Ancien cadre de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) et ancien président du conseil d’administration de la Banque agricole du Faso (BADF), Constantin Dabiré, est le Président-directeur général de la Société africaine d’ingénierie et d’intermédiation financières (SA2IF). Dans cette interview accordée, à Sidwaya, il décrypte, entre autres, les défis liés au marché financier, les opportunités, les forces et les faiblesses du marché financier régional, sa place comme source alternative de mobilisation des ressources financières pour les Etats…
Sidwaya (S) : Comment définissez-vous le marché financier ?
Constantin Dabiré (C. D) : Le marché financier est un lieu où se rencontrent l’offre et la demande des produits financiers. C’est un marché sur lequel, des agents qui ont besoin de capitaux vont lever des ressources, sous forme de titres de propriété ou de titres d’emprunt, en vue de financer des projets, de réaliser leurs ambitions, à court, moyen ou long terme. Ce marché, qui dans les années 1990, était plus ou moins physique, s’est de plus en plus dématérialisé et les transactions se font à travers des plateformes électroniques et en continu.
S : Qui sont ces agents économiques à excédents de capitaux et ceux à besoin de capitaux, de financements ?
C. D : Parmi ces agents à besoin de capitaux, nous avons des personnes physiques, des entreprises publiques, parapubliques, privées, des Etats, et parfois des institutions financières internationales qui viennent sur ce marché pour lever des capitaux. En face de ces agents, nous avons des agents excédents de capitaux, des agents qui disposent de la ressource financière et qui voudraient placer cette ressource, optimiser ce placement. Il s’agit des personnes physiques, comme vous au moins, qui ont le plus souvent de l’épargne et qui veulent la placer afin qu’elle puisse rapporter des revenus, rapporter des coupons. Il y a aussi des personnes morales comme les entreprises qui viennent sur ce marché pour placer leurs excédents en vue de pouvoir maximiser leurs profits. On peut citer par exemple les banques commerciales qui réalisent de grands profits sur le marché financier, car elles y font beaucoup de placements. Le marché financier comporte généralement deux grands compartiments : le marché monétaire, jadis appelé marché de capitaux à court terme et le marché financier proprement dit. Dans la zone UEMOA, ces deux marchés sont bien distincts, mais ailleurs, on a de la peine à les distinguer.
S : Qu’est-ce qui distingue le marché monétaire du marché
financier ?
C.D : Aujourd’hui, il est difficile de faire une distinction assez nette de ces compartiments du marché financier. De par le passé, le marché monétaire, renvoyait plus à un marché de capitaux à court terme, sur lequel s’échangent des titres sur une maturité de deux ans ou moins. Quant au marché financier proprement dit, il se définit comme un marché où on échange de titres sur le moyen et long terme, donc au-delà de deux, trois, quatre, cinq ans. Mais aujourd’hui, sur le marché monétaire, dans la zone UEMOA par exemple, nous avons quelquefois des Etats qui y viennent avec des projets sur des maturités de cinq, sept ans. Ce qui m’amène à dire qu’il est difficile de faire une distinction nette entre ces deux types de marchés. Outre le critère de la durée, la différence pourrait se faire par les produits qui sont proposés et par les organes de régulation de ces marchés. Sur le marché monétaire de la zone UEMOA, l’organe de régulation est la BCEAO, à travers des entités spécifiques. Alors que sur le marché financier proprement dit, l’organe de régulation est l’Autorité des marchés financiers (AMF-UMOA).
S : Vous disiez tantôt que sur ces marchés, des titres y sont échangés. De quoi s’agit-il ?
C. D : Un titre est un instrument qui matérialise, soit la propriété, soit la dette d’une personne. Il s’agit d’un instrument, d’un produit qui permet de matérialiser une transaction d’achat ou de vente sur un marché financier. Par exemple, j’ai deux millions F CFA sur mon compte. Si je décide de les placer sur le marché, j’ai deux possibilités. Soit, je vais les placer sous forme de titre de propriété, c’est-à-dire, je vais aller y acheter des actions émises par d’autres sociétés. Et en achetant ces actions, en contrepartie, j’aurai un document appelé titre, pour faire simple. Et ce titre va matérialiser le fait que je suis propriétaire en partie de la société à concurrence de ma mise. Deuxième possibilité, au lieu d’acheter une action, je vais acheter un autre titre sous forme de dette. Ce qui veut dire qu’il y a quelqu’un qui vend sa dette que je vais acheter. Et ce titre va matérialiser le fait que je suis détenteur de la dette. Et à l’échéance, celui qui a émis le titre va me rembourser. De nos jours, avec les plateformes électroniques, ces titres sont de plus en plus dématérialisés.
