Nicolas Zoubélé Sawadogo, maire de Boussé : « Un homme normal doit avoir un chez-soi à 25 ans »

Zoubélé Nicolas Sawadogo, maire de Boussé, a initié plusieurs projets au profit de sa commune. A quelques mois des élections municipales, il dresse le bilan de son action et dévoile ses ambitions pour les prochaines échéances.

Carrefour africain (C.A) : Vous êtes presqu’en fin de mandat après avoir passé 5 ans à la tête du conseil municipal de Boussé. Dites-nous l’ambiance qui a prévalu au sein de ce conseil durant votre mandat.

Nicolas Sawadogo (N.S): Je peux dire que durant les 5 ans, le climat n’a pas été aussi serein. Parce qu’il y a eu trop de politique et ce n’était pas la politique qui pouvait apporter un vrai développement de la commune. Malgré tout, l’ambiance avec la population a été bonne. Le bilan a été à la hauteur des attentes de la plupart de la population.

Qu’en est-il des blocages ?

Il y avait un blocage depuis l’année 2019. Actuellement, je peux dire que le blocage est levé parce que beaucoup de conseillers ont compris que la politique qui se faisait n’était pas celle qui développe mais qui détruit. Beaucoup sont revenus à la raison. Nous avons décidé d’enterrer la hache de guerre et surtout nous atteler au reste du temps. En sept mois, on peut faire beaucoup de choses.

La plupart des conseillers m’ont sollicité de faire en sorte que nous puissions reprendre les sessions. A la suite de leur demande, j’ai adressé une correspondance au ministère de l’Administration territorial, une autre au ministère de la Réconciliation nationale. Ces correspondances qui ont été transmises ont eu une réponse favorable avec le ministre de l’Administration territoriale qui a donné des instructions à madame le gouverneur de la région du Plateau central d’accompagner le maire de Boussé dans ses efforts de développement.

Le ministre en charge de la réconciliation nous a exhortés à faire en sorte que tous les conseillers puissent prendre part aux travaux.

Comment, en dépit de ces difficultés, vous avez assuré le fonctionnement du conseil municipal ?

Durant le blocage du conseil municipal, j’ai entrepris des démarches auprès du gouvernorat et d’autres institutions, pour voir comment résoudre le problème. La direction générale des collectivités territoriales a été saisie. Finalement, j’ai eu la clémence du gouvernement qui a accepté d’octroyer à la commune de Boussé un fonds de fonctionnement de plus de 300 millions FCFA durant la période difficile.

Les autorités ont accepté de nous accompagner tout en espérant que nous retournerons à la table de négociations. C’est avec ce budget de fonctionnement que nous avons travaillé de manière à ce que la commune ne soit pas à genou. On a pu payer les fonctionnaires des collectivités, gérer les cahiers des charges du maire notamment les marchés, régler d’autres choses mais il reste encore beaucoup à faire.

Ce qu’on peut retenir, c’est que malgré la crise, le gouvernement ne nous a pas lâchés. La commune a continué de fonctionner et nous avons réalisé pas mal d’infrastructures, de projets, de marchés qui ont été exécutés. On a toujours été au rendez-vous avec la cantine scolaire. On n’a jamais eu de problème malgré le blocage, on a répondu favorablement à l’achat des fournitures scolaires.

Au niveau de l’état civil, on a pu disposer de timbres pour l’établissement des actes de naissance et les légalisations. Seulement, c’est l’investissement qu’on ne pouvait pas réaliser parce que l’organe délibérant du conseil municipal était bloqué. Aujourd’hui, on a quand même pas mal d’argent dans notre cagnotte.

Combien, si ce n’est un secret ?

Il n’y a rien de caché. Je peux estimer le montant à plus de 300 millions FCFA dans les comptes de la mairie de Boussé.

Il est bien vrai que vous avez parlé de blocage mais on constate sur le terrain que vous êtes parvenu à réaliser un certain nombre d’investissements dans la commune et même au-delà. Comment avez-vous fait ?

Ici, il faut que je fasse la part des choses. Il y a ce que les transferts ont donné, il y a ce que le budget de fonctionnement nous a permis de réaliser mais aussi mes fonds propres. Qu’à cela ne tienne, durant les 3 ans, j’ai pu réaliser des forages. Quand je prends le village de Vadtenga, le forage a été réalisé grâce aux indemnités qu’on me paie à la mairie. Cet argent, je ne le bouffe pas.

