Giving for change dans la région des Koulsé: des vies reconstruites grâce à la philanthropie communautaire

Grâce aux 4 cochons reçus, il y a 2 ans la veuve, Bernadette Soulga, peut subvenir désormais à ses besoins et ceux de ses 4 orphelins.

Des petits projets qui changent des vies ! c’est le pari relevé par plusieurs membres de la communauté de pratique Giving for Change de l’OCADES Kaya. Découvrez comment des associations ont réussi à mobiliser des soutiens locaux pour impacter positivement la vie de personnes vulnérables.

Bernadette Soulga envisage désormais l’avenir avec sérénité. Devenue seule responsable de ses 4 enfants, suite au décès de son époux dans une attaque terroriste, elle ne squatte plus la cour de la mairie dans l’espoir de recevoir des vivres, afin de nourrir ses orphelins. Mme Soulga passe dorénavant ses journées à veiller sur les deux porcheries.
« L’association espoir des jeunes éleveurs de Boussouma m’a offert 4 cochons, il y a 2 ans et aujourd’hui j’en compte 13. C’était la misère. Lorsque j’allais à la mairie pour solliciter de l’aide je revenais bredouille bien souvent. Mais depuis que j’ai mes cochons, nos vies ont changé. Je remercie l’association car ce n’est pas seulement moi qu’elle a aidé mais aussi mes orphelins », témoigne-t-elle pleine de gratitude.

Si Bernadette Soulga ne se fait plus de soucis pour les dépenses quotidiennes, c’est parce que son élevage de porcs lui rapporte des revenus convenables. « Pour toutes les dépenses je prélève dans mon enclos, si bien que nous n’avons plus de soucis que ce soit pour la pitance quotidienne, les soins et même les frais de scolarité, les fournitures et tenues scolaires », précise-t-elle. L’autonomie financière et la restauration de sa dignité Bernadette Soulga les doit aux soutiens locaux mobilisés par l’association espoir des jeunes éleveurs de Boussouma dans le cadre de la mise en œuvre du programme Giving for Change ou philanthropie communautaire. Les soutiens locaux sont en fait des personnes identifiées, au sein de la communauté qui sont susceptibles d’apporter toute aide nécessaire à la réussite d’un projet au bénéfice de la communauté. Celle-ci peut consister en des ressources financières, des conseils, du matériel ou des formations.

10 auto-emplois générés

Le président de l’association espoir jeunes éleveurs de Boussouma, Kassoum Ouédraogo : « nous sommes satisfaits car nous avons réussi à générer des auto-emplois pour 10 personnes ».

C’est ainsi que suite aux sessions de renforcement de capacités dans le cadre de la trajectoire Giving for Change assurées par l’Organisation catholique pour le développement et la solidarité (OCADES) Kaya, en partenariat avec l’Association burkinabè de fundraising (ABF), l’association espoir des jeunes éleveurs de Boussouma a pu élaborer et conduire de bout en bout un projet d’octroi d’animaux à 10 éleveurs. « En fait il s’est agi d’un projet d’un cout global de 3 060 000 F CFA. Nous avons mobilisé la moitié de cette somme et l’ABF a fourni l’autre moitié. Au final, nous avons retenu 10 bénéficiaires. Avec l’enveloppe financière, nous avons octroyé à chacun d’eux 3 ou 4 bêtes qu’il s’agisse de petits ruminants ou de cochons. Certains ont opté de faire de l’embouche et d’autres pour l’élevage de reproduction », explique le président de l’association espoir des jeunes éleveurs de Boussouma, Kassoum Ouédraogo.

Malgré quelques appréhensions au départ, M. Ouédraogo est aujourd’hui heureux des résultats atteints. « Nous sommes satisfaits car nous avons réussi à générer des auto-emplois. Les bénéficiaires également sont heureux, car beaucoup n’avaient pas de quoi démarrer leur activité. Aujourd’hui, ils sont propriétaires d’un petit cheptel et arrivent à avoir des revenus grâce à la vente des animaux qu’ils ont engraissés », déclare-t-il. Alimata Ouédraogo, bénéficiaire de deux brebis et d’un bélier témoigne elle aussi du succès du projet.