S : Ces titres sont donc, soit des actions, soit des obligations …
C. D : Les obligations et les actions sont les titres les plus classiques. Mais, on trouve également d’autres types de titres comme les bons de trésor, les bonds assimilables de trésor, les obligations assimilables de trésor, les certificats de dépôt, les billets de trésorerie, qui sont utilisés sur le marché monétaire. Sur le marché financier proprement dit, nous avons les actions, les obligations. Mais au-delà de ces titres, de plus en plus, on a ce qu’on appelle des produits dérivés, qui sont une panoplie de produits qui sont émis sur les marchés, mais qui s’adossent sur les actions et les obligations émises. Et ces produits dérivés permettent également, le plus souvent, de faire des transactions, de couvrir les intervenants sur le marché.
S : Quelques exemples de produits dérivés…
C. D : Il y a les options d’achat, les options de vente, même si pour le moment, ces options n’existent pas dans la zone UEMOA. Nous avons quelquefois ce qu’on appelle les « Future Rate agreement ». Il y a également un comportement dédié aux matières premières, qui existe ailleurs et qui est en train de venir dans notre marché (ndlr : UEMOA). Cela veut dire qu’à l’avenir, dans notre zone, nous aurons la possibilité de faire des opérations de transactions sur les matières premières au niveau de la bourse. Et là également, ce serait des produits spécifiques, qui ne seraient pas des actions, des obligations, mais qui permettraient à celui qui est à Ouagadougou ou à Abidjan et qui souhaite acheter ou vendre une quantité d’or sur le marché financier de le faire. La Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) est en train de vouloir mettre en place une bourse des matières premières.
S : On entend parler d’investissement sur le marché financier. De quoi s’agit-il et comment investit-on sur le marché financier ?
C. D : Quand on parle d’investisseurs sur le marché financier, il faut voir en réalité une personne qui y vient avec de la ressource (ndlr : l’argent), y place cette ressource qui va générer de produits, des dividendes, des coupons. A partir du moment où elle y investit son épargne, on parle d’investissement sur le marché financier, qui est le fait de placer son épargne sur le marché et recevoir en contrepartie un titre. Le fait d’acheter un titre, vous investissez sur ce titre.
S : Parlant des acteurs du marché financier, outre ceux à besoin ou à excédent de capitaux, y en a-t-il d’autres ?
C. D : Nous avons une multitude d’acteurs sur le marché financier. Nous avons d’abord les souscripteurs ou agents à excédent de capitaux et les émetteurs, c’est-à-dire des agents a besoin de capitaux. Il y a ensuite le régulateur qui, dans notre cas, est l’AMF-UMOA. Elle est le gendarme du marché, contrôle l’activité du marché. La BCEAO joue également le rôle de régulateur pour ce qui concerne le marché monétaire. On a également la bourse qui est le lieu où ont lieu les transactions, les échanges de titres. Et dans notre cas, c’est la BRVM. Sans oublier le Dépositaire central/banques de règlement (DC/DR) qui est l’institution qui détient les titres, effectue les différents règlements. Il est l’intermédiaire entre l’agent qui vend et celui qui achète les titres.
A côté, il existe plusieurs types d’intermédiaires sur le marché financier. On distingue par exemple les coursiers comme les Sociétés de gestion et d’intermédiation (SGI) qui accompagnent les sociétés et les particuliers qui veulent aller en bourse, soit pour les lever des ressources, soit pour faire des placements et qui peuvent également être conservateurs des titres émis. C’est le cas par exemple de la SA2IF qui est une SGI. Nous avons également des agents purement commerciaux qui sont des apporteurs d’affaires dont le rôle est de mettre en relation les agents excédents ou à besoin de capitaux et les négociants que nous sommes pour faciliter les transactions. On a aussi les sociétés spécialisées dans la gestion des titres. Pour le marché monétaire, il y a UMOA-Titres qui est également un organe qui facilite les transactions au profit des Etats et qui est à la fois un agent qui fait la promotion et qui a un rôle similaire à la BRVM.
