Prédateurs fonciers ou promoteurs immobiliers ?

Le foncier constitue un véritable business pour certains Burkinabè. En témoigne le nombre impressionnant de promoteurs immobiliers qui s’y bousculent. En janvier 2022, le ministère en charge de l’urbanisme faisait cas de 275 promoteurs immobiliers sur le plan national. 92 d’entre eux avaient introduit, en son temps, 400 demandes d’approbation de projets immobiliers dont 237 pour la seule commune de Ouagadougou, pour une superficie mobilisée de 18 000 hectares (ha). La commune rurale de Saaba, à la périphérie-est de la capitale, totalisait à elle seule 40 promoteurs dont quatre seulement sont en règle. Les « hors-la-loi » dans cette commune mobilisent plus de 4 000 ha.

Les problèmes liés aux activités de ces « prédateurs fonciers » sont nombreux. A Saaba par exemple, il y a des bisbilles entre les populations et certains promoteurs immobiliers. Cela a conduit à la mise en place d’un mouvement dit Mouvement des jeunes pour la transparence dans la gestion du foncier de Saaba. Cette organisation, qui a certainement rencontré une oreille attentive du ministère en charge de l’urbanisme, a pu obtenir un audit sur la gestion des parcelles dans cette zone dont, malheureusement, les résultats seraient restés sans suite pour l’instant. Ce genre de situation existe dans bien d’autres localités, seulement à des degrés divers. Cela est en partie dû à la manne financière importante qu’engendre la vente des parcelles. Pour quelques dizaines de mètres carrés à usage d’habitation, il faut débourser, de nos jours, au bas mot quatre millions F CFA. Ce prix est multiplié par deux, trois ou quatre dans les zones plus huppées.

Au regard de l’ampleur de la situation, à la suite de rapports et conclusions de plusieurs commissions d’enquête, l’Etat a pris en urgence des mesures conservatoires. Il s’agit notamment de la suspension du traitement des demandes d’approbation de projets immobiliers et de la délivrance d’agrément sur la promotion immobilière qui a permis de limiter le nombre de promoteurs immobiliers autorisés à exercer à 275. L’objectif de ces décisions est d’offrir les moyens au ministère en charge de l’habitat d’opérer les réformes appropriées pour définir des conditions plus idoines d’exercice de la profession. Ainsi, un projet de loi a été élaboré, adopté en Conseil des ministres puis introduit à l’Assemblée nationale. Mais, les autorités comptent, à juste titre, aller plus loin en clarifiant les textes régissant la promotion immobilière.

A cela s’ajoute l’agrobusiness, généralement pratiqué loin des grandes agglomérations, avec son corollaire d’accaparement des terres. Aujourd’hui, à 50 km à la ronde de Ouagadougou, les terres, même cultivables, se vendent à prix d’or. Des particuliers en achètent des ha, érigent des clôtures dans l’intention d’en faire des fermes plus tard.  Et à cette allure, si rien n’est fait, dans un proche avenir, les paysans auront du mal à avoir un lopin de terre pour cultiver, ne serait-ce que pour nourrir leurs familles.