Réinsertion sociale des détenus: Quand la sanction se transforme en opportunités

Pierre, Dramane et Ousséni sont des ex-pensionnaires des maisons d’arrêt et de correction de Boromo et de Bobo-Dioulasso. Ils ont profité de leur séjour au pénitencier pour apprendre des métiers qui leur permettent, aujourd’hui, de gagner dignement leur vie. 

Natif de Passakongo dans la province du Mouhoun, Pierre Sama est un ancien pensionnaire de la maison d’arrêt et de correction de Boromo. Bien qu’étant en prison, il ne semble pas avoir abandonné de sitôt les études. Depuis sa cellule, il « bosse » et décroche avec brio le Brevet d’études du premier cycle (BEPC). Au même moment, il préparait parallèlement son permis de conduire qu’il obtient également, toujours en prison. C’est donc bardé de ces deux diplômes qu’il recouvre la liberté en 2021. Au regard de son comportement exemplaire depuis la geôle, Pierre avait acquis la sympathie du chef de service social de la maison d’arrêt de Boromo. C’est d’ailleurs avec le soutien de ce dernier qu’il a pu s’insérer facilement dans la société. Aujourd’hui, Pierre, père de famille, est surveillant dans un établissement secondaire privé à Boromo et dit gagner bien sa vie.   De son témoignage, il estime que  son séjour en prison  lui a beaucoup donné de leçons, lui a forgé une carapace et une autre manière d’affronter la vie. Pierre indique être bien placé pour témoigner que le bagne n’est pas forcement mauvais. En effet, au regard des nombreux avantages offerts aux détenus à travers plusieurs métiers d’apprentissage en milieu carcéral, beaucoup s’en sortent bien après leur libération. Mieux, des agents sociaux y sont en tant que conseillers pour eux. Et c’est grâce à ces conseillers que Pierre a été recruté comme surveillant.

Dramane, lui, a séjourné à la maison d’arrêt et de correction de Bobo-Dioulasso  du 28 novembre 2019 au 28 février 2022. Durant son séjour, il a saisi l’occasion pour approfondir ses connaissances en menuiserie dans laquelle il avait déjà des notions. « C’est véritablement en prison que j’ai appris comment on confectionne les meubles, surtout les fauteuils rembourrés et les armoires », précise-t-il. Dramane ne s’est pas arrêté là. Il a aussi appris la  tapisserie qu’il maitrise parfaitement de nos jours. Seulement, confie-t-il, le manque de matériel pour créer son atelier constitue sa plus grande préoccupation. Qu’à cela ne tienne, il dit rassembler progressivement les outils nécessaires pour l’ouverture prochaine de son atelier.  A écouter Dramane, passer un séjour en prison n’est pas synonyme de rater sa vie. Pour lui, c’est un lieu où l’on peut apprendre un métier  de son choix et gagner bien sa vie. « En tous les cas, j’ai beaucoup appris et cela va me permettre de m’insérer facilement dans la société », affirme-t-il.

De belles initiatives

 Ousséni, ex-détenu : « les geôles sont devenues des lieux d’apprentissage et non de sanction »

En conclusion, déclare Dramane,  son séjour en taule n’a pas été vain, parce qu’il s’en est sorti nanti de connaissances qui vont l’aider dans la société. Toujours dans la cité de Sya, nous avons rencontré Ousséni, un autre ex-détenu qui a séjourné à Bolmakoté (nom du quartier où se trouve la prison) de 2019 à 2022. Celui-ci a préféré jeter son dévolu sur la soudure. « Je n’avais aucune notion en soudure avant mon incarcération », relève-t-il. Ce métier, il l’a appris pendant un an huit mois et aujourd’hui, il l’exerce correctement.  Ousséni a déjà ouvert son atelier dans la ville de  Bobo-Dioulasso et nourrit sa famille grâce aux fruits de son travail. Il a pour le moment un employé et compte agrandir son atelier si tout va bien. Aux prisonniers, Ousséni  leur conseille de s’intéresser aux différents métiers qu’on propose en milieu carcéral. Au passage, il salue cette initiative des autorités qui permet aux détenus d’apprendre un métier avant leur sortie. Car, à l’entendre, les geôles sont devenues des lieux d’apprentissage et non de sanction.  Cette nostalgie pousse Ousséni à repartir parfois dans la prison les weekends pour rendre visite à ses ex-codétenus et leur apporter son soutien. A l’administration pénitentiaire, il ne cesse de traduire ses remerciements pour lui avoir donné l’occasion d’apprendre son métier de soudure.

François KABORE

Légendes (Ph. Rémi ZOERINGRE)