Le Centre pénitentiaire agricole de Baporo (CPAB) présente de nombreux atouts pour la sécurité alimentaire du Burkina, mais rencontre malheureusement de nombreuses difficultés. Des difficultés auxquelles les autorités de la Transition, sous l’impulsion du capitaine Ibrahim Traoré, entendent apporter des solutions afin de contribuer à l’auto-suffisance alimentaire au pays des Hommes intègres telle que recherchée à travers l’Initiative présidentielle pour la production agricole.
Situé dans le village de Baporo dans la commune rurale de Zawara sur la Route nationale 1 (RN 1) à l’entrée de la ville de Boromo en bordure du fleuve Mouhoun, le Centre pénitentiaire agricole de Baporo (CPAB) présente de nombreux atouts liés à sa situation géographique. Sa proximité d’avec le fleuve Mouhoun constitue une grande opportunité pour l’agriculture grâce à la disponibilité de l’eau. Par ailleurs, le Centre bénéficie d’environ 700 à 900 mm de pluies par an.
Il dispose également d’une grande capacité de terres cultivables soit environ 100 ha et des aires de pâturage pour l’élevage. Tous ces atouts ont contribué au rayonnement du Centre qui était autrefois qualifié de « Temple de l’agriculture de l’administration pénitentiaire » au Burkina Faso. En 1984, le capitaine Thomas Sankara portait sur les fonts baptismaux le Centre pénitentiaire agricole de Baporo (CPAB). Dans la vision du père de la Révolution burkinabè, ce Centre avait pour vocation de contribuer à la formation professionnelle des détenus condamnés en vue de permettre leur réinsertion sociale. Il visait également à assurer la sécurité alimentaire des établissements pénitentiaires et partant, de contribuer à l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire du pays à travers la production agricole et animale. Malheureusement, ce temple jadis rayonnant est confronté de nos jours à de nombreuses difficultés qui entravent son bon fonctionnement. « Lorsqu’on regarde ce que le Centre est devenu aujourd’hui, on a l’impression que la vision de son créateur a été délaissée », déplore le Directeur général (DG) de l’administration pénitentiaire, Sabila Sawadogo.
En effet, avec une capacité d’accueil théorique de 80 pensionnaires, le CPAB n’accueille aujourd’hui qu’une quarantaine de détenus du fait de la vétusté des infrastructures. Les bâtiments administratifs qui datent également de la période révolutionnaire ploient sous le poids de l’âge. A cela s’ajoute des difficultés liées à la production dont le mauvais emplacement de la station de pompage et sa faible capacité. Située à proximité du fleuve, la station, selon les explications du directeur du Centre, Bertin Ilboudo, est immergée par les eaux pendant la période hivernale. « Nous sommes obligés à chaque saison des pluies de la désinstaller pour attendre la fin de la période hivernale. Une fois désinstallée, les productions sont sujettes désormais à la fréquence des pluies et la moindre poche de sécheresse peut créer de nombreux désagréments », regrette-t-il. Par rapport à la capacité opérationnelle actuelle de la station, le directeur indique qu’elle est de 10 ha. « Elle peut toutefois aller à 20 ha. Mais, il faut au moins 10 jours, car, les cultures doivent être arrosées chaque 3 jours », explique-t-il.
« L’armée rouge », pilier de la production
Malgré ces difficultés, le Centre, grâce à la main-d’œuvre pénale permanente et au matériel de production bien qu’insuffisant a pu exploiter 40 hectares au cours de la campagne humide dans le cadre de l’Initiative présidentielle pour la production agricole. Pour la production, les détenus sont organisés, selon les explications de Bertin Ilboudo en deux groupes. Il y a celui des placés qui sont des anciens détenus amandés affectés dans les sites de production (bananerais, champ, jardin, porcherie, poulailler, bergerie, pépinière…) et « l’armée rouge » qui, sous la conduite de la brigade spéciale constitue le groupe le plus important et est responsable des corvées ponctuelles telles que les labours, l’arrosage, le repiquage, les récoltes… K.A. a rejoint « l’armée rouge », il y a 7 mois. Aujourd’hui, il sait « faire quelque chose de ses dix doigts grâce aux connaissances acquises dans le Centre ». Et, indique-t-il, tout sourire, bien qu’étant en détention, il bénéficie du « fruit » de son labeur au sein de la prison puisqu’une partie des recettes de la production est reversée aux pensionnaires. « Le CPAB est différent des autres centres de détention. C’est une prison à ciel ouvert où, les pensionnaires peuvent travailler pour se nourrir eux-mêmes et nourrir le pays tout entier. Tous les détenus devraient se battre pour venir dans ce centre », estime le DG de l’administration pénitentiaire. Le terme « se battre » utilisé par Sabila Sawadogo trouve sa justification dans le fait qu’un détenu, pour être admis à Baporo doit remplir certaines conditions dont l’une est de donner des preuves suffisantes de bonne conduite et présenter des gages sérieux de réadaptions sociales. Il doit, par ailleurs, avoir purgé la moitié de la peine d’emprisonnement ferme pour le condamné primaire et trois quarts de la peine d’emprisonnement ferme pour le condamné récidiviste.
