Les élections législatives viennent d’être une fois de plus repoussées en Guinée. Initialement prévues pour le 28 décembre 2019, puis reportées au 16 février 2020, c’est finalement la date du 1er mars prochain qui a été retenue par la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Ce report en report montre à souhait que le processus électoral guinéen a du plomb dans l’aile. Quels sont les mobiles de ces modifications de dates en moins de trois mois ? Il se susurre dans les couloirs de la CENI que l’institution aurait des difficultés financières et techniques, mais aussi ferrait face à des problèmes liés aux ressources humaines. En scrutant la scène politique guinéenne, l’on pourrait penser que d’autres paramètres expliquent de tels reports. En effet, le boycott des élections par les principaux partis politiques de l’opposition, suivi de la démission avec fracas de sept commissaires membres de la CENI pour protester contre la gestion « opaque du processus électoral », sont perçus par des observateurs comme des éléments ayant pesé dans la balance. L’autre raison à ne pas occulter est l’implication des religieux. Ceux-ci ont demandé aux gouvernants de suspendre l’organisation des législatives jusqu’à ce que les parties prenantes au processus se concertent pour organiser des élections libres, indépendantes et inclusives. Un scrutin crédible, c’est justement ce qui a le plus souvent manqué en Afrique. Comment donc œuvrer pour y parvenir ? C’est tout le dilemme auquel sont présentement confrontés certains pays du continent à l’image du pays de Sékou Touré. L’actuel parlement, entré en fonction en janvier 2014, pour un mandat de cinq ans n’est plus dans les délais constitutionnels. Des élections devraient se tenir fin 2018 ou début 2019, mais tardent à voir le jour pour des raisons politico-techniques, exacerbées par les guéguerres entre la majorité et l’opposition. En plus de ces législatives, il y a l’autre volcan presqu’en éruption, la présidentielle à venir. Le peuple guinéen est dans l’attente d’une éventuelle date d’un référendum constitutionnel, condition préalable à la modification de la loi fondamentale qui pourrait permettre à Alpha Condé de se représenter pour un troisième mandat. Mais cette démarche jugée suicidaire par une partie des Guinéens est vivement contestée et a, de nos jours, coûté la vie à plusieurs personnes. Face à de telles situations où des hommes ou partis politiques, avides du pouvoir, sont prêts à transgresser les règles préétablies pour assouvir leurs funestes appétits, les organes compétents ne doivent nullement observer une passivité coupable. En la matière, la Cour constitutionnelle malawite force l’admiration des Africains, épris des valeurs démocratiques. Elle a courageusement sifflé la fin de la récréation en annulant le 3 février dernier l’élection controversée de 2019, qui a vu la réélection du président sortant, Peter Mutharika. Par voie de conséquence, la cour a renvoyé les électeurs à un nouveau scrutin dans 151 jours. L’institution a donc estimé que le vote du 21 mai 2019 avait été entaché de nombreuses irrégularités. Une première dans l’histoire du Malawi depuis son indépendance en 1964. Puisse la leçon malawite faire tache d’huile sur le continent noir afin d’éviter que les démocraties embryonnaires ne basculent vers la dictature.
Abdoulaye BALBONE