Ou quand je pars à un atelier, les per diem qu’on nous sert, je ne les consomme pas. J’ai un compte ouvert à Boussé où cet argent est injecté à l’intérieur. Et c’est cet argent qui a été utilisé pour réaliser le forage de Vadtenga. Actuellement, ce forage fonctionne. Il y a également le quartier Sighin-Voussé qui a bénéficié d’un forage avec l’argent qu’on me donne à la mairie. Donc, il y a deux forages qui ont été réalisés sur fonds propres. Il y a également trois forages qui ont été réhabilités.

J’ai utilisé une partie de cet argent pour payer la scolarité des enfants défavorisés, j’ai également apporté de l’aide aux femmes pour qu’elles initient des activités génératrices de revenus et aujourd’hui, elles s’en sortent bien. Je leur ai donné deux fois 250 000 FCFA pour entreprendre. Aujourd’hui, elles engrangent des bénéfices de 500 000 FCFA.

Les personnes vulnérables comme celles vivant avec un handicap ont reçu des vivres. Concernant les déplacés, j’ai puisé l’argent que je reçois à la mairie pour les aider en leur octroyant des vivres, des nattes et de la liquidité. Beaucoup de choses ont été réalisées.

Malgré le blocage à la mairie, vous vous êtes débrouillé avec vos propres moyens pour réaliser un certain nombre d’activités.

Oui. En dehors de ce que je reçois à la mairie et des revenus des différents ateliers, j’ai apporté mon soutien au développement de la commune. J’ai aussi mes partenaires qui sont en Suisse, en Italie, en France, en Europe de façon générale qui ont aussi, malgré la pandémie qui les a secoués, apporté leur contribution.

Vous êtes porteur d’un projet de fabrication de spaghetti dont la construction de l’usine devait se faire à Boussé.Où en est-on avec ce projet ambitieux ?

Aujourd’hui, le projet est en bonne voie. Parce que très bientôt, au plus tard en janvier, ces partenaires seront à Boussé. Nous avons échangé ensemble sur la relance du projet et les partenaires italiens seront là. En mai 2019, ils étaient prêts à venir. Malheureusement, c’était la période où il y a eu la crise au niveau du conseil municipal. Donc, ils ont reporté leur voyage. Par la suite, il y a eu la pandémie qui a impacté négativement la mise en place du projet. Les machines sont déjà prêtes. Ils m’ont même envoyé les différentes photos des machines qui seront installées. Il y a également d’autres projets qui vont suivre en même temps. On espère que réellement ça va se concrétiser.

Où trouver la matière première pour faire tourner à plein régime cette usine ?

Quand ils sont venus il y a trois ans de cela pour parler du projet, il y avait d’abord la possibilité de faire venir le blé depuis le Maroc parce que c’est un pays producteur de cette céréale. Il y a également Parme, une ville italienne qui n’est pas loin de Milan d’où on peut faire venir le blé par container. Ici au Burkina, nous avons les Grands moulins basés à Kossodo. Il était question d’aller échanger avec eux pour voir comment nous pouvons nous ravitailler en farine de blé pour qu’il n’y ait pas de rupture de stock. L’autre possibilité était de voir s’il était possible de cultiver le blé au Burkina.

Avec Bagré pôle, il était question d’aller échanger avec les producteurs de cette zone pour voir si on peut y cultiver le blé. Parce que j’avais dit aux partenaires qu’au Burkina, on cultivait un peu le blé. On voulait aller avec ces partenaires sur place pour rencontrer les producteurs de Bagré pôle, échanger avec eux et voir comment remédier à cette situation. Mais il faut dire qu’avec la crise au sein du conseil municipal, avec la pandémie de la COVID-19 et l’insécurité, tous ces facteurs ont ralenti l’avancement du projet. On a aussi besoin de l’accompagnement des autorités.

Vous savez que le rôle d’un maire, c’est de travailler à attirer le maximum d’investisseurs dans sa commune. Mais, il a l’obligation de sortir pour amener des investisseurs dans sa commune, de nouer des partenariats. L’accompagnement, au niveau du gouvernorat, du ministère est manifeste. Il est sur une très bonne voie. Je pense que quand ils seront là et que tout sera mis en place, les autorités nous permettront d’avoir les autorisations nécessaires le plus vite possible, feront en sorte que les partenaires soient sécurisés, que les investissements qu’ils vont réaliser soient également bien sécurisés. Au-delà de ce projet, il y a la transformation de la tomate.

Ce n’était pas seulement les spaghettis qu’on voulait fabriquer, il y avait aussi la transformation de la tomate dans le projet. Quand ils étaient là, je leur ai montré les différents camions qui viennent du Ghana, traversent Ouagadougou pour ramasser la tomate à Kongoussi, Yako, Ouahigouya en vue d’aller transformer et revenir nous les revendre plus cher. Quand je prends les régions du Plateau central et du Centre-Ouest, on produit beaucoup de tomates.

