Les villages de Béguédo et de Niaogho se distinguent à vue d’œil par leur développement dans la province du Boulgou. Séparés par le fleuve Nakambé, ces deux localités sont de véritables cités grâce au dynamisme individuel et collectif de leurs ressortissants vivant à l’étranger, notamment en Italie. Découverte !
Originaire de la commune rurale de Béguédo, Issouf Bara, la trentaine révolue, a été piqué par le virus de l’aventure en 2005. Il pose alors pour la première fois de sa vie, son baluchon à Milan, une métropole de la région de la Lombardie, au Nord de l’Italie. Dès son arrivée, il trouve du travail dans une industrie de fabrique d’ustensiles de cuisine. Au bout de six mois, il abandonne ce boulot pour un autre, cette fois-ci dans une usine de pièces de voitures où il passe huit ans. Malheureusement, des arriérés de paiement vont l’amener à renoncer à cette seconde activité.
La recherche d’un autre emploi se solde par des échecs. Il décide alors de regagner sa mère patrie, après près de 10 ans passés à l’étranger. Grâce à ses économies, il achète un véhicule d’occasion à 8 000 euros (près de 6 millions F CFA) auprès d’une connaissance. Le camion est convoyé au Burkina Faso. Issouf Bara se lance alors dans l’entrepreneuriat avec comme secteur d’activités, la livraison d’agrégats pour la construction de villas dans son village en plein essor. Travailleur acharné, l’homme est aujourd’hui un entrepreneur prospère. Il possède quatre camions et des villas, mises en location. « L’Italie a fait de moi ce que je suis devenu. Mon séjour dans ce pays m’a été très bénéfique.
Cela m’a permis d’entreprendre aujourd’hui », explique-t-il. Après son retour au pays, M. Bara est resté membre de l’Association des ressortissants de Béguédo en Italie (ARBI). « Lorsque je suis rentré au pays, je continuais à payer mes cotisations. Mais à un moment donné, J’ai arrêté », affirme-t-il. Tout comme lui, ses frères restés en Italie contribuent au développement de Béguédo par le biais de ladite structure. Le secrétaire général de l’ARBI, Wahabou Bara, qui vit en Italie depuis 2003, fait partie de ces généreux soutiens.
L’idée de création de l’association, explique-t-il, a germé suite au décès d’un compatriote. La plupart d’entre eux, avoue-t-il, sont sans papiers. Les formalités administratives représentent donc, dans ce cas malheureux, un véritable casse-tête chinois. « Nous avons dû faire des pieds et des mains pour dénicher un parent à Rome qui disposait de documents légaux afin de pouvoir décanter la situation », relate-t-il. Les ressortissants du village en Italie décident alors de trouver des solutions pérennes pour parer désormais ce genre de problèmes. D’où la création de l’ARBI qui compte à ce jour plus de 900 adhérents.
Un village métamorphosé
Le bureau central se déplace pour rencontrer les huit sections reparties à travers l’Italie pour recruter de nouveaux membres. La cotisation est fixée à 25 euros (plus de 16 000 FCFA) par an. Chaque année, l’association encaisse au moins 22 500 euros (plus de 14 millions FCFA), atteste le secrétaire général. Les cas de décès étant rares, les cotisations s’accumulent. C’est ainsi, que l’association opte d’affecter ce fonds au développement de Beguédo. Le projet de transformer le Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) en un centre médical nait et devient une réalité. Quelques temps après, l’ARBI construit l’Inspection de l’enseignement primaire de la commune et procède à la réfection de la préfecture.
Tout comme Béguédo, la commune voisine de Niagho se métamorphose également au fil des ans grâce à l’apport de ses fils vivant en Italie. Président de l’Association des ressortissants de Niagho en Italie (ARNI), Passida Compaoré, vit dans ce pays européen depuis une vingtaine d’années. Il dépose ses pénates d’abord à Rome, puis à Napoli, et enfin à Brescia après la régularisation de sa situation. « J’ai été influencé par mes frères qui revenaient chaque fois de l’Italie toujours bien habillés et avec des voitures », soutient-t-il.
