Transformation des produits locaux : du « babenda » précuit et séché pour ses adeptes

Le babenda, un met prisé de certains Ouagalais.

Assétou Traoré/Lingani est une Burkinabè passionnée de cuisine. Une autodidacte qui s’est distinguée dans la transformation des produits locaux, notamment les céréales précuites séchées. La rigueur et l’obstination lui ont permis de remporter 36 prix, 3 trophées et 2 décorations sur le plan national et international. Egalement formatrice dans le domaine, elle est la promotrice de l’entreprise « Tout Super (Faso Balo)».

Spaghetti à base de céréales, riz au soumbala, riz au gras, zamnè, yongon … précuits, sont des trouvailles d’Assétou Traoré/Lingani, une Burkinabè douée dans la transformation des produits locaux à Ouagadougou. Ses dernières innovations sont le babenda, un met à base de farine de céréales et de feuilles (500 g à 1 250 F CFA) et le café de soja (120 g à 500 F CFA). Tous ces produits sont déjà précuits, séchés et emballés avec des indicatifs sur le mode de préparation finale.

Ils sont le fruit de plusieurs années d’essais et d’échecs de la transformatrice. Mais à force de persévérance, celle-ci finit par trouver la bonne formule. « Pour le babenda par exemple, j’ai mis trois ans pour l’avoir. J’étais très contente», déclare-t-elle. Mme Traoré justifie cette obstination par la volonté de soulager les gourmets du babenda qui ne savent pas comment le préparer ou qui n’ont pas la patience de nettoyer les feuilles, principaux ingrédients. « Je leur offre un produit déjà prêt pour la préparation où il suffit d’ajouter de l’eau et de poser sur le feu», annonce-t-elle. Brevet en main, elle dit garder soigneusement le secret. Aujourd’hui, plusieurs acteurs s’investissent dans la transformation de l’agroalimentaire. C’est l’heure des incitations au «consommons local».

Toutefois, Assétou Traoré/Lingani est l’une des pionnières en la matière. En effet, selon elle, c’est depuis 1990 qu’elle s’est lancée dans la transformation des céréales, notamment la farine de petit mil en grumeaux pour la bouillie. Aujourd’hui, elle excelle dans le domaine en proposant divers produits que sont, entre autres, des jus, des fruits, des farines séchées… On peut se les procurer dans les boutiques « ETS Tout super (Faso Balo)» à Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Tenkodogo. Le demi-kilogramme de déguè précuit coûte 1 500 F CFA, le riz au gras et le riz au soumbala vaut 1 250 F CFA.

Parlant de ses débuts, Mme Traoré confie que tout est parti d’une mévente en 1990. « J’étais vendeuse de bouillie et de galettes. Un jour, après avoir fait ma bouillie de farine de petit mil, il est resté beaucoup de grumeaux. Je les ai étalés pour qu’ils sèchent. Par la suite, j’ai vu qu’ils présentaient bien et j’ai fait la bouillie. J’ai constaté que la bouillie de grumeaux frais et celle des grumeaux séchés est pareille. Le goût est le même», confie-t-elle. Avec cette expérience, elle a décidé de faire des grumeaux chaque dimanche et sécher pour toute la semaine.

Les grumeaux de farine de petit mil, fer de lance de la promotrice.

« Cela m’a permis de gagner en temps et en repos car, je ne me levais plus chaque jour à 4 heures du matin pour fabriquer les grumeaux», confie-t-elle. Au mois de carême, elle fait les grumeaux de bouillie pour partager aux parents et amis. Et quelques années plus tard (en 1997), à la demande des consommateurs, elle en fabrique pour commercialiser. Elle qualifie cette période d’une étape importante dans sa spécialisation. De bouche à oreille, la bonne qualité de ses marchandises finit par conquérir le cœur de certains Ouagalais.

Une année après, dans ses nombreuses balades, la promotrice rencontre un monsieur qui fait du commerce entre Ouaga et New York (Etats-Unis d’Amérique). Celui-ci lui lance la plus grosse commande de 4 cartons de 60 kg de grumeaux de bouillie et de dèguè précuits, à livrer en 48 heures. « Pour exécuter ce marché, j’ai travaillé plus de 24 heures, de 4 heures du matin à 9 heures du matin le lendemain », déclare-t-elle. Au finish, elle dit empocher 100 000 F CFA.

