Déclaration de politique générale: l’ombre de Sankara a plané

Plutôt qu’un chapelet de promesses, le discours du Premier ministre esquisse une vision pour le Burkina de demain.

Le nouveau Premier ministre de Transition a délivré son Discours de politique générale, conformément à la Constitution, le 19 novembre dernier, à l’Assemblée législative de Transition (ALT). Un des faits marquants dans cette adresse, réside dans la référence continue aux idées ou aux paroles de Thomas Sankara, confirmant l’idée selon laquelle, le Premier ministre Apollinaire Joachim Kyélem de Tambèla est un sankariste dans l’âme.

La vérité et la sincérité semblent caractériser les sorties médiatiques du nouveau Premier ministre. Cela s’est encore montré lors de sa Déclaration de politique générale, prononcée devant l’Assemblée législative de Transition, conformément à la Constitution.

Un des députés, intervenant à l’issue du discours du chef du gouvernement, a laissé entendre que rarement, on a entendu une telle adresse d’un chef de l’exécutif à l’hémicycle. Et une de ses collègues a même plaidé pour que ce discours soit édité en bréviaire à l’intention des établissements d’enseignement du pays. La réalité est que la mention figurant en bas de page du document a révélé l’esprit de ce discours et la pensée du Premier ministre.

En effet, il y est écrit Discours d’orientation et d’engagement patriotique (DOEP). Ce qui fait penser au Discours d’orientation politique (DOP) du 02 octobre 1984, qui fut la boussole de la Révolution démocratique et populaire (RDP) du capitaine Thomas Sankara. Quoi de plus normale pour Me Kyélem de Tambèla, qui a toujours convoqué Sankara dans ses propos. Avant d’être appelé à la tête du gouvernement de Transition du MPSR 2, l’avocat et homme de Droit s’est surtout fait connaitre à travers les plateaux de télévision et l’animation de conférences publiques au cours desquels, il a toujours magnifié l’œuvre du capitaine Sankara.

D’ailleurs, son admiration pour le père de la Révolution burkinabè ne date pas d’aujourd’hui. Durant ses études universitaires en France, il a fait partie des étudiants de la diaspora qui ont apporté un soutien actif au capitaine Sankara. Dans la ville de Nice où il étudiait, il a, avec des camarades à l’époque, créé le Comité de défense de la Révolution de cette ville. Rien d’étonnant aussi, quand on sait qu’il est l’auteur de l’ouvrage intitulé : « Thomas Sankara et la Révolution au Burkina Faso. Une expérience de développement autocentré ».

Le discours du Premier ministre du 19 novembre dernier s’est adossé sur trois thématiques majeures : la restauration de l’intégrité territoriale et la sécurisation des personnes et des biens, le bien-être des Burkinabè, la refondation de la société par une gouvernance vertueuse et visionnaire Dans toutes les problématiques abordées lors de ce speech devant les députés, l’ombre de Sankara s’est fait sentir.

De la sécurité à l’agriculture, en passant par l’éducation, la bonne gouvernance, la lutte contre la corruption, l’emploi, la santé, la culture, la refondation de la société, des idées révolutionnaires d’inspiration sankariste n’ont pas manqué.

Vision endogène

Ainsi, au sujet de la production cotonnière et de l’habillement à base de coton burkinabè, le Premier ministre a repris les propos du capitaine Sankara lors de son adresse au Sommet de l’UA en 1987, OUA à l’époque, où celui-ci martelait que les vêtements qu’il portait devant l’auguste Assemblée sont le fruit des producteurs de coton, de tisserands et de couturiers burkinabè.

Il ajoutait qu’aucun fil n’est venu de l’étranger. Plus loin, Me de Tambèla affirme que « nous devons urgemment stimuler l’innovation et la recherche afin de mettre les bases d’un développement industriel, créateur de valeur ajoutée et d’emplois », ajoutant qu’il ne faut pas avoir peur d’oser, avant de terminer par cette célèbre phrase du capitaine-président assassiné en 1987 : « osons inventer l’avenir ».

Evoquant l’appropriation de leur propre culture par les citoyens, Me de Tambèla dira ceci : « chaque Burkinabè devra se sentir fier de sa culture et fier d’être Burkinabè ». Un écho aux propos du capitaine Sankara qui exhortait les uns et les autres à vivre africain dans la fierté, la dignité et la liberté. Panafricaniste convaincu, le nouveau Premier ministre a également laissé percevoir, dans son propos devant les députés, cette fibre.

En effet, il a indiqué vouloir esquisser à l’endroit des voisins immédiats du Burkina, des rapprochements pour jeter les bases de l’avènement d’un Etat fédéral en Afrique de l’Ouest, incluant le Burkina. Cette vision n’est pas loin d’épouser l’idée de Thomas Sankara qui avait appelé les Etats africains à s’unir pour résoudre la question de la dette imposée par des pays occidentaux et qui les maintient dans la pauvreté continue.

Dans le discours délivré par Me de Tambèla, on a pu percevoir des chantiers à réaliser dans les domaines tels que les infrastructures routières et ferroviaires, l’agriculture et l’élevage, le foncier, l’éducation, la culture. Mais l’on est conscient que le temps imparti à la Transition ne permettra pas la mise en œuvre effective de ces chantiers. Voilà pourquoi le Premier ministre a espéré que l’équipe qui viendra, après la période de la Transition, achèvera le travail.

En attendant, une vision sankariste semble guider le chef de l’exécutif dans la réalisation de son programme de gouvernance pour la présente Transition. Et cela n’est pas mauvais en soi, si cela peut permettre au Burkina de faire des bonds qualitatifs. A L’évidence, personne ne peut être sankara à cent pour cent, mais s’en inspirer dans ce qu’il y a eu de positif dans l’action de l’homme pour sortir le Burkina Faso de l’ornière, vu le contexte actuel, peut être salué à sa juste valeur.

Gabriel SAMA