M. Compaoré et ses frères ont de nombreux projets de développement pour leur commune, notamment dans le domaine de la santé, l’éducation, l’assainissement et la sécurité. Ils disposent, pour ce faire, d’un répondant au Burkina Faso, en l’occurrence l’Association pour le développement de Niagho (ADN). Selon le président de cette structure, Abdoul Sakour Compaoré, ses « frères italiens », par le biais de l’ARNI, ont à leur actif la construction du CSPS II de Niagho à hauteur de 60 000 euros (plus de 39 millions de FCFA).
Ce centre de santé est composé d’un dispensaire, d’une maternité, d’un dépôt pharmaceutique, de quatre logements pour le personnel soignant et des latrines. En plus du CSPS, l’association a fait un don de trois ambulances à la commune, précise M. Compaoré. Au niveau de l’éducation, poursuit-il, l’ARNI a construit des salles de classes pour le lycée départemental et a doté l’établissement en matériels.
L’association a aussi construit un siège pour le service de l’environnement et le poste de gendarmerie du département de Niagho. Pour le secrétaire général de la sous-section de l’ADN, Amadou Compaoré, cette contribution des fils de Niagho a un impact très positif sur le développement de la commune. « Jetez un coup d’œil sur les constructions. Vous verrez rarement une maison en banco et en paille. Tout est construit en dur », dit-t-il fièrement.
Une saine concurrence
Compte tenu de la forte communauté de personnes originaires de Niagho et de Béguédo vivant en Italie, les deux villages sont devenus des centres d’affaires. Les banques et autres établissements financiers s’y bousculent, au regard de la forte transaction de capitaux. Cet essor économique influencera, peu à peu, les populations des communes et villages voisins tels Boussouma, Komtoèga, et Warigou. La plupart des habitants de ces localités vont, eux aussi, prendre le chemin de l’immigration.
Yacouba Saré est le secrétaire général de l’Association des ressortissants du département de Boussouma en Italie (ARDBI) et le délégué du Conseil supérieur des Burkinabè de l’étranger (CSBE) de la région de Lombardie. Selon lui, les Burkinabè se rendaient, autrefois, en Europe pour des études. « C’est la venue en Italie de nos frères généralement originaires de la province du Boulgou qui a déclenché cette vague d’immigration des Burkinabè sur le continent européen. Aujourd’hui, les chiffres officiels évoquent plus de 17 000 Burkinabè vivant en Italie.
Mais nous estimons leur nombre s’élève à plus de 30 000, en tenant compte de ceux qui vivent en situation irrégulière», précise-t-il. Plusieurs associations des différentes familles et villages de la province existent en Italie comme l’ARBI, l’ARNI, l’ARDBI, l’Association des ressortissants de Warigou etc. Toutes ces entités ont fédéré pour donner naissance à la Fédération des associations des Burkinabè en Italie, indique le secrétaire général de l’ARDBI.
Cette ambiance de « richesse et de réussite », à l’entendre, est soutenue par une saine concurrence. « Si un ressortissant vivant en Italie construit une maison de 20 tôles, son frère qui s’y trouve aussi construit une autre de 40 tôles à côté », commente le SG.
C’est ce qui a accéléré, fait-il remarquer, la construction des villas, de forages et des châteaux d’eau potable dans les villages. « Je prends l’exemple de ce fils de Niagho qui a construit une unité de fabrication d’eau minérale dans son village. Quelques mois après, deux unités ont été réalisées à Beguédo », illustre-t-il. Pour lui, cela a l’avantage de réduire le coût de la barrique d’eau. « Avant, la barrique d’eau d’une fontaine de l’ONEA coûtait 150 F CFA. Grâce à la construction des châteaux d’eau privés, la population peut se la procurer à 100 F CFA », explique Amadou Compaoré.
Pour contribuer encore plus au développement de leur terroir, les Burkinabè vivant en Italie demandent l’accompagnement de l’Etat. De l’avis du SG de l’ADN, leur ambition est d’ériger le CSPS de Niaogho en Centre médical avec antenne chirurgicale (CMA). « Nos frères ont acquis des appareils médicaux. Ils sont en relation avec des associations italiennes qui veulent nous aider », affirme-t-il. Et d’ajouter qu’il suffit que le gouvernement marque son accord, pour que les fils du village se chargent de la normalisation de l’hôpital.
Abdoulaye BALBONE