Depuis le temps qu’on nous « bassine » les oreilles avec la prétendue perte des valeurs qui ont toujours caractérisé le peuple burkinabè et que le camarade capitaine Thomas Sankara et ses compagnons de lutte ont synthétisé à travers le nouveau nom de baptême du pays le 4 août 1984, les exemples récents donnés par les soldats du feu burkinabè viennent nous rappeler que l’âme d’un peuple ne meurt jamais et que les chiens ne font jamais de chats. Comment en effet, un peuple qui a été le premier en Afrique à mener une insurrection populaire au lendemain des indépendances pour se dresser contre toutes les tentatives de « monarchisation » du pouvoir ( février 1974, grève générale de 1975, révolution d’août 1984 etc.), peut-il, du jour au lendemain, perdre toutes ses valeurs au point d’être qualifié par « l’iconoclaste » Laurent Bado dans la catégorie des peuples « moutons »(sic). Excès d’amour ou de colère sans doute du vieux professeur dont le tercerisme sur fond de grégarisme africain tarde à s’imposer dans la conscience populaire et qui, au soir de sa vie, en est contraint à délivrer des sentences sévères pour garder ledit peuple éveillé.
La colère de Bado doit cependant être quelque peu atténuée ces derniers moments au regard de l’actualité faite d’actes de bravoure et de décisions judiciaires qu’on n’hésitera pas à qualifier d’historique au regard de la qualité des mis en cause et des répercussions politiques diplomatiques et financières qu’elles peuvent entraîner. Sur le premier point, l’acte posé par le soldat du feu Vio Zama sur la route de Bobo-Dioulasso, et qui a consisté à sauver de la noyade au péril de sa vie plus d’une vingtaine de personnes, mérite d’être magnifié. Et le président de l’Assemblée nationale ne s’y est pas trompé, lui qui a reçu et récompensé le brave soldat. Toujours sur cette même route de Bobo-Dioulasso, d’autres soldats du feu viennent de s’illustrer en secourant des passagers d’un autre car en détresse.
On nous dira que tous ces hommes étaient dans leur rôle, mais dans ce désert de tendresse et d’amour du prochain qu’est devenu le monde, ces actes méritent respect et considération. Cependant à notre sens, le fait qui marquera durablement la conscience d’un peuple férocement attaché à la justice est la décision prise par le procureur général, Laurent Poda, de poursuivre l’affaire dite du charbon fin au pénal afin que la lumière jaillisse dans ce dossier qui ne cesse de faire couler beaucoup d’encre et de salive depuis qu’un de nos confrères a levé le « lièvre ». Une décision historique en ce sens que les personnes physiques et morales mises en cause ne relèvent pas du menu fretin, et du fait que cette décision pourrait, à terme, avoir des implications pour le moins compliquées aussi bien sur le plan politique, diplomatique qu’économique si tant est que ce sont des représentants du capital monopolistique international qui sont cloués au pilori. C’est le signe que la justice nationale est de plus en plus indépendante, et mieux, que les autorités politiques n’entendent en rien entraver cette indépendance. Des autorités qui, du reste, ne cessent d’afficher leur indépendance d’esprit vis-à-vis des vieilles coteries qui maintiennent l’Afrique dans son état d’arriération permanent, à travers une aide factice et une mondialisation prédatrice dans laquelle les gros poissons mangent les alevins sans état d’âme tout en s’érigeant en donneurs de leçons à travers des ONG qu’ils financent pour « enquiquiner » leurs valets relais un peu trop capricieux.
Cette politique de la « souris », le président du Faso l’a dénoncée lors de la visite d’Angela Merkel au Burkina et son ministre de la Défense a enfoncé le clou en Afrique du Sud en s’interrogeant à haute voix sur l’apport de certaines puissances dans la lutte contre le terrorisme. Loin d’être de la bravade, cela reflète la pensée profonde d’une jeunesse africaine de plus en plus instruite et qui veut mettre fin au pacte colonial vaille que vaille. Les dirigeants qui ne l’ont pas compris et qui se complaisent dans un conformisme d’une autre époque se réveilleront un peu tard pour constater les dégâts. Et comme toutes les luttes de libération sont sanglantes et douloureuses, la situation actuelle du pays peut s’expliquer en partie par ce désir d’indépendance véritable que certains de nos communistes ont caractérisé de révolution nationale démocratique et populaire à un moment, pendant que d’autres parlaient de révolution anti impérialiste démocratique et populaire ou de révolution démocratique et populaire. Sans entrer dans ces querelles idéologiques, disons avec Agosthino Neto, défunt leader de la révolution angolaise que le peuple burkinabè devra se battre dans la douleur en gardant les yeux secs. « L’homme, c’est les problèmes », disent les mosses.
Boubakar SY