Dr Ahmed Diallo est physicien depuis une dizaine d’années, au laboratoire de physique des plasmas de Princeton (Princeton Plasma Physics Laboratory-PPPL), un laboratoire national du département de l’énergie aux Etats-Unis, pour la recherche sur la physique des plasmas et la fusion nucléaire dont la mission principale est la recherche et le développement de la fusion comme source d’énergie. Directeur de programmes à l’Agence de recherches avancées du département de l’énergie (Advanced Research Projects Agency–Energy – ARPAE), dans cet entretien accordé à Sidwaya, il explique l’importance de l’énergie nucléaire dans le monde et particulièrement pour son pays natal le Burkina Faso.
Sidwaya(S) : Qu’est-ce que l’énergie nucléaire ?
Ahmed Diallo (A.D.) : L’énergie nucléaire, il y en a deux types. Il y a la fission et la fusion. La fission nucléaire consiste à fissurer un atome avec un neutron pour initier une réaction en chaîne libérant beaucoup d’énergie. Cette énergie dense alimente des centrales électriques. Cependant, elle génère des déchets radioactifs qui requièrent un stockage sécurisé sur le très long terme. La fusion, quant à elle, combine des isotopes légers d’hydrogène pour produire de l’énergie.
Bien que non encore utilisée pour la production d’électricité, la fusion a le potentiel d’offrir un rendement énergétique supérieur à l’énergie investie. Son avantage principal réside dans le fait qu’elle ne produit pas de déchets radioactifs significatifs et que le combustible, comme le deutérium et le tritium, est plus accessible. Fission et fusion sont des processus nucléaires : la fission est bien établie mais problématique en termes de déchets, tandis que la fusion promet une énergie plus propre et universellement accessible.
S : Quel est l’intérêt de votre spécialité pour le développement du Burkina ?
A.D. : Pour le développement futur du Burkina, une Transition énergétique s’impose. Nous devons nous éloigner des énergies pétrolières qui produisent des gaz à effets de serre et exploiter des sources plus stables et propres. Bien que le solaire soit une option, son intermittence limite sa stabilité pour une production énergétique constante. Pour une véritable transformation technologique et économique, le Burkina nécessite une énergie fiable et à coût compétitif.
L’énergie de fusion nucléaire, bien qu’encore en développement, représente une opportunité de produire une électricité propre et stable à long terme. Si nous souhaitons progresser, nous devons électrifier et devenir compétitifs sur le plan industriel, il est primordial que le Burkina investisse dans la recherche et le développement de la fusion nucléaire dès maintenant. Cela contribuerait non seulement à notre autonomie énergétique mais également à une croissance économique durable et respectueuse de l’environnement.
S : Concrètement, quels sont les éléments nécessaires dont un pays doit disposer pour prétendre à une énergie nucléaire ?
A.D. : Pour développer l’énergie nucléaire, un pays doit d’abord investir dans une solide formation de ses ressources humaines. Cela inclut des spécialistes en électromécanique, électricité, chimie, et ingénierie mécanique. La physique nucléaire et les compétences en régulation sont également cruciales pour la gestion sûre d’une centrale. Il est essentiel d’établir une infrastructure réglementaire robuste, avec des autorités indépendantes capables de légiférer et de contrôler les installations pour prévenir les accidents. L’emplacement des centrales doit être choisi avec soin, en tenant compte des risques environnementaux et de sécurité.
La collaboration internationale est indispensable, tant pour le partage des connaissances que pour l’accès aux ressources matérielles et technologiques. Le développement de la « supply chain » est nécessaire pour assurer l’approvisionnement en commodités et équipements spécifiques à la construction et à l’entretien des centrales. Enfin, une expertise locale est impérative pour l’opération quotidienne et la maintenance.
Cela requiert un investissement à long terme dans l’éducation et la formation professionnelle, ainsi qu’une coordination sécuritaire pour protéger à la fois les infrastructures et la population. En résumé, pour prétendre à une énergie nucléaire, un pays doit disposer d’une expertise technique spécialisée, d’une réglementation stricte, d’une collaboration internationale, et d’une chaîne d’approvisionnement dédiée. Tous ces éléments doivent s’intégrer dans un système où la sécurité est la priorité absolue.
S : Donc le pays ne doit-il pas forcément disposer de l’uranium ?
A.D. : Effectivement, l’accès à l’uranium n’est pas un prérequis absolu pour qu’un pays puisse exploiter l’énergie nucléaire. La possession de l’uranium sur son propre sol n’est pas une nécessité, car on peut l’acquérir grâce à la collaboration internationale. De nombreux pays, comme la France, démontrent que l’on peut efficacement gérer un programme nucléaire sans disposer de ressources d’uranium nationales, en l’important pour répondre à leurs besoins.
