqueur de banque ».

Les jours à venir devraient situer sur les intentions réelles de l’ancien président, entre volonté de viser la magistrature suprême de son pays et passer la main. Fait notable, l’ancienne Première dame et membre fondatrice du FPI, Simone Gbagbo, ne fait pas partie de la nouvelle aventure politique de Laurent Gbagbo. Au divorce conjugal, s’est donc ajouté un divorce politique.

L’ex-Première dame semble vivre difficilement cette séparation politique, puisqu’elle affirme ne pas avoir de reconnaissance de la part de son ex-mari. En attendant les batailles électorales à venir et les éventuelles alliances dans la perspective de 2025, Laurent Gbagbo s’est flanqué de fidèles parmi les fidèles pour la conduite du nouveau parti et partant, du combat politique. Ainsi, Assoa Adou qui assurait le relais en Côte d’Ivoire pendant les années de prison de l’ex-président, pilote le conseil d’orientation politique et stratégique.

Hubert Oulaye, ancien ministre de Gbagbo, est le directeur exécutif. Le secrétariat général est assuré par Damana Pickass, devenu célèbre pour avoir rejeté devant les caméras du monde entier, des résultats qui donnaient Ouattara, vainqueur lors de la proclamation des résultats de la présidentielle de 2010.

Gabriel SAMA