Port du casque : le défi

Le débat sur le port du casque refait surface au Burkina Faso, pays où les engins à deux roues pullulent comme des mouches. A la faveur de la 6e Semaine de la sécurité routière, tenue du 9 au 13 août 2022, le gouvernement a réaffirmé sa volonté d’imposer le port du casque à tous les utilisateurs de véhicules motorisés à deux roues, conformément à la règlementation en vigueur. Si les autorités de la Transition reviennent à la charge, c’est que l’heure est grave sur nos routes. Chaque année, de nombreux blessés y sont enregistrés, des morts aussi. Les dernières données statistiques indiquent que 85,43% des patients victimes des accidents de la circulation routière admis dans les centres hospitaliers souffrent de traumatismes crâniens.

Aussi 80% des accidentés sont-ils des utilisateurs d’engins à deux roues, non équipés de casques dans la plupart des cas. A la vue de ces chiffres, l’exécutif a tout intérêt à se mettre en branle, mais encore faut-il faire preuve de tact et de détermination pour faire appliquer la règlementation sur le port obligatoire du casque, présente dans notre arsenal juridique depuis plus de 40 ans. Elle avait été instituée par le décret no78-107/PRES/TPTU du 30 novembre 1978, qui selon certaines sources, avait été appliqué, avec des amendes pour les contrevenants, avant de tomber dans les oubliettes. Le texte avait été relancé sous le régime de Blaise Compaoré en 2003, pour ensuite être modifié en 2005, avec l’obligation pour les vendeurs d’intégrer le casque dans les équipements de la moto lors de la vente, mais son application pose problème. Un rejet du casque et une certaine défiance de l’autorité sont perceptibles.

On se rappelle des violentes manifestations, qui avaient émaillé l’entrée en vigueur du décret sur le port obligatoire du casque le 1er septembre 2006, sous le ministre de la Sécurité d’alors, Djibrill Bassolé. Très engagé sur le sujet en son temps, celui-ci avait voulu manier la carotte et le bâton, en l’occurrence sensibilisation et répression, mais la forte opposition de la rue avait malheureusement plombé ses ambitions. Le gouvernement de transition est dans la même dynamique d’inscrire le port du casque dans les habitudes, avec une stratégie beaucoup plus fondée sur la pédagogie, qui pourrait susciter plus d’adhésion. Il entend sensibiliser la jeunesse, qui dénombre dans ses rangs de nombreux conducteurs d’engins à deux roues indélicats. Certains jeunes se fichent des règles de la circulation encore moins du port du casque, au point de stigmatiser ceux qui s’en servent. D’aucuns l’assimilent à un « machin », sous lequel, on donne l’impression d’étouffer. On peut comprendre la phobie du casque chez certaines personnes, qui éprouvent des difficultés respiratoires, mais cela ne saurait remettre en cause son utilité.

A tout point de vue, le casque protège la tête des chocs légers ou violents, même s’il ne constitue pas une assurance tout risque. Des usagers d’engins à deux roues ont eu la vie sauve grâce au casque qu’ils portaient. S’il ne garantit pas à 100% une chance de survie, le casque n’est pas à négliger. Les conducteurs et les passagers de motos doivent se le tenir pour dit. Ce message vaut également pour les acteurs impliqués dans la chaine d’importation et de commercialisation des engins à deux roues, que l’équipe du Premier ministre, Albert Ouédraogo, compte également sensibiliser. Des commerçants véreux se permettent de vendre des motos sans donner des casques aux clients, comme l’exige la règlementation. Les acheteurs sont obligés de débourser 15 000 ou 20 000 F CFA, voire plus, pour se procurer un casque, ce qui décourage certains d’entre eux. Cette situation, déplorable, a amené l’Office national de sécurité routière (ONASER) à remettre symboliquement le décret y relatif au syndicat des vendeurs et importateurs de cycles et cyclomoteurs au niveau du Burkina Faso.

Un geste, qui n’avait pas lieu d’être, si les acteurs concernés s’étaient conformés purement et simplement à la loi. Le gouvernement de Transition, qui se lance dans une action noble, aura fort à faire pour changer les mentalités des conducteurs et des acteurs. On espère qu’il n’aura pas à recourir à la répression pour y parvenir, comme envisagé. La politique de sensibilisation doit également intégrer un mécanisme de contrôle de qualité des casques avant leur mise en circulation, comme l’avait suggéré l’expert en sécurité routière, Ahmad Nassouri Cissé, lors d’une communication portant sur l’expérience du port du casque au Burkina Faso, en septembre 2007. La communication sociale n’est pas une action aisée, mais l’espoir de lendemains meilleurs est permis.

Kader Patrick KARANTAO

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