Quant à la fusion, elle utilise des isotopes d’hydrogène, tels que le deutérium, que l’on trouve en abondance dans l’eau de mer, rendant son approvisionnement relativement simple. Le tritium, plus rare, peut être produit de manière synthétique par des réactions de fusion nucléaire. Cela ouvre la possibilité d’une source d’énergie nucléaire moins dépendante de ressources naturelles limitées et positionne la fusion comme une alternative viable même pour des pays sans réserve d’uranium.
Ainsi, la clé réside dans la capacité d’un pays à s’intégrer dans un réseau d’échanges et de coopération technique internationale, plutôt que dans la possession de matières premières spécifiques. Cela permettrait une indépendance énergétique basée sur la technologie et la science, plutôt que sur la géologie.
S : Quelle est la situation énergétique actuelle au Burkina ?
A.D. : Actuellement, le Burkina Faso a réalisé plus de 25% d’électrification et vise à atteindre 70% d’ici 2030. C’est un objectif ambitieux, reflétant une volonté de modernisation et de développement. Actuellement, le pays dépend fortement des produits pétroliers pour générer de l’électricité, tout en exploitant des sources renouvelables comme le solaire et l’hydroélectricité. Cependant, face à une croissance démographique rapide, la demande énergétique du Burkina est en hausse constante.
Cette augmentation de la demande, conjuguée à l’aspiration à l’industrialisation, appelle une source d’énergie fiable et constante. Pour anticiper les besoins futurs, des projections énergétiques sur 10 à 30 ans sont nécessaires, en tenant compte de l’évolution démographique, de l’augmentation de la qualité de vie, et de la demande en électricité et en chaleur. Il est crucial de souligner que la chaleur produite par l’énergie peut être utilisée dans la fabrication de produits essentiels tels que le plastique et le fer. Ainsi, l’indépendance énergétique est un pilier fondamental pour tout pays cherchant à garantir son autonomie et à contrôler son avenir économique.
Pour le Burkina Faso, le défi réside donc non seulement dans l’augmentation de l’électrification, mais aussi dans la diversification des sources d’énergie pour assurer une production stable et durable qui puisse soutenir les ambitions industrielles du pays.
S : Est-ce que vous vous êtes approché du ministère en charge de l’énergie ou la SONABEL pour partager votre expérience ?
A.D. : J’ai entrepris des démarches auprès du ministère de l’Energie à l’époque lors de mes visites régulières au Burkina. Cependant, les changements politiques fréquents compliquent la continuité des discussions. Mon emploi du temps étant très chargé, cela limite le temps que je peux consacrer sur place. J’ai tenté de partager mon expérience et ma vision, mais le développement de l’énergie de fusion nécessite une stratégie à long terme, sur 20 à 40 ans. La stabilité des politiques énergétiques est essentielle pour entreprendre un projet d’une telle envergure, sachant qu’une centrale a une durée de vie de plusieurs décennies (> 40 ans).
S : Y a-t-il une collaboration entre vous et l’ex- Premier ministre Lassina Zerbo ?
A.D. : Non ! Je l’ai contacté quand il était à Vienne en Autriche. Après, il était en mission au Burkina et nous n’avons pas pu nous rencontrer. C’est la seule fois qu’on s’est contacté.
S : Alors, quelles sont les principaux avantages de l’énergie nucléaire pour le Burkina ?
A.D. : L’énergie nucléaire offre au Burkina une production d’énergie stable et continue, essentielle pour le développement. Elle a une densité énergétique élevée et moins d’impact sur la pollution comparée aux combustibles fossiles. Avec sa capacité à être déployée modulairement, le nucléaire convient aux régions isolées, permettant une montée en puissance progressive, de mégawatts à gigawatts, adaptée à l’évolution du réseau électrique du pays. Cela fait du nucléaire une option flexible et stable pour répondre aux besoins énergétiques diversifiés du Burkina. L’énergie nucléaire est la clé de la transition énergétique et de l’indépendance du Burkina.
S : Comment l’énergie nucléaire, en particulier la fusion nucléaire, se compare-t-elle à d’autres sources d’énergie en termes d’impact environnemental ?
