Migration sud-sud: Le corridor Burkina –Cote d’Ivoire n’est plus l’eldorado d’antan

Les résultats d’une enquête sur la migration sur le corridor Burkina-Cote d’Ivoire, menée par l’Institut supérieur des Sciences de la population de l’Université Joseph Ki-Zerbo,  ont été présentée à  l’Association des journalistes et communicateurs en population et développement, courant mars 2022 à Ouagadougou.

 La question migratoire entre le Burkina Faso et la Cote d’Ivoire  a été l’objet d’une enquête menée par l’Institut supérieur des sciences de la population. Elle   a permis d’avoir un aperçu sur ce mouvement de la population Burkinabè vers la Cote d’Ivoire. Cette enquête s’est déroulée entre le 25 octobre et le 26 novembre 2020. Elle  a été menée dans quatre régions du Burkina,  le Centre-Ouest, le Centre-Est, le Sud-Ouest, le Plateau central et dans les deux grandes villes de Ouagadougou et Bobo-Dioulasso et a concerné 3841 ménages. Ces cibles concernent  les ménages avec une expérience migratoire en Côte d’Ivoire et ceux qui n’ont pas cette expérience.

Des résultats,  on retient entre autres  que l’intention migratoire est plus importante chez les ménages riches, en milieu rural, et chez les ménages ayant déjà une expérience migratoire. Ils révèlent également que les ménages ruraux ont une vision beaucoup plus positive de la migration en Côte d’Ivoire comparativement aux urbains. L’émigration des femmes et des enfants en Côte d’Ivoire    est par contre très mal appréciée par la communauté. Près de la moitié des migrants de retour veulent ré-émigrer en Côte d’Ivoire.  Les raisons familiales sont les principaux motifs de retour des migrants de Côte D’Ivoire. Les migrants de retour estiment que leurs migrations ont amélioré les conditions de vie de leurs ménages.

Dans le volet migration, pauvreté et inégalités de revenus, il ressort que cette relation est parfois ambiguë, incertaine et changeante.   Ainsi, on peut supposer que la migration peut réduire la pauvreté et les inégalités de revenus dans des contextes donnés, mais peut aussi renforcer ces inégalités de revenus. Les tests statistiques confirment le fait que, dans la plupart des cas, les ménages sans expérience migratoire présentent des conditions de vie meilleures que les ménages avec expérience migratoire. L’enquête note par exemple que les  ménages sans expérience migratoire ont plus accès aux sources d’énergie et d’eau courante que les ménages avec expérience migratoire. Seulement 35,4% des ménages avec expérience migratoire et 39,5% des ménages sans expérience migratoire possèdent une source régulière d’énergie. La tendance est la même pour ce qui concerne l’eau courante. Respectivement 2, 6% et 10,1% des ménages migrants et des ménages non migrants ont une source d’eau.

Concernant  le thématique flux de ressources : finance, commerce et connaissances, il ressort que l’émigration en Côte d’Ivoire n’est pas synonyme de transferts d’argent à la famille restée au Burkina Faso. La plupart des migrants ne transfèrent pas systématiquement  d’argent à leur famille .Les migrants qui transfèrent des fonds sont ceux qui ont gardé un contact régulier avec la famille .Les principaux canaux de transferts sont les circuits modernes: transferts électroniques par mobiles (Orange money, 78,3%) en premier lieu, suivi par les opérateurs de transfert comme Western Union, la poste Money Gram etc. Les destinataires des transferts sont les parents proches de l’émigré: père, frère, mère et épouse. Les transferts sont utilisés principalement dans les domaines sociaux (santé 56% et éducation 42 ,4%). Plus de la moitié des migrants de retour ont affirmé avoir acquis des compétences. Plus d’un tiers des migrants de retour affirment que ces compétences ont permis d’améliorer le  quotidien de leur famille.

 

Pour  le Docteur Hubert Bonayi Dabiré, Investigateur principal pays de l’étude, de nos jours, la migration Burkina-Côte d’Ivoire n’est plus en vogue. Selon M. Dabiré,  la migration Burkina-Côte d’Ivoire,  n’est plus l’Eldorado d’antan. Ceux qui reviennent de  la Côte d’Ivoire ne sont pas forcément les plus favorisés. « Aujourd’hui, le couloir Burkina-Côte d’Ivoire n’est plus le seul couloir migratoire. Il y a une diversification qui fait que le couloir Burkina-Côte d’Ivoire n’est plus aussi attrayant, fructueux comme avant », fait-il remarquer.

Le constat actuel est que  les migrants burkinabè optent vers d’autres destinations comme l’Italie, le Ghana, le Canada, Les États-Unis et les Pays du Golf et la plupart des migrations sont faites par des personnes aisées pour des raisons d’étude, de travail…

L’enquête a été réalisée dans la cadre du projet Migration pour le développement et l’égalité(MIDEQ). Son objectif est de répondre au défi de développement durable en s’assurant que la migration Sud-Sud réduit plutôt qu’elle n’augmente les inégalités pour aboutir au développement dans les pays du Sud. Ce projet compte 12 pays formés en 6 corridors de la migration dont le corridor Burkina Faso/Côte d’Ivoire.

Gabriel SAMA