S : Quel regard portez-vous sur le marché financier régional ouest-africain, notamment de l’UEMOA ?
C. D : Le marché financier régional date des années 1997, même si avant 1997, la Côte d’Ivoire avait sa bourse. Comparé aux autres régions du monde, je dirais que le marché financier régional est assez récent. Et d’ailleurs quand on voit les transactions, le volume des titres, les produits qui y sont échangés, je dirais que c’est un marché encore embryonnaire, mais qui évolue, se développe très bien. Aujourd’hui l’impact de ce marché sur les transactions financières est palpable. Pratiquement tous les Etats, à part la Guinée-Bissau qui est plus ou moins une exception, viennent fréquemment sur ce marché chaque année pour lever des ressources en vue de financer leurs besoins d’investissements, leurs économies. Et ce marché joue un grand rôle. Si aujourd’hui par exemple la SA2IF existe en tant qu’intermédiaire, travaille, recrute du personnel, avec des partenaires, des fournisseurs qu’elle arrive à payer, c’est parce que le marché existe. Tout cela montre l’impact du marché financier sur le développement économique de nos pays, de notre région.
S : Pouvez-vous revenir sur le volume des transactions sur ce marché financier régional, et le comparer à celui d’autres marchés ?
C.D : Sur la place boursière, notre marché original doit être à la quatrième position en Afrique. Les chiffres en termes de capitalisation boursière à la date du mardi 22 octobre 2024 sont à plus de 9 536 milliards F CFA en ce qui concerne les actions et à plus de 10 523 milliards F CFA pour ce qui est des obligations. C’est dire que nous avons un marché qui se positionne.
S : Quelles sont les forces et les faiblesses de ce marché financier régional naissant ou « embryonnaire » ?
C.D : La première force est son caractère régional. C’est un marché régional qui réunit huit pays. Ce qui facilite les transactions entre ces pays et réduit les coûts de transactions, simplifie les formalités. C’est un marché qui favorise la libre circulation des personnes, des biens, des capitaux. Le fait d’avoir une monnaie unique pour l’ensemble des acteurs du marché constitue un autre avantage. Ce qui permet de limiter les effets liés aux fluctuations du taux de change. Le fait d’avoir un seul régulateur pour pratiquement tous les acteurs est aussi un élément assez important. L’une des forces de ce marché est la diversification des choix, les possibilités qu’il offre aux acteurs économiques d’aller chercher des ressources, mais également d’y placer des ressources. Avant, les acteurs économiques se contentaient le plus souvent des banques. Mais aujourd’hui, avec ce marché financier, il y a plusieurs alternatives de mobilisation de ressources qui leur sont offertes. Aujourd’hui, avec la dématérialisation, à travers votre téléphone portable, vous avez la possibilité de donner des ordres en bourse, de suivre les places boursières, votre portefeuille, sans avoir besoin de vous balader avec beaucoup de documents liés à vos transactions à la bourse, et cela constitue un autre gros avantage pour notre région.
En termes de faiblesse, il y a le caractère embryonnaire du marché. Comparé aux autres marchés du monde, il n’y a pas assez de produits, notamment les produits dérivés, alors qu’on en trouve une multitude ailleurs. Mais cela est en train de venir. Le fait de ne pas avoir de bourse des matières premières constitue une faiblesse de notre marché.
