Fin de Barkhane et de Takuba : Vers une rupture des relations diplomatiques entre Paris et Bamako ?

Les troupes françaises quittent le Mali après avoir été accueillies en libérateurs il y a neuf ans

Les tensions entre Bamako et Paris, qui avaient cours depuis près de deux ans au sujet de la présence militaire française au Mali pour combattre le terrorisme, ont connu une sorte d’épilogue avec le départ définitif de ces troupes militaires du Mali. Ce départ sonnera-t-il le glas des relations diplomatiques entre la France et le Mali au vu de la passe d’armes entre les autorités politiques des deux pays ?

L’annonce a été confirmée le 17 février 2022 lors du Sommet UE-UA qui se tenait à Bruxelles dans la capitale belge. La France mais aussi ses partenaires européens et le Canada vont quitter le Mali dans un délai de quatre à six mois en ce qui concerne Takuba, cette force composée de troupes françaises, européennes et du Canada.

Elle devait prendre le relais de Barkhane, elle qui était déployée au Mali depuis neuf ans maintenant, d’abord sous le nom de Serval. En neuf ans de présence, le bilan de cette présence militaire française est loin d’être positif du côté malien. Puisque la lutte antiterroriste qui était l’objectif assigné à cette opération militaire n’a guère évolué et pire, les terroristes semblent avoir pris de la graine au vu des attaques de plus en plus meurtrières et violentes. Une situation que des Maliens ont eu du mal à accepter.

D’autant plus que la présence militaire française était censée mettre fin au péril terroriste dans leur pays. De leur côté, les Français estiment qu’ils ont empêché la propagation des attaques dans tout le pays et indiquent que sans leur intervention, Bamako serait tombée entre les mains des assaillants djihadistes et que le Mali n’existerait probablement plus. Mais les relations entre Paris et Bamako ont commencé à se dégrader depuis que les militaires, sous la houlette du colonel Assimi Goïta, se sont emparés du pouvoir en renversant Ibrahim Boubacar Keita en 2020.

En 2021, c’est autour du président de la Transition, Bah Ndaw, pourtant désigné par les militaires, d’être évincé. Ce deuxième coup d’Etat intervenu en 9 mois, couplé au sentiment anti- présence militaire française qui s’exprime notamment dans la rue à travers des manifestations à Bamako, amène le président français Emmanuel Macron à annoncer la réduction de la présence militaire française au Mali. Le rapprochement du nouveau pouvoir malien avec la société de sécurité privée russe Wagner provoque l’ire de Paris qui voit cette collaboration d’un mauvais œil.

Dès lors, on assiste à une escalade verbale de part et d’autre. Sorties peu diplomatiques A la Tribune des Nations unies en septembre dernier, le Premier ministre malien, Choguel Maiga, dénonce de la part de Paris, « un abandon en plein vol » au sujet du retrait des troupes françaises. De leur côté, les autorités françaises multiplient les sorties peu amicales à l’endroit du pouvoir à Bamako. Le ministre français en charge des affaires étrangères, Jean Yves Le Drian, est allé jusqu’à qualifier la « junte » à Bamako « d’illégitime». Un pic de la tension entre les deux pays est atteint lorsque les autorités maliennes ont procédé à l’expulsion pure et simple de l’ambassadeur de France à Bamako en début février.

L’annonce de la fin de la présence militaire française et leurs partenaires européens deux semaines plus tard n’a donc pas surpris. Et désormais, on s’interroge sur l’avenir des relations diplomatiques entre la France et le Mali tant le discours entre les officiels des deux pays a été inamical, peu diplomatique et inhabituel. Et comme si ce feuilleton n’est pas prêt de s’estomper, le président français a signifié à la partie malienne sa volonté de retirer tous les coopérants français intervenant dans les ministères maliens ainsi qu’à l’Etat-major des Armées.

S’achemine-t-on alors vers une rupture totale des relations entre le Mali et l’ancienne puissance coloniale ? A l’analyse, cette éventualité n’est pas à écarter. Car manifestement, les autorités maliennes tendent vers l’option de la Russie au détriment de la France et leurs alliés dans leur volonté de lutter efficacement contre le terrorisme.A l’évidence, tant que les militaires actuels seront au pouvoir au Mali, il sera difficile qu’une «  relation normale » soit observée. Pour certains observateurs, tant que Choguel Maiga et Le Drian seront aux affaires, il sera difficile pour que Bamako et Paris parlent le même langage.

Pourtant, il y a neuf ans le Mali avait fait appel à la France pour repousser une vaste offensive djihadiste qui fonçait sur Bamako en provenance du Nord du pays. On se rappelle que c’est dans une liesse populaire que le président français de l’époque, François Hollande, avait été accueilli à Bamako. Nombre de maliens voyaient en Hollande un libérateur. Des témoignages indiquent que des Maliens qui croyaient en la « sincérité » des amis français ont même donné le nom «  François Hollande » à leurs nouveau-nés. Une dizaine d’années plus tard, ils ont le sentiment d’avoir été trahis, floués…

Gabriel SAMA