Transformation des produits forestiers non ligneux: une industrie florissante à Manga

La responsable du REPAFER,Marie Jeanne Tondé, travaille avec une soixantaine de femmes qui trouvent leur compte grâce aux PFNL.

Les transformateurs des Produits forestiers non ligneux (PFNL) rivalisent d’ingéniosité à Manga, chef-lieu de la région du Centre-Sud. En effet, des femmes et des hommes en ont fait un métier à part entière qui leur vaut des lauriers. Au-delà de leur indépendance économique et financière, ces acteurs contribuent à la création d’emplois pour beaucoup de jeunes. Nous sommes allés à la rencontre de ces braves personnes dans la cité de l’Epervier.

Longtemps consommés à l’état brut, les Produits forestiers non ligneux (PFNL) font, de nos jours, l’objet de transformation en divers sous-produits au grand bonheur des consommateurs. A Manga, dans le Centre-Sud, ils sont nombreux les acteurs qui s’y adonnent à cœur joie. Marie Jeanne Tondé est responsable du Réseau pour la promotion et l’autonomisation de la femme rurale (REPAFER), sis au secteur 5 de la ville. Un réseau créé en 2018 et qui s’est lancé, trois ans plus tard, dans la transformation des PFNL.

Aux dires de dame Tondé, cela a été possible grâce à une formation reçue avec le Fonds d’appui à la formation professionnelle et à l’apprentissage (FAFPA). Lorsqu’on parle de produits forestiers non ligneux, on fait référence aux fruits de la nature à l’exception du bois, tels que le karité, le néré, la liane, le raisin, le pain de singe, etc. Les produits concernés par la transformation chez Marie Jeanne sont l’arachide en croquettes et en huile, le néré en soumbala, le baobab en pain de singe, le karité en beurre et savon (boule, liquide, pommade mentholée) pour différents usages.

Pour en arriver là, la présidente du REPAFER précise avoir été équipée en matériel de production de plus de deux millions F CFA après sa formation. Parmi ce matériel, il y a un moulin et un torréfacteur. Aujourd’hui, 65 femmes, membres du Réseau,gagnent leur vie à travers cette activité de transformation. Concernant l’écoulement des produits, il se fait principalement au niveau local, à Manga.

Mme Sophie Bouda/Zoungrana, présidente de la coopérative simplifiée Venegrenooma, est dans la transformation des PFNL depuis 2007.

Cependant, l’ambition de Mme Tondé est d’agrandir son activité afin de conquérir une part du marché national, voire sous régional. Déjà, elle reçoit des commandes de quelques produits depuis la capitale, Ouagadougou. Selon elle, l’activité est bien rentable car, elle lui permet d’assurer les dépenses de sa famille. En effet, elle dit participer financièrement à la scolarisation de ses cinq enfants, ainsi que d’autres charges familiales. Dans le même secteur de Manga, se trouve la coopérative simplifiée Venegrenooma dont Sophie Bouda/Zoungrana est la présidente.

Une coopérative créée en 2007 et bien connue dans la localité à travers les PFNL qu’elle transforme. Aujourd’hui, elle compte 25 membres, toutes des femmes. Sa spécialité est le soumbala, le beurre de karité et les produits dérivés du moringa. Avec l’appui des services de l’environnement, ses membres ont bénéficié de plusieurs formations dans la transformation des PFNL.

Cherté de la matière première

En ce qui concerne la matière première, notamment les amandes de karité et les graines de néré, elles se ravitaillent avec les femmes des villages environnants. A entendre les transformatrices, les matières premières coûtent extrêmement cher de nos jours. Malgré tout, elles arrivent à tirer leur épingle du jeu. La vente du soumbala et du beurre de karité de la coopérative se fait à Manga, à Ouagadougou, en Côte d’Ivoire et parfois en Europe. Selon Mme Bouda, les retombées économiques issues de la transformation des produits forestiers non ligneux leur sont d’une importance capitale car, elles leur permettent d’être entièrement autonomes dans bien de domaines.

