Le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), a confirmé, il y a quelques jours, l’ouverture de négociations avec des groupes terroristes qui sévissent dans son pays. Dans la forme, ce changement tactique n’a rien de surprenant.
Il apparaît comme une suite logique de la Conférence d’entente nationale (CEN) d’avril 2017 et du Dialogue national inclusif (DNI) de décembre dernier au détour duquel, les participants ont recommandé, entre autres, « la négociation avec Amadou Koufa et Iyad Ag Ghali (dirigeants de groupes armés liés à Al-Qaïda) pour ramener la paix et la stabilité au Mali».
Au fond, cette démarche constitue un véritable aggiornamento dans les tentatives de résolution d’une crise multidimensionnelle. Elle sonne en effet le glas de la fermeté affichée jusque-là par Bamako face à l’emprise terroriste. D’ailleurs, IBK n’avait cessé de marteler : « Je ne négocierai pas avec un groupe armé. Qu’ils déposent d’abord les armes et on pourra discuter après. Un rebelle ne peut se hisser à mon niveau pour discuter d’égal à égal». Mais ça c’était en décembre 2013.
Quelques années après, la réalité de terrain a, peut-être, fini par avoir raison de ce discours métallique. Au regard de la dégradation de la situation sécuritaire, il faut se rendre à l’évidence que le Mali souverain a bien le droit d’explorer toutes les voies de recours pour retrouver la paix.
Cela relève d’un certain pragmatisme, puisque les efforts consentis par la plupart des pays membres du G5 Sahel n’ont jusque-là pas donné les résultats escomptés. Seulement, la méthode suscite des réserves, voire des inquiétudes, chez certains partenaires dans la lutte contre le terrorisme au Sahel.
Comment cette initiative malienne sera accueillie au sein du G5 Sahel, où la complémentarité, la cohérence, la coordination et la mutualisation des forces constituent un leitmotiv. A moins que IBK ne veuille entraîner ses pairs du G5 Sahel à lui emboîter le pas. Comment cette idée sera-t-elle accueillie au Burkina, pays fortement touché par les attaques terroristes depuis début 2016 ? Iyad Ag Ghali, déclencheur de la rébellion touarègue en 1990, ancien combattant en Libye, au Tchad et au Liban, est le fondateur d’Ansar Dine et du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM).
Ce dernier groupe a revendiqué le premier attentat terroriste à Capuccino au cœur de la capitale burkinabè, le double attentat contre l’état-major des armées du Burkina et l’ambassade de France. Son ombre a aussi plané sur les attentats du café Aziz Istanbul en août 2017 à Ouagadougou, même si les morts « collatéraux » de leaders religieux ont quelque peu empêché une revendication qui serait désastreuse pour l’entreprise terroriste.
Le dialogue est censé aussi s’engager avec le « revenant », Hamadou Koufa, prêcheur virulent, considéré comme le vrai chef d’Ansar Dine et donné pour mort par la France dans la bataille de Konna. Ce dialogue solitaire, quelle que soit son issue pour le Mali, ne ferait que déplacer le problème.
Cependant, il est encore temps de jouer la carte de la concertation, comme l’avait signifiée le défunt journaliste d’investigation, Norbert Zongo, il y a 25 ans dans un édito intemporel au titre évocateur, « Le Burkina Faso dans la guerre touareg ». Il écrivait ceci: « Quand nos forces de l’ordre vont commencer des patrouilles dans certaines zones, nous enregistrerons nos premiers soldats tombés sur le champ d’honneur.
Nous pensons qu’il n’y a qu’une solution. Nos trois pays sahéliens doivent se concerter, unir leurs efforts, non pas pour croquer du Touareg ; mais pour trouver une solution durable à la crise ». (Cf. L’indépendant no 046 du 04 juin 1994.)
Au-delà de cet enseignement, il arrive que des acteurs considérés comme terroristes dans certains pays soient traités comme des citoyens dignes dans d’autres.
Par Mahamadi TIEGNA