A.D. : La fusion n’a pas d’impact environnemental. Elle produit des déchets qui sont minimalement radioactifs. Par exemple, le tritium a une durée de vie de 12 ans. Donc, les choses sont plus ou moins activées. Les matériaux qu’on utilise pour construire une centrale nucléaire seront activés, mais on peut choisir, ces matériaux de telle sorte qu’ils soient activées, mais qu’on les stocke pour 20 ans.
Côté impact environnemental, c’est encore mieux. Je prends par exemple le solaire. Il est bien. Mais imaginez, 20 ans, après. Qu’est-ce qu’on fait de tous ces panneaux ? Ce sont des déchets. Le Burkina doit se tourner vers le nucléaire pour son développement. Le Ghana et le Rwanda sont en train de s’y mettre.
S : De façon estimative, combien coûte la construction d’une centrale nucléaire ?
A.D. : On ne peut pas construire une centrale nucléaire à moins de 5 ans. Le temps est proportionnel. Tout prend du temps. C’est-à-dire la construction du béton, le test et l’achat du matériel. Il faut jusqu’à 10 ans. En termes de coût, aux Etats-Unis, la construction d’une centrale nucléaire tourne autour d’un milliard de dollar soit 500 milliards F CFA. Ce n’est pas une question de main-d’œuvre moins chère. Parce qu’il y a des gens spécialisés qui coûtent plus chers et des produits à utiliser une seule fois qui coûtent plus cher.
S : Quels sont les principaux défis à relever dans la mise en œuvre d’une énergie nucléaire au Burkina ?
A.D. : Pour réussir l’implémentation de l’énergie nucléaire au Burkina, il y a plusieurs défis à surmonter. Premièrement, le développement d’une fondation éducative solide est crucial. Il est impératif de former des professionnels dans tous les domaines techniques relatifs au nucléaire, de l’ingénierie à la sécurité, en passant par la maintenance et la réglementation. Deuxièmement, il est nécessaire d’établir une autorité de régulation rigoureuse pour garantir la sécurité nucléaire et protéger la population et l’environnement.
Cette structure devrait être soutenue par une politique à long terme, engagée sur 20 à 30 ans, pour assurer la continuité et la stabilité du programme nucléaire. Ensuite, la collaboration internationale est indispensable. Le Burkina peut bénéficier grandement de l’expertise et de l’expérience globale dans ce domaine.
Cela implique un engagement dans des partenariats internationaux et des programmes d’échanges pour le transfert de connaissances et de technologies. Enfin, il y a un besoin d’apprentissage et d’adaptation constants pour s’aligner sur les meilleures pratiques mondiales et les avancées technologiques. L’adoption de l’énergie nucléaire est un processus d’apprentissage continu qui nécessite une évolution et une amélioration constantes des compétences locales.
S : Quelle est la faisabilité dans la construction d’une infrastructure d’énergie nucléaire dans ce contexte actuel du Burkina ?
A.D. : Pour évaluer la faisabilité du développement nucléaire au Burkina, il est primordial de commencer par des études approfondies. Ces études pourront entre autres identifier les zones appropriées pour la construction d’une centrale, prenant en compte la disponibilité des ressources en eau pour le refroidissement par exemple. Cependant, avec les progrès technologiques, il est désormais possible d’envisager des centrales qui ne dépendent pas strictement de la proximité des sources d’eau.
En outre, l’accès à une alimentation en électricité à haute tension est essentiel pour démarrer l’opération d’une centrale, ce qui offre une certaine flexibilité quant à son emplacement. Il est également crucial de disposer d’une expertise locale en bâtiment et travaux publics pour la construction et la maintenance des infrastructures. Avec ces études préliminaires et la mise en place d’une main-d’œuvre qualifiée, le développement d’une infrastructure nucléaire au Burkina pourrait être envisagé, même dans le contexte actuel.
S : L’énergie nucléaire soulève souvent des préoccupations de sécurité. Comment peut-elle être abordée, en particulier dans un pays comme le nôtre qui pourrait ne pas avoir l’expérience étendue de la technologie nucléaire ?
A.D. : Les inquiétudes de sécurité liées à l’énergie nucléaire sont légitimes et se manifestent principalement à deux niveaux. Premièrement, il y a le risque de prolifération nucléaire : l’utilisation potentielle de la technologie nucléaire civile pour la fabrication d’armes.
Pour atténuer ce risque, le Burkina pourrait s’engager dans une transparence totale, permettant des inspections régulières par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pour garantir que les activités nucléaires soient exclusivement à des fins pacifiques.
