Le rêve ou le cauchemar américain ?

Aux Etats-Unis, un bambin de six ans a tiré à bout portant sur son enseignante. Oui, un petit galopin de rien a osé amener une arme à feu en classe et a eu l’outrecuidance de la pointer sur sa maitresse et de tirer comme on tirerait sur un lièvre ou une perdrix.

L’événement a fait le tour du monde et ému plus d’un être humain « normal ».
On pourrait dire que c’est normal ce qui se passe au pays de la démocratie, du droit et de la liberté. On pourrait crier « vive l’Amérique ! Vive la liberté !».

Mais de quelle liberté parle-t-on quand un morveux diablotin peut se munir d’une arme à feu, à l’insu de ses parents s’il en a vraiment, osé franchir les portes de l’école, entrer dans la classe et ouvrir le feu sur celle-là même qui est chargée de l’enseigner ? Mais il n’y a pas le feu !

Les informations disent qu’il a eu une altercation avec sa maitresse, mais écoutez, un enfant de six ans peut-il avoir une altercation avec un adulte, de surcroît son éducatrice ? En quoi un enfant de six ans peut-il oser tenir tête à son enseignant ? Diantre, quelle discussion chaude, querelle ou bagarre, un enfant de six ans peut-il engager avec un adulte qui a l’âge de son père ou de sa mère ?

Il paraît que pour une fois le petit filou a été traité comme un criminel normal, balancé en garde à vue et probablement qu’il passera un séjour en prison. Quand la bêtise commence à faire rire, c’est que l’ignominie ne fait plus mal au bon sens. Et il ne suffit pas d’être le meilleur en tout et partout. Il ne suffit pas d’être le plus puissant de la planète. Encore faut-il être net ! Il ne suffit pas d’être à la pointe de la technologie et de regarder le monde en plongée.

La vraie puissance, c’est celle qui fait de ses citoyens des hommes dignes et responsables. La vraie performance n’est pas forcément après la ligne d’arrivée des pistes tapissées, elle se trouve souvent dans l’expérience du parcours ardu qui apprend à chaque foulée que la meilleure compétition est celle que l’on mène avec soi-même dans l’antre des valeurs humaines et sociales.

Mais que vaut la vie d’un citoyen américain face aux intérêts d’une industrie de l’armement, donc de la violence et faiseur de roi ? Dans un pays où l’âge minimum légal de port d’arme est compris entre 18 et 21 ans, pourquoi s’émouvoir quand un raté social décide d’entrer dans l’histoire par le bout du canon mortel dans une fusillade de balade ? Quand le lobby des armes s’appuie sur le deuxième amendement de la Constitution pour
« sacraliser » le port d’arme à feu au détriment de la vie d’un citoyen, il faut être trop développé pour ne pas voir en gros la faille de trop de sa propre taille.

On peut toucher du bois mais à quoi bon, l’Amérique des records en or a décidé de tirer au sort le destin du lambda plutôt que de tordre le cou à un amendement sans sentiment, faute de consentement. Derrière la liberté, il y a parfois une captivité en errance et la démocratie qui gagne en suprématie ne jette pas en pâture le peuple au désordre. Elle veille à ce que la liberté d’agir soit en conformité avec le droit de vivre.

Mais à quoi sert le droit de vivre quand la liberté de porter une arme incite à la liberté d’en user ? Quelle limite y a-t-il entre la liberté et la responsabilité, quand des « bébés gâtés » de six ans se tachent les mains de sang dès le berceau de l’inconséquence parentale ?

Quelle éducation et quelles valeurs peut-on inculquer à un mioche, si ce n’est celle de ses parents, de sa culture, de son histoire ? Comment éduquer une société bâtie dans la violence à vivre dans la tolérance, sans arme, au risque de perdre son charme dans les détours d’un vacarme qui appelle au drame ?
Entre l’innocent petit criminel coupable, ses indélicats parents défaillants, les sinistres fabricants d’armes qui font de bonnes affaires et le politique hérétique qui joue à l’autruche, à qui la faute ?

Il suffit d’imaginer qu’un Burkinabè de six ans a tiré à bout portant sur sa maitresse d’école, pour vite trouver réponse à toutes ces questions. Il suffit de penser un seul instant que son fils de six ans a tiré sur son camarade avec votre arme à feu pour vite sursauter et crier haro sur le cauchemar. Parce qu’au moins à six ans chez nous, un enfant
« éduqué » issu de parents éduqués, d’une famille « normale » et d’une société « normale » ne s’amuse pas avec une aiguille, une lame de rasoir ou un couteau.

Parce que chez nous, au fond des « taudis » du « sous-développement », il y a toujours une certaine humanité qui aspire même à l’intégrité. Parce que chez nous les « pauvres », il y a toujours une richesse intarissable socioculturelle, spirituelle et traditionnelle qui impose le respect de l’Homme et de la vie. Et cette lueur d’espoir de nos cases rassure mieux que les projecteurs éblouissants des gratte-ciels de la déchéance morale.

Clément ZONGO
clmentzongo@yahoo.fr

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