A l’appel du Chef de file de l’Opposition politique (CFOP), des citoyens sont descendus dans les rues de Ouagadougou et de l’intérieur du pays. Par des marches voulues pacifiques, ponctuées de remises de messages d’interpellation au gouvernement, ils entendaient ainsi exprimer leur ras-le-bol face à la dégradation de la situation sécuritaire. Laquelle dégradation a connu son paroxysme avec le massacre de civils à Solhan dans la région du Sahel et l’embuscade qui a coûté la vie à 11 policiers au Centre-Nord.
Mobilisation ou pas, on retiendra surtout que des Burkinabè sont très mécontents de la gestion de la crise sécuritaire par les gouvernants et l’ont exprimé à travers ces marches, des vidéos et des écrits sur les réseaux sociaux qui en disent long sur l’insécurité dans certaines localités frontalières de l’Est, au Sahel et au Nord. Des slogans sans équivoque, du genre « Compassion et solidarité… pour la paix et la bonne gouvernance », « A bas le terrorisme…trop, c’est trop », ont été scandés.
Ces marches, là où elles ont eu lieu, se sont déroulées globalement dans le calme, sans dégradation de biens publics et sans qu’aucun marcheur ne soit inquiété, sous l’encadrement des Forces de défense et de sécurité (FDS). Ce qui témoigne de l’engagement et de la maturité des marcheurs face à l’exécutif qui accepte le jeu démocratique en autorisant et en encadrant les manifestations, malgré les contraintes liées à la situation sécuritaire. Si l’appel du président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, à surseoir aux marches susceptibles « de faire le lit de notre désunion face à l’ennemi commun » n’a pas été entendu, celui exhortant les populations à ne pas se « tromper d’ennemi » a emporté l’adhésion de ses compatriotes. Aucun dérapage n’a été enregistré et des marcheurs ont même empêché qu’on brûle publiquement le drapeau français à la place de la Nation.
Du reste, le chef de l’Etat a, en partie, répondu aux préoccupations exprimées, le mercredi 30 juin dernier en procédant à un remaniement ministériel marqué par le départ des ministres en charge de la défense nationale, Chériff Sy et de la Sécurité, Ousséni Compaoré, à la suite de l’attaque de Solhan. Depuis cet événement en effet, les polémiques enflent sur la gestion des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), les « incompatibilités d’humeurs » supposées au sein de la « grande muette » et l’option critiquable de négociations locales avec les terroristes. Il a fallu l’attaque de Solhan, puis l’embuscade contre les policiers et la bronca populaire, que l’onde de choc de ces tueries a provoquée, pour que des actions fortes soient envisagées.
Dans la foulée, la Brigade spéciale des investigations anti-terroristes et de la lutte contre la criminalité organisée (BSLT) a rendu publics les premiers éléments, très édifiants, de l’enquête sur la l’attaque de Solhan, la plus meurtrière depuis 2015. Ce qui, à tort ou à raison, fait croire à une certaine opinion qu’il fallait toutes ces manifestations et interpellations pour que l’exécutif daigne prendre les choses en main. Sans occulter le rôle majeur que doivent jouer les populations locales dans la guerre contre l’hydre terroriste, il faut reconnaître que le gouvernement, tirant leçons de ces journées de protestations contre la gestion de la crise sécuritaire, a au moins une obligation de déployer les moyens nécessaires pour réduire considérablement les attaques et atténuer les conséquences humanitaires. Quant à la victoire contre les forces du mal, elle reste une œuvre collective de longue haleine.
Par Mahamadi TIEGNA
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