Le Burkina Faso se prépare à vivre la 28e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) prévue du 25 février au 4 mars 2023 sous le thème : « Cinémas d’Afrique et culture de la paix » . Dans cet entretien, le Délégué général du FESPACO, Alex Moussa Sawadogo, revient sur les préparatifs du festival, le choix du thème et du pays invité d’honneur ainsi que d’autres sujets. A l’occasion, M. Sawadogo rassure que tout est fin prêt pour une meilleure réussite de la biennale du cinéma africain.
Sidwaya (S) : Quel est le bilan des préparatifs à moins de 48 heures de la tenue de la 28e édition du FESPACO?
Alex Moussa Sawadogo (A.M.S.): A quelques heures du FESPACO, nous sommes techniquement prêts. Les choses marchent comme nous l’avons prévu dans notre planification. Je crois que nous sommes en phase de parfaire quelques points qui nous ont échappé et aussi d’accueillir convenablement et dans de très bonnes conditions nos invités. J’espère bien que le 25 février, nous serons totalement prêts pour l’ouverture de la 28e édition.
S : Combien de festivaliers sont attendus à cette biennale du 7e art africain?
A.M.S . : Dans les situations normales, nous accueillons environ 20 000 festivaliers, mais cette année, vu la situation sécuritaire, nous nous attendons à 15 000 ou 20 000 festivaliers. Au départ, nous craignions d’avoir un nombre en deçà de ça, mais ce n’est pas le cas. Aujourd’hui, les informations que j’ai de mes collaborateurs montrent que nous avons presque épuisé la fabrication de nos accréditations et aussi les réservations d’hôtels affichent presque complet et les avions sont déjà presque pleins.
S : Le budget de l’organisation du festival est estimé à près de 2 milliards FCFA. Ce budget est-il bouclé ?
A.M.S .: Les 2 milliards que vous évoquez constituent le budget estimatif et prévisionnel. De mon expérience, aucun festival n’est arrivé à boucler entièrement son budget. Nous avons aussi cette situation sécuritaire difficile. Ce ne sera donc pas évident de pouvoir boucler ce budget. Je tiens à remercier les premières autorités qui déjà ont fait un grand effort malgré la situation dans laquelle nous sommes pour nous donner l’autorisation d’organiser cet évènement et de nous appuyer financièrement. Avec ce que nous avons reçu de nos autorités et quelques partenaires qui n’ont pas hésité à nous accompagner, je pense que nous pouvons avoir un bon FESPACO et nous en sommes déjà contents.
S : Quels sont ces partenaires qui vous accompagnent cette année?
A.M.S. : Ce sont les partenaires locaux. Il y a la LONAB, CANAL+ Burkina, la SODIBO qui est le sponsor officiel, Coris Banque, Ecobank, la Générale des assurances, etc. Sur le plan international, nous avons nos partenaires classiques qui sont l’Organisation internationale
de la francophonie, le Centre national du cinéma français, l’Institut français et d’autres partenaires qui viennent du continent africain, comme le Sénégal, le Mali notre pays invité d’honneur.
Il y a aussi le Luxembourg qui nous soutient. Ce sont les partenaires classiques, contrairement à ce qu’on pouvait penser, ce sont eux qui sont auprès de nous, nous sommes contents de leur présence et je crois que leur soutien est vraiment très important pour le bon déroulement du FESPACO.
S : Quelle appréciation faites-vous de la qualité des productions qui seront projetées lors de cette 28e édition ?
A.M.S. : Nous sommes très satisfaits de la qualité des productions, contrairement à ce qu’on pourrait penser. Les difficultés que vivent la sous-région, le continent africain n’ont pas véritablement impacté la production. Nous avons visionné plus de 1200 films, nous avons sélectionné les 170 films qui sont de très belle facture.
Cela montre que les réalisateurs ou les producteurs du continent ont toujours des voies et moyens pour pouvoir nous offrir de très beaux films. J’invite tout simplement les spectateurs à venir apprécier la qualité de ces œuvres durant les projections et surtout l’impact de la crise sécuritaire sur la qualité des productions. Nous sommes très ravis surtout pour un FESPACO qui a lieu tous les deux ans.
Cela montre que nous sommes capables de faire de très belles choses et tous les films qui sont en compétition se valent. Je crois qu’au soir du 04 mars 2023, lorsque le chef de l’Etat va remettre le trophée, l’heureux élu sera content. Et ceux qui ne l’auront pas n’ont pas démérité. Car c’est une question de choix.
S : Certains estiment que le FESPACO est en train de perdre son lustre d’antan. Que leur répondez-vous ?
A.M.S. : Je ne sais pas sur quelle base, ils parlent de perte de lustre d’antan. Le FESPACO existe depuis 50 ans. Il y a eu un certain moment un essoufflement peut-être comme dans toute structure, dans toute vie humaine ou dans tout événement. Vous avez vu que depuis quelques années, une nouvelle dynamique a été lancée avec l’instauration de nouvelles activités et qui aussi sont adaptées aux besoins de ces réalisateurs ou ces professionnels du cinéma.
