L’association Sœurs pour sœurs/ Tond Laa Taaba a organisé, le vendredi 18 février 2022, à Ouagadougou, un atelier de restitution de l’étude de base sur la santé mentale des femmes et des filles au Burkina Faso.
Nombreuses sont les femmes victimes de troubles mentaux. Ces dernières font l’objet de stigmatisation et de discrimination par certaines personnes qui estiment qu’elles sont responsables de leur situation. Aussi, les personnes malades sont souvent victimes de violation de leurs droits humains, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des établissements psychia-triques.
Ce sont entre autres, les conclusions de l’étude de base sur la santé mentale des femmes et des filles au Burkina Faso commanditée par l’association Sœurs pour sœurs/ Tond Laa Taaba. Cette étude qui a été menée d’août à septembre 2021 a concerné les villes de Ouagadougou, Ouahigouya, Bobo- Dioulasso, Fada N’Gourma. Selon son commanditaire, au terme de cette étude, également, on retient que la maladie mentale est une réalité sociale, un fait social qui intervient à tous les niveaux de la vie individuelle et collective.
L’étude indique aussi que les femmes atteintes de maladies mentales sont plus victimes de stigmatisation et de discrimination que les hommes. Certaines sont souvent victimes de viol, tombent enceintes et les enfants séparés de leur mère. Selon l’investigateur principal de l’étude, Dr Bouma Bationo, socio- anthropologue, les enquêtés perçoivent la maladie mentale comme le dérivé d’une malédiction, de la transgression d’un interdit, par exemple de la violation d’un espace ou bois sacré.
Ils reconnaissent de façon unanime, a-t-il souligné, que c’est une maladie qui affecte le corps et touche de manière particulière la tête qui est spirituelle. Certains enquêtés pensent, a-t-il poursuivi, que les filles et femmes sont souvent sous l’emprise de forces maléfiques et sont les oubliées de la société. L’étude a été initiée pour avoir des données de base pour mieux cerner la problématique et avoir des réponses à un certain nombre d’interroga-tions, des indicateurs pour des interventions, a affirmé la présidente de l’association Sœurs pour sœurs/Tond Laa Taaba, Julienne Zongo.
« Nous sommes partis du constat qu’au nombre des organisations de défense des droits humains et des femmes, les femmes handicapées mentales ne sont pas prises en compte, elles étaient laissées pour compte. Cette initiative vise à mettre en lumière leurs préoccupations », a insisté Mme Zongo. Elle a ajouté : « l’objectif général de cette étude est de comprendre la perception des communau-tés sur les femmes souffrant de maladies mentales, comment les sociétés endogènes perçoivent ou inscrivent la maladie mentale en rapport avec les normes sociales ».
Pour le psychologue- clinicien au Centre hospitalier universi-taire Yalgado- Ouédraogo, Clément Lankoandé, cette étude montre une réalité, en venant apporter la preuve de cette négligence et la difficulté des femmes atteintes de troubles mentaux. « Nous sommes dans un contexte où prendre en charge un malade mental devient coûteux pour les familles. S’intéresser à cette question, c’est se donner aussi les moyens d’améliorer leur prise en charge », a-t-il indiqué. Il a expliqué que les causes des troubles mentaux sont liées aux chocs traumatiques, aux antécé-dents familiaux très chargés, etc.
Et les troubles mentaux sont des problématiques chroniques et le problème c’est comment les inscrire dans la permanence des soins pour ne pas que le patient soit dans la logique de rechute.
Une synergie dans les actions
M. Lankoandé a rappelé que l’Etat, qui s’est engagé dans la gratuité des soins pour la mère et l’enfant, doit prendre en compte les femmes au bas de l’échelle qui sont vulnérables lorsqu’elles ont des troubles mentaux. De son avis, l’Etat peut faire quelque chose pour les accompagner.
Abondant dans le même sens, l’étude a recommandé le renforce-ment de la collaboration entre les personnels de santé dans les parcours thérapeu-tiques des personnes atteintes de maladies mentales, particulièrement les femmes/filles, un plaidoyer avec les OSC auprès du ministère en charge de la femme pour le renforcement des cadres juridique et institutionnel favorables à la prise en charge et à la promotion de la santé mentale des femmes/filles, la mise en place d’un réseau d’organisations de la société afin de créer une synergie dans les actions.
Ce qui permet de mener des plaidoyers auprès des pouvoirs publics en matière de promotion de la santé mentale des femmes et filles et de poursuivre la recherche sur l’état des lieux des femmes/filles atteintes de maladies mentales dans les autres régions du Burkina.
Abdel Aziz NABALOUM
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