La décision d’en faire une activité principale est désormais prise. De 5 cuvettes au départ, elle arrive à écouler des tonnes. Galvanisée, l’innovatrice essaie plusieurs aliments : coucous de riz, vermicelles, biscuit de pain de singe, jus… Elle n’hésitait plus à parcourir des kilomètres à pied pour proposer ses trouvailles aux clients. « A pied, je quittais Pissy pour faire le tour des marchés, des services, avec mes marchandises sur la tête. Je recevais des encouragements des hommes et venant des femmes, c’était des moqueries.

Il était impensable pour celles-ci de voir une des leurs, se balader pour vendre des grumeaux». Sa notoriété grandit après son passage à l’émission culinaire « Bien manger, mieux vivre », de Flore Yaméogo à la Radiotélévision du Burkina (RTB). La moisson est bonne : 36 prix en transformation agroalimentaire, 6 trophées et 2 décorations. Trois prix en 2007 dont le 1er prix en agroalimentaire à Niamey, au Niger.

Le surnom « Tout super »

Assétou Traoré : « au début, je recevais des encouragements des hommes et des moqueries des femmes».

L’appellation « Tout super », serait venue du fait que quand les clients goûtaient à ses produits, ils disaient : super. C’est ce qui la pousse à marquer sur ses emballages : super bouillie, super farine… « Aussi, un garçonnet ayant remarqué le mot super sur tous mes emballages, me conseilla de donner le nom Tout super à mon entreprise. J’en fus conquise. D’où le nom « Ets Tout super- Faso Balo». Assétou Traoré, dans son ascension, bénéficia de l’appui en conseils et voyage d’études de l’ONG française Afrique vert.

Ces voyages lui ont permis de faire le tour de la sous-région et de visiter certains pays européens. Selon elle, c’est après un voyage effectué au Bénin qu’elle s’est octroyée des équipements de travail et a aménagé une salle de production qu’elle désigne comme « une petite maison aux grandes idées». Aidée de 11 employés, en plus des membres de la famille dont son mari, elle dit arriver à vendre environ une dizaine de sacs de 100 kg de grumeaux de bouillie et de dèguè par mois.

La bonne réputation de la transformatrice va au-delà de nos contrées. Les clients viennent de la sous-région, du Congo, de l’Europe. Le temps des bonnes affaires est le temps des vacances. Cependant, elle déplore la crise sanitaire due à la COVID-19 qui a ralenti son business. Grâce aux revenus tirés de cette activité, l’innovatrice arrive à satisfaire les besoins de sa famille. Elle est détentrice de parcelles, d’un site à Toussiana où on produit du beurre de karité et des mangues séchées. « J’ai voulu m’y installer pour être plus proche des matières premières et de la main d’œuvre bon marché.

L’entreprise « Tout super » s’investit aussi dans la transformation
de la mangue.

Mais ça n’a pas marché car je suis très sollicitée à Ouaga. Je n’ai pas trouvé quelqu’un de confiant pour responsabiliser », déplore-t-elle. Elle dit avoir subi des pertes et des vols. C’est pourquoi, elle préfère miser sur un autre en construction à Ouagadougou. Pour la relève, elle compte sur ses enfants, ses sœurs et surtout sa petite fille. « Cette dernière s’intéresse beaucoup à l’activité. Quand je vais prendre ma retraite, si elle le veut toujours, elle sera ma remplaçante», envisage Mme Traoré.

La spécialiste a plusieurs projets qu’elle souhaite réaliser. Il s’agit de la commercialisation des équipements agroalimentaires, des emballages, des céréales et l’ouverture d’un restaurant VIP spécialisé dans la préparation des mets typiquement burkinabè. Aujourd’hui l’entrepreneure veut évoluer dans la production et la vente en gros uniquement en laissant le volet vente au détail à d’autres personnes. Pour cela, elle est prête à tisser des partenariats.

Habibata WARA