Editorial : Equité dans le foncier

«Ces dernières années, la spéculation foncière a pris une ampleur considérable. Sans un encadrement dans ce domaine, la société court le risque d’une violente implosion». Cette remarque a été faite par le Premier ministre, Apollinaire Kyélem de Tambèla, lors de sa Déclaration de politique générale, le samedi 19 novembre 2022 devant l’Assemblée législative de Transition (ALT).

Ce constat, nombre de Burkinabè l’ont fait sans pour autant avoir les moyens d’agir. Ils osent croire que les propos du Premier ministre sont le début d’une solution à la situation. Ce, d’autant plus qu’Apollinaire Kyélem de Tambèla ne s’est pas contenté d’exposer le problème mais a aussi proposé des solutions. Il a préconisé, entre autres, l’accélération de la digitalisation du foncier. Ce qui permettra, selon lui, un recensement plus précis des parcelles et la détection des anomalies.

Il est aussi conscient que la digitalisation permettra d’assainir le cadastre fiscal. A ce niveau, à notre sens, il serait indiqué de mettre des garde-fous pour désormais limiter le nombre de parcelles qu’une personne peut acquérir au Burkina Faso. Pourquoi pas à deux ? C’est à la limite insultant de savoir que certaines personnes ont acquis à leur propre compte des centaines de parcelles à Ouagadougou et ailleurs. A ce sujet, le rapport d’enquête parlementaire de 2016 qui a fait ces révélations et qui dort toujours dans les tiroirs doit être exhumé et exploité à bon escient.

S’il y a lieu de retirer des parcelles à des intouchables d’antan, il faut le faire, ne serait-ce que pour faire espérer les Burkinabè quant à des lendemains meilleurs en ce qui concerne le foncier. Le point le plus important, sans doute, abordé par le Premier ministre dans le domaine, aux yeux des Burkinabè, est l’annonce d’une étude pour éventuellement fixer un prix plafond des parcelles à usage d’habitation. Si cette mesure venait à voir le jour, elle aura une répercussion positive sur le prix d’achat des parcelles, mais aussi, par ricochet, sur le coût des loyers à usage d’habitation.

Les petits revenus qui peinent à trouver un logement décent dans les centres urbains seront soulagés, foi de Me Kyélem. C’est indéniable. En vérité, combien de Burkinabè peuvent disposer de plusieurs millions F CFA pour s’acquérir une parcelle dans une zone lotie à Ouagadougou ou à Bobo-Dioulasso ? Pour ne parler que des deux grands centres urbains du pays. Même dans les localités reculées, ce n’est pas évident. Raison pour laquelle la majorité des Burkinabè se rabattent sur les zones dites non loties pour construire de quoi abriter leurs petites familles.

Il est vrai que la situation n’est pas reluisante, de la faute d’acteurs divers dont les populations elles-mêmes qui ne sont pas toujours exemptes de tout reproche. Certaines, à force de se spécialiser dans la revente des parcelles, se retrouvent, au soir de leur vie, sans aucune. Après avoir résidé dans les « non-lotis », elles acquièrent des parcelles, après viabilisation ou lotissement, qu’elles revendent, malgré leur situation de vulnérabilité. Un assainissement de la procédure sur toute la ligne mettra fin à tout cela et pourra constituer un frein à l’étalement exagéré des centres urbains, avec son lot de problèmes d’assainissement, d’électrification et d’approvisionnement en eau potable.

Avec une parcelle, celui qui le désire peut construire à niveaux au lieu d’en vouloir plusieurs pour ses réalisations. Aussi, les superficies des terrains octroyés peuvent être revues. On n’a pas nécessairement besoin de 300, 400, voire 500 m2 pour construire une maison pour habiter. Sous d’autres cieux, on en a de 150 m2 et les populations de ces pays ne vivent pas moins bien que les Burkinabè. Tout dépend de la manière d’exploitation de l’espace.

Un autre volet non moins important est le traitement à réserver aux promoteurs immobiliers. Il faut beaucoup de rigueur et des mesures anticorruption fortes, notamment dans leur relation avec l’administration publique. Chaque acteur de la chaine doit œuvrer au bien-être des Burkinabè sans distinction.

Daniel ZONGO

danielzong62@yahoo.fr