Deuxièmement, il y a les risques opérationnels associés à la fission nucléaire, qui bien qu’existants, sont quantifiables et gérables avec des protocoles de sécurité rigoureux. Nous avons une compréhension approfondie des mesures de prévention et de réponse aux incidents. La mise en place d’un cadre réglementaire solide et l’adhésion aux normes internationales de sécurité permettraient de construire et d’exploiter des centrales nucléaires avec les garanties de sécurité nécessaires, même pour un pays débutant dans cette technologie.
S : Concrètement, quelles sont les opportunités qu’offrira la centrale nucléaire au Burkina ?
A.D. : Une centrale nucléaire a besoin des centaines de personnes pour travailler là-dessus. Cela va créer de l’emploi pour beaucoup de jeunes. La centrale nucléaire va apporter de l’électricité relativement moins chère que celle des produits pétroliers. Elle sera stable et amortie dans 40 ans.
Un des avantages aussi est que la centrale nucléaire minimise les impacts environnementaux directement. Elle est bien pour toute une nation. Autant, nous pensons que l’émission CO2 n’est pas un problème pour le moment, mais, c’est un problème pour la planète. Et, nous faisons partie de cette planète.
S : De quoi aurait-on besoin en termes de transfert de technologies et de formation pour le personnel local ?
A.D. : Je n’ai jamais opéré une centrale nucléaire. Mais je pense qu’on aura besoin de tout le monde, c’est-à-dire, des techniciens, des ingénieurs, des communicateurs…Pour installer une centrale nucléaire, on ne le fait pas du jour au lendemain.
Il faut aller discuter avec la population et les convaincre des risques. Il y a un dialogue qui doit débuter avant de pouvoir installer une centrale nucléaire dans une région. Il faut créer des écoles d’ingénierie spécialisées en centrale nucléaire.
On y pense à des soudeurs, mais il ne s’agit pas de ceux qu’on voit au bord de la rue. Il y a toute une panoplie, dont le pays a besoin en termes d’éducation, de formation, de BTP, d’électriciens, d’ingénieurs. Les grandes puissances, par exemple, créent une école pour former la base et dans quelques années, après, elles ont une vision.
S : Quelle est l’importance de la collaboration internationale dans le développement de l’énergie nucléaire au Burkina ?
A.D. : La collaboration internationale est essentielle pour le Burkina Faso dans le domaine nucléaire, principalement en raison du besoin d’expertise technique spécialisée que le pays ne possède pas encore. Travailler avec l’AIEA est crucial, car elle fournit une régulation et un cadre pour les activités nucléaires, ainsi que l’accès à des informations vitales grâce à l’appartenance du Burkina à cette organisation.
En outre, établir des partenariats avec des nations qui ont une expérience de plusieurs décennies dans la construction et l’exploitation de centrales nucléaires est extrêmement bénéfique. Ces pays peuvent offrir des insights précieux et un transfert de connaissances qui accéléreront le développement d’une infrastructure nucléaire efficace et sûre au Burkina. La collaboration internationale n’est pas simplement utile, elle est impérative pour le succès de l’énergie nucléaire au Burkina.
S : Selon les textes de l’ONU, est-ce qu’un pays comme le nôtre peut prétendre construire sa propre centrale nucléaire ?
A.D. : Pourquoi pas. Il faut s’ouvrir à des inspections, pour qu’on sache que ce n’est pas pour fabriquer la bombe nucléaire. C’est tout à fait possible. Car le Burkina est membre de l’AIE.
S : En regardant vers l’avenir, comment voyez-vous le rôle de l’énergie nucléaire, en particulier la fusion, évoluer dans le paysage énergétique mondial et au Burkina ?
A.D. : Dans le mix énergétique, la fusion va sûrement occuper une grande portion. Cela dépend du coût de la construction et des études. J’ai vu une étude au Canada et en Allemagne, où on estimait à 25% de la portion d’énergie. Et cela compte aussi sur la fusion nucléaire qui va prendre une proportion, de même que le géothermique, le solaire et l’éolien. La fusion va prendre une proportion, et j’espère qu’elle va croître. Elle va être coûteuse pour la première fois. C’est juste spéculatif à ce moment.
S : Qu’en est-il du développement des industries à travers le nucléaire ?
A.D. : L’énergie nucléaire offre une source de chaleur intense, comparable à celle produite par le charbon, mais avec des avantages distincts en termes de propreté et de contrôle. Cette chaleur est utilisée dans les centrales pour convertir l’eau en vapeur et faire tourner des turbines, générant ainsi de l’électricité.
Cependant, la chaleur produite par les réactions nucléaires, en particulier dans la fusion, qui peut atteindre jusqu’à 1300 degrés Celsius, a aussi des applications directes dans les processus industriels. Par exemple, cette chaleur peut être extrêmement utile pour la fusion des métaux, un processus qui requiert d’énormes quantités d’énergie.