« Quelque temps après avoir reçu mes animaux, la femelle a mis bas et plus tard lorsque j’ai revendu les béliers, j’ai réinvesti le bénéfice pour agrandir mon restaurant. J’ai aussi racheté 2 mâles que je vais revendre à la fin de la saison de la pluie. Donc, je suis un exemple que ce projet a un impact positif sur la vie des bénéficiaires », soutient-elle.

Redonner de l’espoir

La présidente de l’association Watinoma du secteur 2 de Kaya, Clémence Ouédraogo : « il est de plus en plus difficile de mobiliser des ressources auprès des soutiens locaux, mais nous avons réglé cette contrainte par les cotisations des membres ».

A l’image de Boussouma, la philanthropie communautaire a redonné de l’espoir à certaines personnes dans la ville de Sandbondtenga (anciennement dénommée Kaya), le chef-lieu de la région des Koulsé. Sont de ceux-là, Sayouba Ouédraogo, une personne déplacée interne qui a dû fuir Tamaasga pour se réfugier dans cette ville. « Nous sommes arrivés à Kaya sans rien, motivés uniquement par la volonté de sauver nos vies. Grâce à l’aide de l’association Watinoma du secteur 2 de Kaya j’ai pu reprendre mes activités de maraîchage », raconte-t-il. En effet dans le cadre de sa participation à la trajectoire Giving for Change, l’association Watinoma du secteur 2 de Kaya a soumis le projet d’aménagement d’un site de production hors sol au profit de l’association et de personnes vulnérables.

Au regard de ses compétences et sa situation de vulnérabilité, Sayouba Ouédraogove a tout naturellement été retenu comme l’un des bénéficiaires de ce projet, assure la présidente de l’association, Clémence Ouédraogo. « Grâce au projet, nous avons appris à pêcher notre poisson, pas besoin de quémander sa pitance. Les repas quotidiens ne sont plus un souci pour les membres de ma famille d’une vingtaine de personnes, car j’ai trois épouses, 14 enfants, ma mère et trois neveux à ma charge. De plus à la fin du cycle de production, le bénéfice global a été réparti entre les membres et cela nous a permis d’améliorer le bien-être de la famille », confie-t-il. Pour lui, au-delà des revenus, le projet conduit par l’association Watinoma a permis de créer des liens de fraternité entre les bénéficiaires.

Membre de la communauté de pratique du programme Giving for change de la région des Koulsé, l’Association burkinabè pour l’épanouissement des personnes handicapées et vulnérables (ABEPHV) a engrangé également des résultats appréciables, selon Catherine Gansonré. « Nous avons soumis un projet de production de légumes. Grâce aux modules de formation, nous avons pu identifier des soutiens locaux. Nous avons pu nouer une bonne collaboration avec les agents techniques du ministère en charge de l’agriculture. Ils ont été d’un grand appui pour la réussite de notre projet », poursuit-elle. Dans le cadre de son projet cofinancé par l’ABF, l’ABEPHV a produit de la salade, du chou, des aubergines, des oignons et du gombo et généré des bénéfices.

Changer le regard sur le handicap

Selon le bénéficiaire du projet d’agriculture hors sol, Sayouba Ouédraogo : « nous sommes arrivés à Kaya sans rien. Grâce à l’aide de l’association Watinoma

« En 2023, nous avons pu mobiliser 700 000 F CFA. En 2024, nous avons pu réunir plus de 3 millions F CFA, si l’on comptabilise les ressources auprès des soutiens et les bénéfices générés par nos activités », assure Mme Gansoré. Plus que des revenus l’intégration à la communauté de pratique Giving for Change dans la région des Koulsé, pour Catherine Gansoré, contribue à changer le regard de la société vis-à-vis de la personne vivant avec un handicap. « 10 ans en arrière, le handicap rimait avec la mendicité, mais grâce à ce projet nous avons prouvé que la personne handicapée est capable d’être productive, car c’est la tête qui travaille. Un aveugle ou un handicapé moteur a juste des limites mais il demeure un être à part entière capable de concevoir et de mettre en œuvre une activité qui va lui permettre de gagner sa vie dignement », soutient celle qui se dit fière d’avoir participé à la réussite du projet de L’ABEPHV.