Les condamnés coupables d’infractions liées aux actes de grand banditisme ou assimilées quant à eux doivent purger les deux tiers de la peine restante après l’expiration de la période de sûreté avant de pouvoir intégrer le Centre. Mais bien que remplissant les conditions requis, le placement d’un détenu au CPAB est décidé par la Commission de l’application des peines (CAP). Dans la pratique, affirme le chargé de l’application des peines au Tribunal de grande instance Ouaga I, Lassané Guelbeogo, chaque année, le directeur du Centre adresse une demande à la CAP qui décide de placer ceux qui remplissent un certain nombre de conditions. En raison de la vétusté des dortoirs, déplore Sabila Sawadogo, le Centre ne peut pas accueillir un grand nombre de pensionnaires. D’où la nécessité selon lui d’augmenter sa capacité d’accueil à 200 détenus. En plus de l’augmentation de la capacité d’accueil, il est important, de l’avis du DG, d’étendre la superficie aménagée à 300 ha et de renforcer les équipements agricoles (tracteurs, semoirs, charrues…). Ce qui va permettre d’accroître la production au niveau du Centre.
Faire revivre le Centre
Le CPAB dispose actuellement d’un cheptel relativement exploitable composé de bovins, d’ovins, de porcins et de volailles. Mais, il y a lieu, selon Sabila Sawadogo, de construire et d’équiper un poulailler moderne d’une capacité d’accueil de 2 000 sujets environ et de réhabiliter la porcherie, l’étable, l’atelier d’embouche et le poulailler existant. « Nous voulons également renforcer la production apicole en construisant des étangs pour l’apiculture », fait-il savoir. Par ailleurs, en attendant l’augmentation de la capacité d’accueil du Centre, il est nécessaire selon son directeur d’acquérir un moyen de transport adapté pour le transfèrement des détenus de Boromo à Baporo afin de participer aux activités de production. Concernant la station de pompage, Bertin Ilboudo a souligné la nécessité de le déplacer et d’augmenter sa capacité à 80 ha afin de couvrir les besoins.
A tous ces besoins, le DG ajoute celui de régulariser la situation juridique du Centre. En effet, a-t-il fait savoir, le CPAB, depuis sa création a fonctionné de manière informelle jusqu’en 1995 où un projet de décret devant règlementer son fonctionnement a été élaboré. Mais, il n’a malheureusement pas pu aboutir selon ses explications. Les besoins actuels du Centre sont certes nombreux, mais, les premiers responsables de l’administration pénitentiaire se disent confiants quant à son avenir en raison de la volonté manifeste des autorités actuelles de le faire revivre. En effet, se réjouit-il, le capitaine Ibrahim Traoré, qui croit en la capacité des Burkinabè à se prendre en charge sur le plan alimentaire et convaincu que les détenus doivent travailler pour s’alimenter et contribuer à l’autosuffisance alimentaire du pays, a manifesté dès son arrivé un grand intérêt pour le CPAB. Lors de la campagne agricole, se réjoui Sabila Sawadogo, le Centre, à travers le bureau des grands projets a bénéficié d’un appui en laboures, intrants, engrais, semences et d’un forage pour élargir la culture de contre saison. « On nous a demandé de faire le diagnostic réel du Centre et une étude est en cours pour déterminer les besoins dans les différents domaines.
Nous avons foi que si ces besoins sont pris en compte, nous pourrons atteindre l’auto suffisance alimentaire dans nos prisons », confie-t-il tout confiant. L’initiative, de la Direction de la communication de la présidence du Faso, d’organiser une immersion des médias au CPAB, le mardi 5 décembre 2023 constitue, selon lui, une preuve de l’intérêt accordé par le chef de l’Etat au Centre. Un Centre qui, si ses besoins sont pris en compte, retrouvera, foi de ses premiers responsables, son titre de « Temple de l’agriculture de l’administration pénitentiaire ».
Nadège YAMEOGO