A cet effet, elle n’oublie pas l’appui-conseil que les services de l’environnement du Centre-Sud leur apportent en permanence. Mieux encore, ce sont eux qui leur ont ouvert certaines portes pour faciliter l’écoulement de leur production. Grâce à ce soutien, la coopérative a

Quelques femmes du REPAFER en pleine séance de production au sein de leur siège.

été équipée en matériel de transformation, notamment des marmites, des séchoirs, des foyers à gaz, des bouteilles de gaz et une machine à sceller. Il en est de même pour les multiples formations qu’elles bénéficient auprès des partenaires.

« Les services de l’environnement nous ont mises en contact avec une grande association dénommée Weog la Viim et une association canadienne qui nous soutiennent beaucoup », affirme la présidente de la coopérative, Sophie Bouda /Zoungrana. Les femmes sont les plus nombreuses transformatrices des PFNL de la capitale du Centre-Sud, mais un homme se distingue également dans le domaine. Basé au quartier Gago de Manga, Rayimwendé Savadogo s’est spécialisé depuis 2009 dans la transformation de beurre de karité en divers sous-produits. A partir du beurre pur de karité, il fabrique du savon et des pommades.

A l’opposé des autres acteurs et actrices qui ont appris sur le tas, Rayimwendé Savadogo, lui, a fait des études supérieures à l’Université polytechnique de Bobo-Dioulasso (UPB), en génie biologique, option agro-alimentaire. Nanti d’une licence professionnelle en 2009, il décide de se créer un emploi à travers la transformation de beurre de karité. Après des stages pratiques dans certaines structures, il lance sa petite unité de transformation du beurre de karité en différents sous-produits.

Il produit essentiellement le savon (toilette et lessive), les pommades et surtout le beurre nature pour la consommation après un traitement. Le savon et la pommade de Rayimwendé Savadogo sont des produits qui soignent différentes maladies dermatologiques et même les hémorroïdes, la toux, le rhume… Dans son travail, Rayimwendé Savadogo a l’appui de son épouse.

Après des études supérieures à l’Université polytechnique de Bobo-Dioulasso (UPB), Rayimwendé Savadogo s’est lancé dans la transformation du beurre de karité en divers sous-produits.

Cependant, il fait recours à deux autres femmes de la ville qui l’aident pour le conditionnement et l’emballage. La production se fait sous un système de contrôle qui garantit la qualité des différents sous-produits obtenus. Pour cela, M. Savadogo ne prend que le beurre de karité issu des amandes biologiques collectées par les femmes. Ainsi, même si ses produits n’ont pas encore eu la certification OHADA, il n’en demeure pas moins qu’ils sont bio.

Néanmoins, ils ont la certification ABNORM qui leur permet d’être compétitifs. S’agissant de l’écoulement, les produits de Rayimwendé Savadogo sont disponibles sur les rayons des alimentations à Ouagadougou, dans les marchés des différentes communes du Zoundwéogo, du Boulgou et au Niger. La matière première, à savoir le beurre de karité, est acquise auprès d’une association de femmes basée à Manga. A chaque achat, c’est une demi-tonne de beurre de karité au prix de 550 000 FCFA qui est livrée.

Au regard de ses qualités professionnelles, M. Savadogo dit être en étroite collaboration avec la direction régionale en charge de l’environnement du Centre-Sud qui, non seulement l’associe à beaucoup de formations, mais le prend parfois comme un formateur. Dans le domaine des PFNL, Sophie Gouba née Sawadogo est aussi une référence en la matière à Manga. Elle se distingue de par son organisation et surtout la qualité de ses produits. Basée également au secteur 5 de la ville, son entreprise individuelle qu’elle a formalisée en 2014 a, à son actif, une dizaine de produits forestiers non ligneux transformés.

Pour ce qui concerne le beurre de karité, c’est entre une et trois tonnes par mois que l’entreprise de Mme Gouba dénommée « Yehush » utilise pour la transformation des sous-produits qui se fait exclusivement avec des machines. Aujourd’hui, outre le beurre de karité, elle excelle dans la transformation d’autres types d’huiles. Ainsi, on y trouve les huiles de balanites, de moringa, de neem, de sésame, de baobab, etc. A en croire Sophie Gouba, tout ce qui est graine oléagineuse peut être transformé en huile, en crème, en lait, en savon et en pommade.