Ceux qui parlent de baisse d’intensité, nous sommes pressés de voir ce qu’il faut ajouter car le FESPACO reste le FESPACO. Comme je le disais tantôt, nous affichons complets en ce qui concerne les accréditations, les réservations d’hôtels, et les compagnies de voyage se frottent déjà les mains. Personnellement , je ne vois pas en quoi le FESPACO est en train de perdre sa dynamique.
S : Cette édition se tient dans un contexte sécuritaire difficile, quelles sont les dispositions particulières prévues pour assurer la sécurité des festivaliers?
A.M.S : Un évènement comme le FESPACO ne pourrait se faire sans l’accord des premières autorités, qui sont les garants de la sécurité. Elles sont conscientes de la situation actuelle et aussi le nombre de personnes que nous avons pour cette édition. Des dispositions ont été prises pour garantir la sécurité de tous nos invités. Je tiens à saluer cet engagement des autorités, de cette prise de responsabilité qui va montrer aux yeux du monde que le Burkina Faso est un pays debout qui respecte ses engagements.
S : La thématique de cette 28e édition est « Cinémas d’Afrique et culture de la paix». Pourquoi le choix de ce thème ?
A.M.S. : Il est évident que vu ce qui se passe dans le monde nous amène tous à réfléchir quels que soient notre profil et notre domaine de travail sur la notion de paix. Il était important que les professionnels du cinéma puissent se retrouver durant le FESPACO entre créateurs, cinéastes et réalisateurs pour réfléchir à cette question. Nous sommes fiers de voir des créateurs qui peuvent contribuer à l’instauration de la paix et de la cohésion sociale. Même si le cinéma ne peut pas résoudre les conflits entre nous , il peut contribuer justement au retour de la paix et de la cohésion sociale.
S : Qu’est-ce qui a justifié le choix du Mali comme pays invité d’honneur ?
A.M.S. : Il y a plusieurs dimensions. D’abord , le Mali est un pays frère. Sur le plan géographique,nous avons une bonne frontière que nous partageons. Aussi sur le plan artistique, le Burkina et le Mali sont les rares pays du continent qui ont au minimum remporté deux fois l’Etalon de Yennenga. Le Mali a trois fois l’Etalon et nous avons deux. J’espère que cette fois-ci nous allons les rattraper à ce niveau.
Sur le plan artistique, nous sommes deux pays dynamiques. Lorsqu’on parle de la cinématographie et la force de l’industrie du contient, on fait toujours allusion à ces deux pays et en y faisant allusion, on parle des femmes et des hommes qui ont déjà posé les fondements de notre cinéma. Je pense à Souleymane Cissé et Aboubacar Cissako du Mali et à Gaston Kaboré et feu Idrissa Ouédraogo du Burkina, tous détenteurs de l’Etalon d’or de Yennenga.
Au-delà de l’ancienne génération, il y a aussi la nouvelle génération du Mali, celle d’André Diarra et de Fousseni Maïga. C’est important justement quand on a deux pays très forts en matière de création cinématographique qui se retrouvent pour parler de la paix et de la production cinématographique. Cela pourrait inspirer d’autres pays du monde, vu que le Burkina Faso et le Mali vivent les mêmes situations.
S : A quelle innovation majeure peut-on s’attendre pour cette 28e édition du FESPACO?
A.M.S . : En 2021, nous avons lancé une batterie d’innovations. Nous allons partir sur l’idée de renforcer ces acquis pour le bonheur des festivaliers et des professionnels. Dans notre démarche, nous allons voir comment on pourrait renforcer le côté économique de ce festival. Voilà pourquoi, cette année nous avons mis en place un marché de coproduction qui est un espace de rencontres entre les porteurs de projets, les producteurs, les responsables de financement et les personnes capables d’investir dans le domaine du cinéma.
Nous avons lancé le « FESPACO hors des murs » afin de donner la chance à ceux qui vivent dans les périphéries et dans les zones difficiles comme Kaya où il y a beaucoup de déplacés internes de prendre part à la biennale du 7e art africain. D’autres villes dont Dédougou vont aussi vibrer au rythme du « FESPACO hors des murs ».
S : Que réservez-vous au public à la cérémonie d’ouverture prévue ce samedi?
A.M.S. : Je profite de votre micro pour lancer un grand appel à toute la population de Ouaga et à l’ensemble des Burkinabè à participer à ce festival. Nous avons la chance d’avoir cette année Serge Aimé Coulibaly qui va faire la chorégraphie de la cérémonie d’ouverture à travers son concept « I have a dream », qui veut dire « j’ai fait un rêve ». C’est ce rêve qui sera transmis en lumière et en chorégraphie.
Entretien réalisé par Abdoulaye BALBONE