Ces partenaires voulaient venir avec des machines pour transformer la tomate et la conditionner exactement comme en Italie. Vous savez qu’en Italie, les grandes industries comme Barilla qui est l’un des fabricants de spaghetti mondialement reconnu, ont commencé tout petit. Pour la transformation de la tomate, on n’a pas besoin de grandes machines. Ce sont de petites unités et avec de petits matériels.

Là, nous répondrons à l’appel du père de la Révolution qui est de « consommons ce que nous produisons ». C’est la technologie seulement qui nous manque. Et c’est ce que le maire de la commune urbaine émergente de Boussé que je suis, veut corriger. A Boussé, je constate que beaucoup pratiquent le maraîchage. Plus de 2 000 personnes s’adonnent à cette activité. Avec l’aide d’une ONG anglaise qui a fait venir des étudiants de 2iE à Boussé, on a évalué le site de production à au moins 75 ha.

Au mois de juin 2021, j’ai réalisé un forage d’une capacité de 5m3 dans le basfond. Dieu voulant, à partir du mois de février, un château d’eau sera construit pour permettre aux maraîchers de continuer à travailler une fois que la mare est tarie. Parce qu’à partir de fin janvier début février, il n’y a plus d’eau. Le forage est prêt. Il reste à venir plonger la pompe, installer les plaques solaires et le château d’eau. La capacité de 5m3 équivaut à 25 000 litres d’eau par heure. On espère installer un château de 30 000 litres d’eau grâce à l’appui d’un partenaire luxembourgeois en l’occurrence l’ONG Help for the planet.

Ce forage va-t-il en même temps résoudre le problème d’approvisionne-ment de la ville en eau potable ?

Oui. Mais déjà, je remercie le ministre de l’Eau et le directeur général de l’Office national de l’eau et de l’assainissement (ONEA) parce que Boussé a déjà bénéficié avec le soutien du Royaume du Danemark huit forages à haut débit qui ont été réalisés dans la commune à hauteur de 300 000 euros (196 500 000 FCFA).

Et en plus de cela, nous avons un projet qui sera réalisé par l’ONEA avec le soutien du gouvernement. Un projet de 13 milliards FCFA. L’eau sera tirée depuis le barrage de Kanazoé à Yako pour approvisionner Boussé. Normalement, l’année prochaine, à partir de janvier, le projet doit être mis en œuvre. On peut dire que d’ici à fin 2022, le problème d’eau à Boussé sera un mauvais souvenir. Et ce n’est pas seulement Boussé qui va en bénéficier. Les communes rurales qui seront traversées comme Arbolé, Niou et même Laye, Sourgoubila, Toèghin en plus de quelques villages de Nanoro vont en profiter.

Un autre défi que la commune doit relever, c’est l’aménagement de la ville. Que comptez-vous faire pour résoudre l’épineuse équation du lotissement qui plombe le développement de Boussé ?

Je ne suis pas pessimiste. Je suis un maire visionnaire. Un maire qui n’a pas de vision conduit ses administrés à l’abattoir. Mais cette vision que j’aie est que Boussé sera lotie. Qu’il pleuve ou qu’il neige, ce sera une réalité. Boussé a connu de lotissement il y a plus de 30 ans. Aujourd’hui, je tiens à dire merci au ministre de l’Administration territoriale parce que nous avons obtenu la cité du 11-Décembre.

Je profite ici pour remercier le chef de Nabrabogo et sa population qui ont accepté octroyer plus de 40 ha de terres au ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme. Le terrain a été aménagé et le plan a été conçu. On a pu dégager 755 parcelles réparties en trois zones : zone A, zone B et zone C. La zone A c’est la zone commerciale qui donne à peu près 42 parcelles de 500 m2. La zone B est constituée de parcelles de 300 m2 et la zone C de parcelles de 240 m2. Le plan a été validé au niveau de la mairie.

Les bornes ont été confectionnées et le cahier de charges a été envoyé au gouvernorat, au haut-commissariat ainsi qu’à la direction régionale de l’Habitat et de l’Urbanisme. Il y aura bientôt une concertation qui va statuer sur le cahier des charges.

Ceux qui rempliront les conditions viendront commencer les travaux de construction. Je voudrais que la ville soit construite en hauteur. Donc je propose que les bâtiments qui feront face à la RN2 soient construits en R+1 minimum. Maintenant, les secteurs 1,2, 3 et une partie des secteurs 4 et 5 seront lotis. La population même demande le lotissement.