Ces « succès » des membres de la communauté de pratique de l’OCADES Kaya ne se sont pas réalisés sans difficultés, selon le chargé de projet pour Giving for Change, Vincent Sawadogo. Le cofinancement des projets à part égal entre les associations et l’association burkinabè de fundraising ayant été une gageure pour les associations. « Nous comprenons la difficulté à mobiliser la contrepartie financière dans le cadre du cofinancement des projets. Justement nous voulons créer un choc, un changement de paradigme », explique-t-il. Pour le chargé de projet

Giving for Change à l’OCADES Kaya, ce nouveau paradigme est un choix assumé. « A travers le cofinancement 50/50, nous voulons responsabiliser les associations et les communautés dans l’autofinancement des projets pour répondre à leurs besoins », soutient-il. M. Sawadogo s’est dit satisfait du niveau d’assimilation et de mise en pratique des connaissances acquises tout au long de la trajectoire de formation. « A l’issue du

Catherine Gansoré de l’ABEPHV : « le handicap rimait avec la mendicité, mais grâce à ce projet nous avons prouvé que la personne handicapée est capable d’être productive, car c’est la tête qui travaille ».

coaching que nous avons assuré, le constat est intéressant, car les associations ont fait beaucoup d’efforts pour être crédibles, avoir un ancrage dans leurs communautés et être visibles auprès des administrations locales », précise-t-il. Effectivement dans le cadre de la mobilisation de leur contrepartie financière, les associations ont fait preuve d’ingéniosité. « Notre contrepartie n’a pas été forcément de la liquidité.

Nous avons eu des frères docteurs vétérinaires et la vétérinaire en chef de la localité qui ont évalué la valeur financière des renforcements de capacités dispensés aux bénéficiaires. Les commerçants nous ont fourni des grillages qui ont servi à confectionner les enclos pour le bétail, dont ils ont estimé la valeur. C’est ainsi que nous avons pu mobiliser la somme de 1 530 000 F CFA et ABF a apporté l’autre moitié », a détaillé le président de l’association espoir jeunes éleveurs de Boussouma, Kassoum Ouédraogo.

Du reste, il confie qu’il est difficile de mobiliser les ressources financières du fait de l’insécurité d’autant plus que ce sont les mêmes soutiens qui sont sollicités à tout moment. L’association Watinoma du secteur 2 de Kaya et l’association burkinabè pour

Le chargé de projet Giving for Change à l’OCADES de Kaya, Vincent Sawadogo : « à travers le cofinancement 50/50 nous voulons responsabiliser les associations et les communautés dans l’autofinancement des projets pour répondre à leurs besoins ».

l’épanouissement des personnes handicapées et vulnérables, quant à elles, ont fait l’option de miser sur la contribution des membres en plus des ressources matérielles et des sessions de formation fournies par leurs soutiens locaux.

« Au regard du contexte économique, il est de plus en plus difficile de mobiliser des ressources auprès des soutiens locaux, mais nous avons réglé cette contrainte par les cotisations des membres », affirme la présidente de l’association Watinoma. Pour Catherine Gansonré, il faut être rigoureux pour réussir à mobiliser la contrepartie. « Dans notre association, chaque membre doit donner sa contribution pour la réalisation des activités. Il y a eu un investissement personnel de la part de chacun d’entre nous pour la réussite de ce projet. Aujourd’hui nous sommes fiers des résultats », conclut-elle.

Nadège YE

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