Ainsi, au Burkina, l’énergie nucléaire peut stimuler le développement d’industries qui dépendent fortement de la chaleur, pas seulement de l’électricité. En réduisant les coûts énergétiques associés à ces processus, le nucléaire a le potentiel de dynamiser l’économie industrielle du pays, rendant la production plus viable et économiquement attractive.
S : Quels efforts sont nécessaires pour éduquer le public sur les avantages et les risques de l’énergie nucléaire ?
A.D. : Il faut développer des programmes depuis l’école primaire. Ces programmes consistent à expliquer les jeunes enfants et convaincre les parents. Et, là aussi, il faut être aussi honnête avec les avantages mais aussi tout ce qui est inconvénient. Il faut être clair et honnête. Partout dans le monde, il faut pouvoir discuter avec la population parce que c’est elle qui décide. On ne se ferait pas imposer une centrale nucléaire. Dès maintenant, on doit éduquer les populations et les expliquer dans nos langues locales, les avantages et les inconvénients d’une centrale nucléaire.
S : Est-ce que le problème aussi ne vient pas d’une part de nos experts qui interviennent dans le domaine ?
A.D. : Ce n’est pas un problème des experts, mais plutôt de manque de communication entre experts et communicateurs. Par exemple, aux Etats-Unis, au laboratoire, nous avons engagé une équipe de communication. Il faudra doubler d’efforts, si on veut convaincre la population.
S : Comment l’énergie nucléaire s’intègre-t-elle dans le contexte plus large des sources d’énergie renouvelables au Burkina ?
A.D. : L’énergie nucléaire n’est pas une énergie renouvelable. Il faut qu’on fasse une distinction. C’est une énergie propre et stable. Le solaire est intermittent. Du coup, il y aura un portfolio d’énergie. Il y aura une proportion des gens qui vont utiliser l’énergie renouvelable, tout comme le nucléaire. La proportion exacte est très difficile à quantifier. Au Burkina, on peut tout faire, c’est-à-dire, le solaire, le nucléaire et la géothermique.
S : Quel cadre politique et réglementaire est essentiel pour introduire en toute sécurité l’énergie nucléaire au Burkina ?
A.D. : Pour introduire l’énergie nucléaire de manière sécurisée au Burkina, un cadre réglementaire solide est indispensable. Cela nécessite la mise en place d’une autorité régulatrice compétente, dotée de l’expertise pour évaluer tous les aspects du nucléaire et anticiper les risques potentiels. Cette autorité devrait être composée d’experts dans chaque domaine pertinent, des matériaux de construction comme le béton, à la physique nucléaire, en passant par la sécurité opérationnelle.
Il est aussi essentiel d’avoir une politique transparente où les acteurs privés souhaitant développer le nucléaire puissent soumettre leurs plans à cette autorité pour une analyse approfondie et honnête. Ce n’est qu’avec une telle structure en place, où la qualité et la sûreté sont rigoureusement examinées et où la responsabilité est clairement établie, que le Burkina pourra porter le ‘fardeau lourd’ de l’énergie nucléaire en toute sécurité.
S : Quelle sera votre réaction si les autorités du Burkina vous contactent pour la construction d’une centrale nucléaire ?
A.D. : Si, on me demande, mon expertise, je suis prêt à l’apporter. C’est assez évident. Le bien pour moi, c’est la satisfaction de la population. Si je peux apporter ma contribution dans un domaine spécialisé, je suis partant.
S : Envisagez-vous de créer des centres de formation sur le nucléaire au Burkina ?
A.D. : À ma retraite, peut-être ! Si non, pour le moment, je n’ai pas pensé à cela. Cela ne vient pas d’un individu, mais du gouvernement. C’est le gouvernement qui doit adopter une politique de création d’écoles. Donc, il y a l’infrastructure générale du gouvernement et nous, les experts venons, apporter notre expertise pour que l’éducation soit bien faite.
S : Quelle est votre vision à long terme pour le rôle de l’énergie nucléaire dans la stratégie énergétique du Burkina ?
A.D. : Je ne connais pas la stratégie énergétique du Burkina. J’espère que l’énergie nucléaire aura une grande part et jouera un grand rôle. Le Burkina doit essayer d’avoir un nucléaire en commençant même peut-être avec 100 mégawatts, 200 mégawatts… Je pense qu’à partir de ce moment, on pourra en faire plus.
Interview réalisée par Oumarou RABO