Une fois que le conseil municipal se réunira, l’organe délibérant va statuer sur ça et nous allons demander l’accompagnement du ministre de l’Habitat. Rassurez-vous qu’à Boussé, il y a des gens qui ont 40, 50 ans et même plus, qui n’ont pas de parcelles. C’est terrible. Déjà entre 25 et 30 ans, chacun doit avoir un chez-soi.

Un homme normal doit, à partir de 25 ans, être chez lui, il doit être en mesure de posséder son permis urbain d’habiter. Or, à Boussé, ce n’est pas le cas. Ce n’est pas bon pour notre gouvernement et les habitants de la ville de Boussé. Une ville émergente, il faut que ça bouge de tous les côtés. Quand j’ai pris la tête du conseil municipal, j’ai promis de batailler dur contre le manque d’eau dans la commune et pris l’engagement de lotir la ville.

La Société nationale d’aménagement des terrains urbains (SONATUR) a laissé un passif à Boussé à la suite du lotissement de 2005. Qu’est-ce qui est envisagé pour apurer ce passif avant d’enclencher un nouveau lotissement ?

En ce qui concerne la SONATUR, on avait trouvé un terrain d’entente. Mais à la dernière minute comme on le dit, la politique politicienne est venue tout gâter.

Parce que beaucoup se sont levés disant que le maire veut détourner les parcelles de la SONATUR à son profit. Tout cela est faux. Que celui qui conteste apporte les preuves de ces accusations fortuites. La SONATUR a remis des papillons aux gens en son temps. D’autres ont revendu les leurs. Maintenant, ils ont exigé à ce que je refasse le recensement. J’ai refusé. Les politiciens sont allés leur dire de lapider le maire. Aujourd’hui, ils ont pris conscience que mes propositions étaient bonnes. Et ce sont eux qui demandent à ce qu’elles soient appliquées. Le conseil municipal reviendra là-dessus. Une nouvelle approche sera faite avec la SONATUR. Au sortir de cette rencontre, des engagements seront pris.

Quel sort sera réservé aux occupants anarchiques qui ont construit leurs maisons sur les parcelles non attribuées de la SONATUR, transformées pour la circonstance en non-loti ?

Effectivement, des gens ont acheté des lopins de terre sur les zones aménagées de la SONATUR et ont construit des maisons. Ce que je peux leur dire, quand le consensus sera dégagé avec la SONATUR et la population, une solution sera trouvée. Je suis un maire visionnaire. Je ne vois jamais les problèmes. Je ne vois que des solutions. Et j’en suis convaincu que même si ce sera des parcelles de 150 m2, tout le monde aura sa part du gâteau.

Nous voyons que le village de Goabga dans la commune rurale de Niou est situé juste à proximité de Boussé. Le chef de Goabga était réellement disposé à nous aider. Au moment venu, avec la population de Goabga et la commune de Niou, nous trouverons des solutions. Il y a également Nanoro avec le village de Soala qui n’est pas loin de Boussé, on peut avoir des échanges avec le conseil municipal de Nanoro et les ressortissants de Soala. Il y a aussi Séguéla, Godo ainsi que les villages de Guesna et Sao dans la commune de Boussé. On a quand même de grandes possibilités de pouvoir loger les gens d’une manière décente.

Vous avez réalisé beaucoup de choses au cours de votre mandat, mais les défis sont encore nombreux. Quelles sont vos perspectives pour le développement de votre commune ?

En 2016, quand je prenais les rênes de la commune de Boussé, j’avais un plan quinquennal. Si je le fais sortir pour dresser le bilan, je ne peux pas dire que j’ai réalisé mes projets à cent pour cent. Mais j’ai pu réaliser environ 51% de mes projets. Ce qu’on recherche dans toute chose, c’est la moyenne. Si je suis réélu, je voudrais m’attaquer au bien-être de la femme, de la jeune fille et des jeunes. Mes priorités, c’est créer beaucoup plus d’emplois, faire en sorte que le tissu économique soit solide.

J’aimerais aussi travailler de manière à ce que tout le monde, enfants et adultes, puisse posséder des actes de naissance, le premier document administratif. Je compte en outre apporter ma modeste contribution à la modernisation de l’élevage et l’agriculture. De nos jours, la technologie nous montre que l’agriculture hors-sol est plus rentable que l’agriculture en sol. Non seulement on y gaspille moins de terre mais également d’eau et en temps. Voilà les grands axes sur lesquels je compte m’appuyer pour reconquérir la mairie de Boussé lors des prochaines élections municipales.

Interview réalisée par Ouamtinga Michel ILBOUDO

Omichel20@gmail.com