Le Burkina est un pays minier et pourrait vendre son or sur ce marché boursier des matières premières si on en avait. L’absence de produits répondant à certains besoins spécifiques est également, de notre point de vue, un désavantage pour ce marché. La méconnaissance du marché financier par le public, et partant la faible culture financière des populations, constitue aussi un inconvénient. Il importe de renforcer cette éducation financière. Car, plus elle serait renforcée, plus on aura des gens intéressés à venir sur ce marché pour réaliser des transactions et plus les entreprises et les Etats auront de ressources pour financer leurs projets de développement. Une autre faiblesse, qui n’est peut-être pas forcément imputable aux organes de régulation, à la BRVM, c’est la difficulté qu’ont les PME à aller sur ce marché pour mobiliser des ressources. Alors que l’économie burkinabè par exemple est essentiellement constituée de 90 % des PME, qui ont besoin de ressources pour fonctionner, réaliser leurs projets. Et elles peinent à accéder au financement.
S : Qu’est-ce qui empêche les PME d’accéder à ce marché financier ?
C. D : Il y a plusieurs raisons. La première raison est liée au niveau des PME, à leur capacité à répondre aux exigences du marché. N’oublions pas que le marché financier est très exigeant. Il y a la question de la transparence, mais aussi des exigences en termes de reporting, de documentation, d’information financière à fournir assez périodiquement, que nos PME ne font pas. Il y a également des contraintes en termes de coûts. Certes le marché financier présente beaucoup d’avantages, mais il implique aussi des coûts qui pèsent sur les finances de nos PME. Sans oublier les exigences en termes de capacités des PME à comprendre comment fonctionne le marché, comment y introduire une requête, etc. Il faudrait donc un renforcement des capacités des PME.
Autre élément de faiblesse, notre marché n’est pas assez dynamique, assez profond, comme on le dit dans notre jargon. Cela veut dire que les titres émis sur le marché financier primaire ne sont pas assez dynamiques en termes de négociations d’achat-vente sur le marché secondaire. Sur notre marché, les gens ont tendance à acheter les titres, les déposer et attendre des échéances pour se faire rembourser. Alors que sur un marché financier, si on achète des titres on doit pouvoir les vendre quand on veut pour se faire de l’argent. Dans notre zone, ce marché secondaire est timide. Et, je crois d’ailleurs qu’il y a des réflexions au niveau des acteurs pour rendre ce marché profond. Car, sans un marché financier secondaire profond, le marché financier primaire ne fonctionnera pas à l’optimum. L’une des faiblesses de notre marché financier est qu’il n’est pas très liquide. Les acteurs doivent travailler à ce que ce marché soit très liquide, de sorte qu’à tout moment, on puisse vendre en quantité importante des titres sur le marché secondaire.
S : Dans un contexte de rareté des ressources, marqué par la baisse de l’aide publique au développement, peut-on dire que le marché financier constitue véritablement une alternative pour nos Etats, les entreprises de pouvoir faire face à leurs besoins de financements ?
C. D : Prenons l’exemple du Burkina dans les années 2000. Quel était le montant qu’il levait sur le marché financier ? Combien de fois il partait sur le marché financier par an ? Regardez aujourd’hui les statistiques des Etats qui interviennent sur le marché financier. Ils n’y partaient pas fréquemment, car ils avaient d’autres possibilités, une multitude d’instruments qui leur permettaient de mobiliser des ressources à travers notamment l’aide publique au développement. Mais depuis la crise financière des années 2008, et même avant, l’aide publique au développement a commencé à se raréfier, car les pays développés eux-mêmes, pourvoyeurs de ressources, avaient connu des problèmes sérieux et avaient commencé à réduire leurs contributions au titre de l’aide publique au développement. Face à cette situation, les pays en développement ont commencé à diversifier leurs sources de mobilisation, à s’introduire sur le marché financier. Et au fil des ans, on voit que les montants qu’ils y lèvent sont de plus en plus importants. Le marché financier constitue effectivement une alternative à l’aide publique au développement. Et on voit aussi que le privé commence à venir assez fréquemment sur ce marché.
S : On a l’impression que les Etats ouest-africains vont moins sur le marché financier international, notamment celui des Euro bonds, pour mobiliser des ressources. Qu’est-ce qui explique cette situation et quel avantage ont-ils à rester sur le marché régional?
C. D : L’idéal serait que nos Etats aient davantage de possibilités pour diversifier leurs politiques de mobilisation de ressources, aller partout dans le monde entier pour le faire, y compris sur les marchés financiers internationaux. Le marché financier régional implique des exigences, des modalités de mobilisation qui ne sont pas aussi simples comme on le pense.
