Retrait du Mali du G5 Sahel : quel devenir pour la lutte antiterroriste ?

Le retrait du Mali du G5 Sahel prive l’organisation d’une stratégie concertée et coordonnée de la lutte contre le terrorisme.

A travers un communiqué, lu sur les antennes de la télévision nationale malienne, le porte-parole des autorités au pouvoir à Bamako annonçait le retrait du Mali du G5 Sahel et de sa force antijihadiste. Au fond, cette décision ne surprend guère au vu des raisons évoquées, mais pose en même temps la question du devenir de la lutte contre le terrorisme dans l’espace, alors que la menace ne faiblit pas avec son lot de morts au sein des forces militaires et des populations civiles.

Le Mali est-il en train de s’isoler totalement ? Déjà en crise de confiance avec son partenaire français, marquée par plusieurs épisodes de tensions diplomatiques et ployant sous des sanctions de la CEDEAO, le pays décide cette fois de quitter de façon unilatérale le G5 Sahel. Une organisation dont la naissance en 2014, à Nouakchott en Mauritanie, avait suscité beaucoup d’espoir, en raison du fait que les Etats membres décidaient de mutualiser leurs efforts dans la lutte contre le terrorisme qui, à l’époque, gagnait déjà du terrain.

En effet, composé de la Mauritanie, du Tchad, du Mali, du Niger et du Burkina Faso, avec le soutien controversé ( ?), entre autre, de la France, le G5 Sahel se donnait pour objectif de mener la lutte contre l’hydre terroriste de façon coordonnée et concertée dans cet espace. Mais voilà que huit ans après la création de ce regroupement, bien de choses ont changé au sein de certains Etats membres. Des changements de pouvoir ont été opérés à travers des coups d’Etat au Mali et au Burkina.

Au Tchad, le Maréchal-Président Idriss Déby Itno a trouvé la mort et remplacé par son fils. L’arrivée au pouvoir de militaires au Mali et surtout le choix de partenaires russes pour aider à combattre les terroristes au détriment de la force française Barkhane a jeté un froid dans les relations diplomatiques entre Bamako et Paris. Et c’est dans ce contexte que le Mali décide de claquer la porte du G5 Sahel. Raison invoquée par les autorités maliennes, la non tenue de la conférence des chefs d’Etat de l’organisation en février 2022 à Bamako.

Elle devait pourtant  consacrer le début de la présidence malienne du G5, étant entendu que chaque état membre assure cette présidence de façon tournante. Bamako assure avoir écrit à trois reprises au président en exercice de l’organisation, le Tchadien, Mahmat Idriss Itno, au sujet de cette situation, mais il n’y a point eu de suite. Dès lors, les autorités de Transition maliennes ont vu à travers ces silences, l’opposition d’un Etat membre qui avance la situation politique interne nationale pour empêcher la présidence malienne de l’organisation. Et cette opposition serait liée aux manœuvres d’un Etat extrarégional.

A l’analyse, on peut penser aisément au Niger comme étant cet Etat membre qui s’oppose et il serait manipulé par la France qui n’est autre que l’Etat extrarégional. On sait que Niamey n’a pas toujours tenu un discours avenant à l’endroit du pouvoir militaire au Mali et entre Paris et Bamako, c’est désormais le désamour.

D’un G5 à un G4 ?

Si certains observateurs estiment qu’il ne faut pas tirer des conclusions hâtives quant à cette annonce, d’autres, à l’image du Président nigérien, Mohamed Bazoum, pensent que le retrait du Mali sonne le glas de cette organisation. Pour le président Bazoum, depuis le second coup d’Etat au Mali, en mai 2021, Bamako est dans une fuite en avant qui l’isole en Afrique et prive l’organisation d’une stratégie concertée et coordonnée pour lutter contre le terrorisme. Même si on ne peut pas, à proprement dit, parler de la mort de l’organisation, ce retrait malien sonne comme un coup dur pour le G5 Sahel.

Déjà que sa force conjointe, créée en 2017 et forte de 5000 hommes issus des armées des Etats membres, n’a jamais été opérationnelle et souffre d’un soutien financier conséquent. A contrario, une certaine opinion pense que le retrait du Mali ne peut entraver le fonctionnement de l’organisation. D’autant plus qu’il ressort que le pays n’a participé ni à son financement ni jamais apporté sa part de contingent militaire.

Peut-on alors passer d’un G5 à un G4 ? Et si les autres pays prenaient des dispositions pour assurer le fonctionnement du secrétariat permanent, de l’état-major ainsi que de l’école de guerre de l’organisation qui doit être mise en place, de même que ses autres missions d’intégration régionale de développement telles que la création d’une compagnie aérienne et la construction d’une ligne de chemin de fer pour assurer la desserte entre Etats membres ? Si cette éventualité est envisageable, peut-on vraiment pacifier le Sahel sans le Mali sur le plan sécuritaire ?

Car, c’est bien de là que le terrorisme a été alimenté par des groupes djihadistes liés à Al-Qaïda et à l’organisation Etat islamique, ainsi qu’à des violences de toutes sortes perpétrées par des milices autoproclamées d’autodéfense et des bandits. Ces violences, parties du Nord en 2012, se sont propagées au Centre, puis au Burkina Faso et au Niger voisin. Elles ont fait des milliers de morts civils et militaires ainsi que des centaines de milliers de déplacés, malgré le déploiement des forces onusienne, française et africaine. A moins que les autorités en place à Bamako et leur partenaire russe n’inversent la tendance.

Gabriel SAMA