L’entreprise « Yehush » est également connue dans la transformation des graines de baobab en soumbala, de beurre de mangue, d’huile de gingembre, d’eucalyptus et d’ail, sans oublier le lait de soja qui est très prisé.

La conquête du marché international

La structure de Mme Gouba emploie dix femmes et deux hommes permanents et temporairement entre 50 et 100 permanents personnes au moment des grandes productions. En ce qui concerne l’écoulement, avoue Sophie, le début était difficile, mais depuis que l’entreprise a commencé à participer aux foires, il y a eu une grande ouverture sur le marché.

C’est ainsi que les produits sont vendus sur le plan national à Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Kongoussi et Réo. Dans la sous-région, ce sont les villes d’Abidjan (Côte d’Ivoire), de Dakar (Sénégal), de Lomé (Togo), de Bamako (Mali), de Niamey (Niger) et de

Conakry (Guinée) qui sont conquises. Mieux encore, les produits de Mme Gouba s’écoulent aisément en France, au Liban, en Belgique, au Canada et en Suisse. A titre d’exemple, c’est une tonne de produits dérivés du beurre de karité qui est envoyée chaque fois en France et deux tonnes de beurre de karité nature à Dakar.

Sur place, à Manga, l’écoulement est très lent mais depuis un certain temps, le marché local commence à prendre grâce à un système que l’entreprise a développé. La première responsable de l’entreprise salue également l’appui de la direction régionale en charge de l’environnement du Centre-Sud qui l’a aidée à grandir. Selon le premier responsable de cette direction, le colonel des Eaux et Forêts Kawiba Moïse Sia, les PFNL constituent une filière importante au niveau de la région du Centre-Sud.

A Manga, l’entreprise « Yehush » de Sophie Gouba est dans la transformation de plusieurs produits forestiers non ligneux.

« Beaucoup d’acteurs s’organisent autour de cette filière, si bien qu’il ya des créations d’emplois autour d’elle », se réjouit-il. Pour lui, les produits les plus prisés dans la région sont les amandes et le beurre de karité, le soumbala et les lianes. « Afin de permettre aux différents acteurs de mener à bien leurs activités, nous les encadrons au niveau des différentes structures déconcentrées, que ce soit dans les services départementaux, les directions provinciales ou régionales », révèle M. Sia. Cet accompagnement, à l’entendre, concerne les techniques de transformation et la reconnaissance administrative, à savoir la conformité selon la loi OHADA.

Selon les explications du Directeur régional (DR) Sia, certains acteurs des PFNL ont bénéficié du soutien de sa structure grâce au partenariat qu’elle entretient avec la SNV, TreeAid, TiiPaalga, etc. Le souci majeur des acteurs des PFNL se rapporte à la certification. Elle est obligatoire et son coût élevé limite un peu les acteurs dans leur élan. « Nous avons des formations en cours pour renforcer leurs capacités et créer des réseaux afin d’amortir les coûts et faciliter la certification », assure le DR.

En termes de contribution des produits forestiers non ligneux à l’économie locale, M. Sia dit ne pas disposer de statistiques mais soutient qu’ils occupent le quotidien des femmes, tout en leur procurant des revenus substantiels. Cependant, le DR déplore le comportement de certains acteurs qui se soucient peu ou pas de la régénération de la forêt. C’est pourquoi, il les invite à sauvegarder ce potentiel afin qu’il profite aux générations futures. Cela passe, selon lui, par l’adoption de bonnes pratiques de récolte pour permettre à la ressource de se régénérer.

« Quand vient la période des récoltes, c’est la ruée vers les arbres et personne ne se préoccupe de quelle technique utiliser afin de préserver la ressource. Si on continue avec ces mauvaises pratiques, la fin de la ressource va sonner», prévient le colonel des Eaux et Forêts, Kawiba Moïse Sia.

François KABORE