Aller sur les marchés internationaux demande encore plus d’exigences, de contraintes à tous les niveaux, notamment en termes de reporting, de production de documents, de coûts d’opportunité. Dans notre zone, vous avez la Côte d’Ivoire qui y va assez souvent, le Sénégal et le Benin aussi. Sur le marché financier international, il y a le risque lié au taux de change, même si les transactions sont faites en euro, ce risque de change n’est pas nul. Le risque éventuel d’une dévaluation peut affecter profondément le taux de change. La notation constitue un élément majeur pour aller sur les marchés financiers, un critère de sélection. Et quand on sait qui note nos pays, cela pose problème. Un pays qui n’est pas bien noté aura des conditions plus difficiles pour mobiliser des ressources sur les marchés financiers internationaux.
Même la capacité d’absorption et de remboursement constitue un autre problème. In fine, le souhait est de voir nos Etats aller sur les marchés financiers internationaux pour lever des ressources. Mais aujourd’hui, au regard des taux d’intérêt assez élevés sur ces marchés, je ne pense pas qu’ils soient aussi compétitifs que les taux en cours sur notre marché. Aller sur les marchés internationaux nécessite l’analyse du coût d’opportunité. Même les Etats occidentaux ont aujourd’hui des soucis sur ces marchés financiers, à part quelques Etats comme la France, l’Allemagne. Ces marchés ne connaissent pas assez bien nos pays africains. Ce qui demande une communication en faveur de nos pays africains, de leur situation, pour ainsi susciter l’engouement de ces marchés internationaux à accepter leur signature. Il faut approfondir la réflexion et voir comment permettre à nos Etats d’aller sur les marchés internationaux mais pas forcément européens.
On a par exemple les marchés asiatiques, voire d’Afrique du Sud. C’est pourquoi, je salue l’initiative qui est développée actuellement par les autorités de la bourse visant à favoriser une intégration des marchés financiers africains. Cette intégration des marchés financiers africains peut être une opportunité pour faciliter déjà l’accès aux financements plus importants sur le marché africain, en dehors de notre zone UEMOA.
S : Au-delà des entreprises et des Etats, le marché financier constitue-t-il une opportunité pour les populations d’améliorer leurs revenus ?
C. D : Le marché financier est une opportunité pour tout le monde. Les gens se trompent en pensant qu’il faut avoir des millions pour aller sur le marché financier. Non. Avec 100 000 F CFA, vous pouvez investir sur le marché financier. Et chez nous à la SA2IF, avec 68 000 F CFA, vous pouvez ouvrir un compte et commencer à investir. Le marché financier est une opportunité pour diversifier déjà les sources de placement. Peut-être du fait de la colonisation, nous avons tendance à croire que le DAT (ndlr : Dépôt à terme) ou le compte d’épargne classique, sont les seuls moyens rentables, sûrs pour placer son argent. Ce n’est pas vrai, car il y a d’autres instruments de placements sur les marchés financiers. Celui qui a 5 ou 10 millions F CFA aujourd’hui, au lieu de faire un DAT, peut venir on va lui montrer comment, il peut les placer sur le marché financier, les optimiser, et maximiser son profit, et de manière sécurisée. Ce qui est important en matière d’investissements financiers, c’est la sécurité et la rentabilité. Et aujourd’hui, le marché vous permet d’investir de façon sûre et rentable.
S : Ce qui freine ou limite l’élan des gens vers le marché financier est qu’il est technique, très élitique. Faire un dépôt à terme ne coûte rien, ce qui n’est pas le cas de suivre un compte sur le marché boursier à travers une SGI …
C. D : Aujourd’hui, les choses se sont beaucoup simplifiées. Il suffit juste de prendre attache avec une SGI, qui vous ouvre un compte, et mieux, qui met sur votre téléphone une plateforme qui vous permet de suivre votre compte. Et aujourd’hui, nos clients sont formés à la maîtrise des outils financiers, des plateformes. Ce qui n’était pas le cas de par le passé. C’est peut-être une question de méconnaissance du marché. Et cette interview constitue une occasion pour dire aux gens que le marché financier est une opportunité. Surtout avec un marché régional intégré, si vous ouvrez un compte dans une SGI, vous avez la possibilité d’acheter une action au Sénégal, en Côte d’Ivoire, d’acquérir un titre légal de l’Etat de Côte d’Ivoire qui vient sur le marché pour un emprunt obligataire et de le mettre dans un portefeuille électronique, de suivre l’évolution, le rendement du portefeuille à travers votre téléphone. Cela est un gros avantage que le marché offre aujourd’hui mais que beaucoup ignorent.
