Guinée-Bissau : la présidentielle en sursis

L’élection présidentielle du 24 novembre 2019, censée mettre fin à la crise politique en Guinée-Bissau aura-t-elle lieu ? Cette question mérite d’être posée au regard de ce qui prévaut dans ce pays depuis quelques semaines. En effet, le président sortant, José Mario Vaz, candidat à sa propre succession, a limogé la semaine dernière le Premier ministre, Aristide Gomes, désigné pour conduire le processus jusqu’à la tenue des élections. Il est remplacé par un nouveau chef de gouvernement en la personne de Faustino Imbali. Cette nomination jugée « illégale » a été récusée par M. Gomes et son équipe qui se sont maintenus aux affaires conformément à l’accord signé en juin 2019. Un nouveau rebondissement dans cette crise qui dure depuis 2014 dans ce petit Etat de moins de deux millions d’habitants. Depuis lors, nombre d’observateurs de la scène politique bissau-guinéenne, s’interrogent sur le sort réservé aux élections dans ce contexte où le chef de l’Etat et son Premier ministre sont à couteaux tirés. Même si nous ne sommes pas dans les secrets du pouvoir en place à Bissau pour répondre aux inquiétudes des uns et des autres, il est évident que le président José Mario Vaz marche sur des œufs. C’est le même processus de paix qui lui a permis de se maintenir à son poste malgré l’expiration de son mandat en juin 2019.

Cette dérogation avait chargé le gouvernement conduit par le Premier ministre Gomes de conduire les affaires jusqu’au 24 novembre 2019, date prévue pour la présidentielle. Cela, sous l’égide de la CEDEAO et de l’Union africaine qui n’ont d’ailleurs pas hésité à condamner dès les premières heures de la crise la décision du président José Mario Vaz de relever le chef de gouvernement de consensus de ses fonctions. Cette révocation est d’autant plus révoltante qu’elle intervient seulement à quelques jours de la tenue des élections auxquelles le président Vaz doit prendre part. Le chef de l’Etat sortant risque de précipiter son départ du palais présidentiel dans la mesure où la dissolution du gouvernement Gomes équivaut à une remise en cause du processus qui confère à son règne actuel une certaine légitimité. Son fauteuil est menacé, car l’équipe d’Aristide Gomes vient de bénéficier en plus de l’UA, du soutien de l’Organisation des Nations unies dont le secrétaire général Antonio Guturres, qui a appelé toutes les parties prenantes à se conformer aux recommandations de la CEDEAO sur le processus de paix. Dans cette logique de pression, une délégation des chefs d’Etat de l’organisation sous-régionale se rendra le 16 novembre prochain à Bissau, pour d’abord tenter de faire entendre raison à Jose Mario Vaz qui, à force de limoger, est aujourd’hui à son 6e Premier ministre depuis son arrivée au pouvoir en août 2014.

En cas de refus, l’homme fort bissau-guinéen devra tirer toutes les conséquences qui s’en suivront puisque le Sommet extraordinaire de la CEDEAO tenu le 8 novembre 2019 à Niamey au Niger, a décidé de renforcer les effectifs de sa Mission en Guinée-Bissau (ECOMIB) par l’envoi de troupes supplémentaires. Forte de 500 personnes, l’ECOMIB pourrait voir ses chiffres doublés selon des sources proches du dossier et cela au regard de l’enjeu de la mission et des derniers développements de la situation dans le pays. Autant dire que c’est un nouveau revers pour Vaz. D’ores et déjà, le nouveau Premier ministre, Faustino Imbali, pour qui la pression de la CEDEAO était devenue insupportable, n’a eu d’autre choix que de rendre sa démission. Même si le candidat-président qui bat campagne à l’intérieur du pays n’a pas encore examiné la lettre de démission. Ce combat de la CEDEAO témoigne de l’attachement de l’organisation sous régionale aux principes sacro-saints de la démocratie. C’est à ce prix que les peuples parviendront à se défaire des dirigeants qui caressent toujours le rêve des longs règnes sur le continent.

Beyon Romain NEBIE
nbeyonromain@yahoo.fr

Laisser un commentaire