Aujourd’hui, les acteurs du marché comme l’AMF, le BRVM, le DC/BR, UMOA-Titres accompagnent, forment, font de l’éducation financière un outil de développement de marché financier. En tant que SGI, nous formons également nos clients tous les jours, mais aussi à travers le Forum sur l’investissement boursier que nous organisons et dont la IIe édition se tiendra en début d’année 2025. Ce forum est une occasion de réunir tous les acteurs de la bourse, de la finance à Ouagadougou pour échanger sur des questions boursières. Il offre également une opportunité aux étudiants de se frotter aux grandes personnalités de la bourse, à tous ceux qui voudraient investir en bourse d’échanger et de poser leurs préoccupations et surtout de faire du Burkina une plateforme en matière boursière.
C’est l’occasion de dire aux parents qu’ils ont la possibilité d’ouvrir un compte titre pour leurs enfants, et de préparer ainsi leur avenir à travers le marché financier, un portefeuille-titre. Ce qui est rassurant dans tout ce processus, est qu’il y a un régulateur qui encadre, suit toutes ces activités du marché, et protège ainsi les épargnants. Il ne leur reste qu’à venir faire l’expérience et comparer les produits financiers classiques et les nouveaux produits qu’offre le marché financier.
S : Vous parliez tantôt de la méconnaissance du marché financier, de la faible culture financière des populations. A qui la faute et que faire pour inverser la tendance ?
C. D : Il y a une faible culture boursière, financière dans notre zone. Prenons un pays comme les Etats-Unis, depuis les années 1800-1900, les ménages américains sont rompus aux marchés financiers. Il y a une corrélation entre le niveau d’éducation d’un pays, et la participation des acteurs aux activités du marché financier. Il est vrai que de par le passé, il n’y a pas eu assez de sensibilisation sur les activités du marché financier ! Mais, à qui la faute ? Peut-être à tout le monde. Aujourd’hui, il y a cette dynamique qui consiste à faire de l’éducation financière, à dire aux gens que le marché constitue une source alternative de placement de leurs revenus, d’investissement, de sécurisation de leurs revenus. In fine, le marché financier constitue aussi une école, une école de la vie, où ils viennent apprendre à gérer leurs revenus, leurs placements.
S : Vous êtes à la tête d’une SGI, à savoir la SA2IF. Est-ce que vous avez motivé à investir sur ce segment du marché ?
C. D : La SA2IF est une société agréée qui fait de l’intermédiation financière. Il est vrai que je suis le président-directeur général, mais il y a des actionnaires qui sont tous des financiers et qui ont estimé qu’il y avait de la place au Burkina et qu’ils pouvaient contribuer au développement du marché financier, offrir des produits financiers au grand public, aux Etats, aux entreprises. Et au-delà des activités du marché financier, nous faisons tout ce qui est des activités d’ingénierie financière, de financement d’infrastructures. Nous avons bénéficié de formations à travers le monde, avons développé une expérience, une expertise dans ces différents domaines que nous voulons mettre au service de notre pays.
S : Et l’expérience est-elle concluante ?
C. D : Certes l’expérience est satisfaisante, concluante, mais il y a toujours des défis, surtout dans un contexte économique assez difficile. Mais c’est toujours édifiant. Je remercie les autorités burkinabè qui ont eu confiance à la SA2IF en lui confiant à la mobilisation des 129 milliards F CFA au mois de mai. Et cela montre effectivement que les marchés financiers sont une source alternative pour la mobilisation des ressources.
Interview réalisée par
Mahamadi SEBOGO